J'invite le lecteur à prendre d’abord note des extraits suivants :
1. Constitution du Sénégal; Article premier :
« (…)
La langue officielle de la République du Sénégal est le Français. Les langues nationales sont le Diola, le Malinké, le Pular, le Sérère, le Soninké, le Wolof et toute autre langue nationale qui sera codifiée. »
2. Constitution du Mali ; Article 26 :
« (…)
Le français est la langue d’expression officielle.
La loi fixe les modalités de promotion et d’officialisation des langues nationales. »
3. Constitution de la Mauritanie ; Article 6 :
« Les langues nationales sont l'Arabe, le Poular, le Soninké et le Wolof ; la langue officielle est l'arabe. »
A cause de la différenciation constitutionnelle entre « langue officielle » et « langues nationales », certains militants et intellectuels mauritaniens, sénégalais, maliens et autres têtes pensantes africaines taxent la Mauritanie de pratiquer « un apartheid linguistique». Leur argument est d’un simplisme saisissant : « Pourquoi les langues nationales mauritaniennes ne sont pas, toutes, déclarées langues officielles ?», s’indignent-ils ! L'un d'eux, un professeur d'université, croit dur comme fer qu'il s'agit là d'une ségrégation et d'un racisme d'Etat inacceptables.
Mais, ni lui, ni ceux qui tiennent le même discours ne condamnent le Mali et encore moins le Sénégal. Pourtant, la loi fondamentale dans chacun des trois pays suit la même approche, comme le démontrent clairement les trois extraits constitutionnels cités plus haut. Et c’est le cas de la majorité écrasante des Etats africains.
Le Mali, la Mauritanie et le Sénégal, adoptent, chacun, une seule langue officielle et plusieurs langues nationales. C’est vrai cependant que la langue officielle en Mauritanie, l’arabe, est également une langue nationale parlée par la majorité de la population ; tandis que le français est une langue étrangère pour tous les pays africains, y compris pour ceux qui l’ont choisie comme langue officielle.
Or, comment est-ce que le refus d’officialisation de cette langue étrangère, par la Mauritanie, pourrait-il justifier l’incrimination du pays ?
Les activistes, qui l’accusent «d’apartheid linguistique », semblent animés par des sentiments de frustration qu’ils vivraient. A caractère racial, ethnique ou culturel, ces sentiments d’injustice subie pèsent normalement lourd sur ceux qui les portent. Ils comportent naturellement une part de vérité non négligeable, mais largement amplifiée par les mobiles et motivations qu’ils mettent en avant.
Mais ce faisant, ces acteurs et militants politiques me donnent l’impression de faire fausse route en surfant sur la vague de l'apartheid qu’ils essayent de coller à tout prix à la Mauritanie. Une accusation trop facile que la comparaison et le croisement des faits et données constitutionnels met à mal un peu partout en Afrique et dans plusieurs régions du monde.
Dans un pays multiethnique, comme le nôtre, ne ferait-on pas mieux de traiter légitimement les soucis ou sentiments d’injustice raciale autrement : en évitant d’enfoncer les clous de la division et du communautarisme ?
En effet, au lieu de taire nos diversités, de les négliger ou de les transformer en champ de guerre, il y a lieu plutôt de les assumer pleinement de manière à tirer le meilleur de la richesse de ces diversités multiformes : culturelle, raciale, linguistique…
C’est ce à quoi doivent s’attacher tous ceux et celles qui prennent part à ce genre de débat.
El Boukhary Mohamed Mouemel
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