Dans une interview accordée au magazine Le Point Afrique, le Président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz livre sa vision au sujet de deux thèmes principaux qui dominent l’actualité : la sécurité et le réchauffement climatique. Voici l’essentiel de ces propos dans les extraits ou résumés suivants. Nous les présentons en commençant d’abord par le thème de la sécurité, suivi par les attentes de l’Afrique de la Cop 21 et la stratégie de la Mauritanie et sa politique énergétique en vue de réduire le réchauffement climatique.
1. Lutte antiterroriste et géopolitique régionale
Le Point : Depuis que vous êtes au pouvoir, votre grande préoccupation a été la sécurité. La Mauritanie a aussi connu de 2005 à 2011 des attentats djihadistes, des enlèvements d'Européens, dont l'un a été tué. Cette période noire semble révolue. Est-ce définitif et comment avez-vous fait ?.
Le Président Mohamed Ould abdel Aziz : On ne peut jamais dire qu'on a réglé les problèmes de sécurité à 100 %, ce fut difficile, car le territoire est immense. On ne peut pas installer des unités partout. Nous avons eu deux approches simultanées. La première, sécuritaire, en réorganisant nos forces armées. Nous les avons adaptées à la menace terroriste qui n'a rien d'une guerre classique. Nous avons créé des unités rapides d'intervention, augmenté les moyens du renseignement et contrôlé les entrées et les sorties du pays. Les terroristes venaient du Mali, nous attaquaient et y retournaient. Nous avons créé une zone tampon entre les deux pays, au nord de la Mauritanie, pour leur couper cette voie d'accès puis nous avons opéré quelques incursions en territoire malien. On a ainsi récupéré les terroristes qui avaient kidnappé les Espagnols. Après, cela s'est arrêté.
Le Point e : La France vous a-t-elle aidé dans cette période ?
La France nous aide dans le domaine de la formation. Des conseillers militaires français forment des officiers à Attar. Il n'y a pas d'autres soldats français en Mauritanie. Les États-Unis organisent aussi des sessions périodiques de formation. En outre, nos échanges de renseignements avec la France sont importants.
Le Point : Et votre seconde approche ?
C'est une approche intellectuelle, peut-on dire. Des terroristes ont été condamnés et emprisonnés. Nous avons choisi de « déradicaliser » ceux qui n'avaient pas de sang sur les mains. Nous les avons fait discuter avec des gens de religion, des oulémas. Trente-six d'entre eux ont été relâchés et seuls deux sont repartis dans les rangs d'Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique installé au nord du Mali). Les autres ont été réinsérés dans la vie active, nous les avons aidés à monter de petits projets. Cela a été positif.
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Le Point : Quelle a été votre réaction après les attentats de Paris ?
Le Président Mohamed Ould Abdel Aziz : Il est difficile pour un pays de se retrouver du jour au lendemain dans une situation d'insécurité totale. C'est même assez surprenant. Mais il fallait s'y attendre. L'Europe doit faire attention, car souvent les États européens font inconsciemment l'apologie du terrorisme. Ils en parlent trop. La France en a trop parlé. On fait trop de publicité aux terroristes et on fait leur jeu. Beaucoup de ces gens agissent seulement parce qu'ils en ont vu d'autres agir à la télévision.
D'autre part, sur une question de géopolitique régionale, à propos du G 5 et pourquoi le Maroc et l’Algérie ne l’intègrent pas, le Président mauritanien explique que les pays du G5 ont leurs propres spécificités sur la base desquelles ils se sont réunis, et que les pays d’Afrique du Nord ont les leurs. Il ne ferme cependant pas la porte devant ces derniers. Mais ce sera selon l'évolution et les résultats du G5 :
« Après avoir avancé à notre échelle, a-t-il dit, si le G5 marche, nous pourrons demander à l'une ou l'autre capitale de nous rejoindre. Mais ces pays qui nous entourent sont déjà dans leur propre club’’.
2. Réchauffement climatique et politique énergétique de la Mauritanie
Le Point : Qu'attendez-vous de la COP21 ?
Le Président Mohamed Ould Abdel Aziz : Le rendez-vous de Paris est important pour l'Afrique qui subit plus que les autres continents les effets du réchauffement climatique. Nous voulons donc mettre en œuvre un accord contraignant pour ne pas dépasser les deux degrés à la fin du siècle. C'est la responsabilité de chacun et l'histoire le retiendra. Les chefs d'État africains ont pris conscience de la menace.
Certains d'entre eux estiment que c'est principalement aux pays développés de faire des efforts.
Il est difficile pour les pays développés principaux émetteurs de gaz à effet de serre comme pour les pays producteurs d'énergies fossiles de changer rapidement leur économie. Il faut les comprendre. La Mauritanie n'émet que peu de gaz à effet de serre et ne dispose pas d'énergies fossiles. Cependant, nous avons été parmi les cinq premiers pays africains à déposer notre contribution pour la COP21. Nous parions sur les énergies renouvelables. En 2015, 30 % de notre électricité vient du solaire et de l'éolien. Ce taux va atteindre 45 % en 2017.
Le Point : Quand avez-vous commencé à parier sur le solaire ?
Les premières études datent de 2012. En 2009, la Mauritanie était déficitaire en énergie. Aujourd'hui, nous vendons de l'électricité au Sénégal.