Com : Jeune Afrique dans le collimateur de Bouamatou, une erreur stratégique de l’opposant mauritanien!

Com : Jeune Afrique dans le collimateur de Bouamatou, une erreur stratégique de l’opposant mauritanien !

Mondafrique ne va pas par mille chemins pour s’attaquer directement à Jeune Afrique en l’accusant de corruption. Même si le mot « corruption » n’est pas prononcé, ni des noms propres de journalistes de Jeune Afrique, c’est bien de cela dont il s’agit quand Mondafrique parle de « dossier de promotion publicitaire » pour qualifier un travail réalisé par Alain Faujas, envoyé de Jeune Afrique.

 Un travail d’une quinzaine de pages qui contiennent des articles analytiques, des encadrés informationnels, des interviews dont une avec Boydiel Ould Hemeid, un homme politique célèbre, et l’un des leaders les plus influents de l’opposition dite « modérée », ou dite « dialoguiste »…

La thématique est assez variée : la situation politique en Mauritanie, sa description, son « avenir en pointillé » comme l’annonce le journal comme titre de son dossier, autrement dit : ses incertitudes, notamment en ce qui concerne la succession du président Mohamed Ould Abdel Aziz en 2019,  des incertitudes qui touchent aussi bien le camp de la majorité que celui de l’opposition ; la situation économique et ses perspectives : retour des touristes occidentaux, grâce notamment aux efforts inlassables de Maurice Freund et ses amis voyagistes de Point Afrique, l’exploitation minière… ;  la situation sécuritaire : ses acquis et ses faiblesses, avec des explications à l’appui données par le Général Ghazwany ; etc.

Toutefois, pour Mondafrique tout ce travail, assez fouillé, n’est que la face visible d’un marché commercial inavoué, établi entre le gouvernement mauritanien et Jeune Afrique

« Réalisme » économique oblige, écrit-t-il,  notre confrère “Jeune Afrique” a financé l’essentiel de ce supplément de douze pages, “la Mauritanie, l’avenir en pointillés”, par de la publicité négociée en Mauritanie. Parmi les annonceurs se trouvent les sociétés Kinross et Maurilog, toutes deux citées dans une enquête de la SEC américain. C’est dire que l’ambition de journal de faire un papier sur le secteur minier mauritanien sera passablement plombée par de tels financements. »

Et Modafrique d’énumérer « 10 erreurs commises par Jeune Afrique ». Des erreurs relevées selon lui, par « ugroupe de journalistes mauritaniens, directeurs de publications francophones(…). Ces professionnels, ajoute Mondafrique, qui considèrent malgré tout cette publication comme “le plus prestigieux et le plus ancien des journaux francophones d’Afrique, regrettent ces approximations. »

Ces extraits, comme l’article de Mondafrique dans son ensemble, suscitent quelques interrogations, relatives à la forme  comme au fond de la réaction de ce groupe de « journalistes mauritaniens » que Mondafrique qualifie de « professionnels ».

Sur le plan de la forme, il en ressort, qu’une commission de travail aurait été constituée pour répondre à Jeune Afrique. Voilà qui pose des questions d'ordre déontologie :

 Sur un plan purement journalistique, qu’est ce qui motive ce genre de regroupement de professionnels de la presse ? En quoi sont-ils concernés si fortement par ce dossier de Jeune Afrique au point d’agir d’une façon collective pur accuser un confrère qui fait son boulot ?

Ne s’agirait-il pas là d’une procédure plutôt digne d’acteurs politiques très engagés idéologiquement, ou de leur porte-parole, qui cherchent à combattre une communication du camp adverse, ou une communication qui ne les sert pas suivant leurs propres analyse ou calculs de politiciens ?

D’autre part, pourquoi les journalistes en question ne signent-ils pas leur papier de leur noms ou des noms des organes de presse auxquels ils appartiennent au lieu que cela soit fait par « La rédaction de Mondafrique » à leur place ?  

 S’agissant du contenu, les « 10 erreurs  de Jeune Afrique », comme les relève Mondafrique, concernent en gros des thèses que développent des franges de l’opposition mauritanienne dite « boycottiste » ou dite «radicale ». Certaines parmi elles sont anciennes, d’autres relativement récentes, liées aux derniers développements de la situation politique en Mauritanie, notamment le dernier référendum constitutionnel et les conditions et débats qui l’ont entouré.

  "L’erreur" de Jeune Afrique, réside manifestement dans le fait qu’il n’a pas repris ces critiques comme l’aurait voulu les ennemis du régime. Est-ce vraiment un tort ?

Absolument, pour ceux qui se positionnent du côté des adversaires radicaux du régime, et qui n’épargnent aucun effort pour lui porter préjudice. Et c’est manifestement le cas de Mondafrique qui s’associe politiquement et financièrement à Mohamed Ould Bouamatou qui détiendrait 10% au minimum de son capital. Des organes de presse mauritaniens dont Le CalameCRIDEMMauriweb… sont « catalogués », eux aussi, par pas mal de gens dans le camp de la « presse pro Bouamatou », l'ennemi juré du chef de l'Etat mauritanien. Feraient-ils partie du groupe de « journalistes mauritaniens » auteurs des « 10 erreurs  de Jeune Afrique » auxquels se réfère Mondafrique ?

En tout cas ceux qui observent les paysages politique et médiatique dans le pays ne manqueront pas d’établir des liens entre cette sortie de Mondafrique contre Jeune Afrique et  les actions qu’entreprend Bouamatou pour porter atteinte au régime de Mohamed Ould Abdel Aziz, notamment en termes d’image de marque.

L’hypothèse est d’autant plus probable que Jeune Afrique n’a pas mâché ses mots au sujet de la faiblesse de Bouamatou en parlant du rapport de force entre ce dernier et le président mauritanien. Ce que Bouamatou pourrait ressentir comme « blessant » pour son amour propre.

 «  La guerre, écrit Alain Faujas, entre Bouamatou et Aziz, jadis proches, est déclarée. Elle s’annonce d’une violence extrême. Si Mohamed Ould Bouamatou avait pour objectif de déloger son cousin du pouvoir ou, à tout le moins, de lui en compliquer l’exercice, c’est raté. »

Et l’envoyé de Jeune Afrique ajoute, évoquant une diminution sévère des capacités financières de nuisance de l’homme d’affaires mauritanien, ainsi que les impactes négatifs de cette diminution sur l’opposition :

« En fin l’opposition ne peut plus compter sur la générosité de Bouamatou, dont les canaux de financement sont fermés depuis la mise sous surveillance de ses entreprises mauritaniennes. Or, comme l’explique un responsable de l’opposition: « Nous pouvons remporter Nouakchott et Nouadhibou sans argent, mais il en faut beaucoup pour gagner à l’intérieur, et nous n’en avons pas.»   

Pour autant cette description d’un rapport de force défavorable à Bouamatou autorise-t-elle, stratégiquement parlant, la presse qui soutient ce dernier à déclarer la guerre à un important support médiatique du poids de Jeune Afrique ? En le faisant, ne commet-elle pas une grave erreur en matière de stratégie de communication ? L’opposant et homme d’affaires mauritanien et ses amis, ne feraient-ils pas mieux à chercher, comme Bouamatou le fait généralement avec la presse francophone et occidentale, à mettre ce grand et "prestigieux" journal, comme eux-mêmes le qualifient, de leur côté, ou, à tout le moins, le tenir à distance, au lieu de l'attaquer de front ?

La réponse parait évidente.

El Boukhary Mohamed Mouemel

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