En politique, toute réaction immédiate est passionnelle ; elle manque très souvent d’arguments de fonds réfléchis, toujours nécessaires pour des débats d’un certain niveau qui touchent le présent et surtout le futur de la Nation. Le chœur de protestations du FNDU qui ont suivi l’opinion émise par certains membres du gouvernement suggérant un troisième mandat pour le président Mohamed Ould Abdel Aziz, à travers le changement de la constitution actuelle, est un exemple éloquent de ces positions réactionnelles ; c’est tout simplement une levée de boucliers sans fondement juridique ni politique.
En effet et comme l’eût dit La Palice, toute constitution n’est pas un texte immuable ni une vérité sacrée intouchable, mais au contraire une œuvre de mains périssables qui doit être constamment adaptée à l’évolution dynamique de la société et à la recherche constante d’institutions adaptées au niveau de développement tant économique, social que culturel du pays. Elle peut se changer, en conséquence, et c’est parfaitement conforme à l’Etat de droit, dés lors que les procédures sont respectées et que la révision s’effectue dans les formes républicaines. C’est la seule condition qui doit être scrupuleusement remplie. Tout autre argument relève du dogmatisme pur et dénote d’une restriction démocratique manifeste.
Une restriction démocratique, car comme on le sait, la souveraineté du peuple constitue la pierre angulaire de la démocratie. Le consentement et la volonté exprimés par le peuple, à travers le suffrage, sont la seule source d’une autorité légitime. Dans ces conditions, la constitution ne doit nullement restreindre la volonté et le choix du peuple qui, seul, est fondé à choisir son président, et à le décharger de ses fonctions quand bon lui semble par la même voie. La liberté et le droit d’élire doivent donc être aussi la liberté et le droit de réélire sans restriction à chaque fois que le besoin se fait sentir.
Ainsi, la limitation du mandat ne heurte pas seulement de plein fouet le principe intangible de la souveraineté du peuple, mais traduit aussi une certaine méfiance réductrice quant à la capacité naturelle et politique des citoyens de discerner entre les meilleurs et les mauvais dirigeants ; un principe accordé pourtant aux peuples nantis comme si les nôtres sont frappés d’un crétinisme politique congénital qui les empêche de discerner entre l’intérêt général et son contraire, entre un grand dirigeant et son contraire. Dans plusieurs pays européens à régime parlementaire, les électeurs ont renouvelé plusieurs fois sans discontinuer leur confiance au parti au pouvoir, sans pour autant susciter les cris d’orfraie. Les Allemands n’ont-ils pas renouvelé quatre mandats consécutifs au chancelier Helmut Kohl ? Les anglais trois fois consécutives à Margaret Tchatcher ? Les espagnols trois fois consécutives à Felipe Gonzalez ? Que le régime soit parlementaire ou présidentiel, importe peu : l’essentiel que les mêmes partis et les mêmes personnes aient été au pouvoir plusieurs mandats consécutifs ; et qu’ils n’ont été destitués que par voie d’élection. Mais que surtout le choix des électeurs s’est fait uniquement sur des élus qui se sont montrés talentueux et vertueux durant leurs mandats ; des élus qui ont à chaque fois fait de l’intérêt supérieur de leurs nations leur seule préoccupation ; des élus dont la réélection est avant tout l’expression de la satisfaction et de la souveraineté de leur corps électoral.
Et justement, c’est en se fondant sur les intérêts suprêmes de la Nation que la demande de changement de la constitution en vue d’un troisième mandat pour le président Mohamed Ould Abdel Aziz, trouve sa profonde raison ; elle est l’expression naturelle et sincère d’une satisfaction profonde du peuple mauritanien pour les incommensurables réalisations politiques, sociales, économiques, culturelles, sécuritaires et diplomatiques. Elle est aussi, pour la majorité écrasante du peuple, le seul gage de poursuite de ces grandes œuvres dans un monde en pleine mutation et dans une sous-région en proie à de multiples défis.
Docteur Abdallahi Ould Nem
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