Aujourd’hui, la France connaît une situation sécuritaire inquiétante : elle est en ''guerre contre le terrorisme'', selon les mots du Président Hollande qui a decrété un état d'urgence qui couvre toute la France y compris ses DOM- TOM, un état d'urgence que le parlement prolongera certainement aujourd'hui pour trois mois. Un enchainement rapide d'évènements graves donne raison à l'occupant du Palais de l'Elysée : attentats de Paris survenus il y a quelques jours avec leurs centaines de victimes ( 352 blessés + 129 morts), suivis par l’assaut, à la fois périlleux et courageux, de Saint-Dénis effectué hier, très tôt le matin. À cause de ces faits dangereux, les autorités et le peuple français font face à une menace terroriste sans précédent sur leur propre territoire.
Or, depuis quelques années, la France, les Etats-Unis, ainsi que plusieurs autres pays occidentaux, avaient choisi de combattre le terrorisme ‘’islamiste’’ au plus loin de leurs frontières. La Russie fait aujourd’hui pareil, depuis l’intervention de son aviation et de ses conseillers militaires en Syrie.
Les conflits armés en Iraq et en Afghanistan, les guerres civiles et les chaos provoqués et/ou entretenus en Libye, au Yémen, en Syrie… participent de cette logique qui consiste à vouloir contenir la menace dans certaines proportions et à la maintenir dans un espace géographique lointain. Également, le soutien militaire actif, apporté ‘’généreusement’’ par les puissances occidentales à la lutte antiterroriste dans les mondes arabe et musulman et en Afrique fait partie de cette vision stratégique visant à délocaliser la lutte antiterroriste.
En effet, les pays développés font tout pour que la guerre ne se déroule pas sur leur territoire. Ce qui est légitime en principe. Force est de reconnaître qu’ils ont obtenu quelques résultats dans ce domaine. Sinon comment expliquer que des nébuleuses ou groupes se réclamant de l’islam naissent et se développent dans des zones géographiques musulmanes en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient, et prennent pour cibles directes des population et des pays musulmans ?
C'est effectivement dans ces régions que des organisations comme Al Qaida, GSPS, AQMI, MUJAO, ANSAR DIN, Chebab, Boko Haram, Front Al-Nosra, Daech… se déploient, parfois au vu et au su su du monde, et qu'elles mènent jusqu'à présent le gros de leur combat armé et de leurs activités criminelles; ce qui fait que 90% des victimes des ‘’djihadistes’’se trouvent parmi les musulmans. Néanmoins, contrairement aux attentats commis dans des pays occidentaux comme la France, l’Angleterre ou les Etats-Unis… les carnages opérés quotidiennement par les groupes terroristes en Iraq, en Syrie, en Afghanistan, au Pakistan, au Nigéria, au Niger, au Liban… n’émeuvent pas outre mesure le monde. Pire : le phénomène a tendance à être banalisé, s’agissant de ces pays en voie de développement ; et il y a un grand risque que la menace terroriste devienne un facteur structurant de la vie dans ces régions.
Cette situation alarmante n'est pas sans rapport avec le fait que les grandes puissances ne réagissent pas dans ces régions aussi vite que la menace apparait, et pas avec la vigueur indispensable pour tuer les organisations terroristes dans l’œuf. Pourquoi attendent-elles que ces organisations atteignent des niveaux de puissance terriblement destructeurs pour intervenir énergiquement, comme a fait la France au Mali, et comme ses alliés américains et russes et elle-même font actuellement en Syrie ?
Aujourd’hui, le terrorisme constitue une vitrine de la mondialisation dont il tire profit. Il se sert parfaitement bien de ses atouts technologiques (NTIC), utilise à merveille la porosité des frontières, et exploite au maximum les'' vides idéologiques'' engendrés par la perte des repères moraux pour recruter facilement à travers le monde au sein d’une jeunesse ‘’déboussolée’’, notamment dans les pays occidentaux…
Il en découle que la configuration géostratégique de la menace terroriste est appelée à changer sans cesse. Les attentats de Paris le montrent : son implantation en Europe se confirme. Dans ces conditions, croire que délocaliser le terrorisme garantit la sécurité à un pays est un raisonnement qui ne tient pas la route.
Comme le dérèglement climatique, le terrorisme ‘’djihadiste’’ n’épargne aucune région. Il ne reconnait pas les frontières : il recrute partout, et sa vision ''islaimiste'' conquérante est internationaliste, son ambition étant l'appliquer partout dans le monde.
Il s’agit donc d’un phénomène transnational dans sonn idéologie et transfrontalier dans son Modus operandi ou ses méthodes. Aucun pays, quel que soit son éloignement ou sa proximité géographique d’un champ d’opération de lutte antiterroriste donné, ne doit se sentir à l’abri de la menace. Celle-ci est par essence mobile, et ses formes et modes opératoires multiples.
À tout moment le terrorisme peut frapper n'importe où. Dans ce but, il suffit aux groupes ''djihadidtes'' de deployer et d'actionner le moment venu des cellules dites ''dormantes'', comme celles qui viennent d'agir à Paris le 13 octobre ou celle qui vient d'être neutralisée à Saint-dénis hier. Une approche qui a encore de beaux jours devant elle, et qui montre les limites des stratégies fondées sur le principe de délocalisation de la menace terroriste.
El Boukhary Mohamed Mouemel