Comme tout le monde, beaucoup de choses me passent par la tête : m’inquiètent, me plaisent ou m’interpellent…. Que dois-je en faire? Comment les sortir, les dire... avec qui les partager ?
Comme beaucoup de gens, j’hésite...
Afin de me libérer de cette confusion que j’ai du mal à qualifier, ou peut-être pour m’y enliser davantage, trois mots m’habitent, collés à moi, m’accompagnant comme mon ombre : lire, sentir, rêver.
Des verbes qui rendent compte très bien d'un état d’esprit et ses changements profonds et fréquents. C'est-à-dire que l’auteur, en l’occurrence moi-même, les vit intensément : au conditionnel, au subjonctif… au passé et au présent, comme au futur.
Les conjuguer à tous les temps m’amuse en effet. Comme "kit de survie", leur mise en œuvre sous toutes leurs formes constitue mon sport favori pour évacuer les émotions, ou plus exactement pour me soustraire au poids parfois pénible de mes propres sensations.
J’avoue cependant que jouer avec ses propres mots n’est pas toujours aisé. Et c’est encore plus compliqué quand il s’agit de le faire avec les mots des autres. Ecouter attentivement leurs musiques, leurs couleurs, leurs créations, rien n'est plus agréable; mais le dire c'est autre chose.
En effet, parler d’écrivains, d’artistes, d’hommes politiques, de leurs œuvres ; dialoguer avec eux au moyen d'outils d'expression nés de sentiments plus ou moins diffus qu’ils vous inspirent … comporte des risques. Même pour le simple lecteur que je suis, les contraintes sont toujours présentes, bien que je ne fasse rien d’autre qu’essayer de dire simplement ce que je ressens.
En revanche, pour les écrivains, les critiques et professionnels de littérature et des arts ; pour les observateurs avertis et analystes politiques… je présume que la tâche doit être plus ardue. Leurs mots et modes d’expression comptent beaucoup. En tout cas bien plus que ceux du citoyen « lambda ». Ils doivent être pesés, calibrés. Leur intérêt intrinsèque et la valeur ajoutée qu’ils apportent sont à ce prix.
Toutefois, ces auteurs payent le prix que cela requiert : ils doivent s’astreindre à des styles et techniques d’expression prouvés, à des normes établies. Par contre, les écrits du non initié, que je suis, échappent à ce genre de conditions. Mes références s’appellent : « sans références ».
Pour autant, suis-je vraiment libre de dire ou ne pas dire ? Pas forcement.
Rien que le fait de choisir tel « objet d’écriture », au lieu de tel autre, est aussi contraignant que réducteur.
Puis, que dire des limites et coupes qui s’imposent lorsque l’on doit opérer des choix parmi des sensations ou sentiments que l’on avait déjà consignés par le passé, à des périodes et dans des circonstances variables ? Sur quels critères opérer la sélection des textes et sur quels autres catégoriser ceux retenus? Comment-est-ce que l’on peut faire face aux frustrations que l’on devait ressentir dans ces conditions restrictives ?
Voilà d'autres aspects du jeu complexe avec les mots, dès lors qu’il s’agit d’en faire un recueil. Depuis quelques temps, je m’y adonne avec pas mal de peine, trois angles successifs devant constituer l'ossature de mon projet :
- J’ai lu
- J’ai senti
- J’ai cru.
Que ceux qui les ont inspirés en soient remerciés.
Je pense bien sûr aux écrivains et artistes qui m’ont donné- et qui me donnent toujours- l’occasion de découvrir et bien apprécier leurs beaux talents.
Mais également, j’ai présents à l’esprit d’autres artisans des débats et torrents d’idées dans lesquels j’ai baigné- et je baigne toujours. Y sont inclus les intellectuels, les personnalités et acteurs politiques dont je ne partage pas nécessairement la façon de voir ou de dire les choses.
Exprimer mes différences d’opinion, de style ou de caractère avec eux, n’exclut cependant pas un fait que j’aimerais souligner ici avec de force : leurs regards différents du mien et les bouillonnements plus ou moins forts, qui en résultent, apportent des nutriments enrichissants pour ma curiosité inassouvie.
El Boukhary Mohamed Mouemel
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