Sahel : Ne comptons pas trop sur la France pour vaincre le terrorisme.

En bons "amis", les Français, ont donné du crédit à nos prévisions. Qu’ils en soient remerciés. Comme nous l’avions prévu, il y a plus de trois mois, leurs tâtonnements ont créé un vide que des concurrents ont commencé à combler. Pour le moment, ce sont les mercenaires de Wagner, une société militaire privée russe, qui sont en bonne position pour les supplanter au Mali. Et sans nul doute, d’autres suivront : Turcs, Chinois... Et dans d’autres régions.

(lire : " Les défis géopolitiques sahéliens, de graves enjeux stratégiques détournés par Macron")

Tâtonnement et inconsistance

Par ailleurs, ces développements confirment que l'ère d’une Afrique chasse gardée de la France est révolue. A Paris, on doit le reconnaitre et agir en conséquence. Les menaces de retrait des forces françaises du Sahel, les intimidations ou pressions, à l’encontre des chefs d’Etats sahéliens, n’y changent rien. On imagine par contre des signes d’inconsistance et de faiblesse derrière de telles attitudes arrogantes.  

Elles ont néanmoins l’avantage d’indiquer aux Africains l’impuissance, l’embarras et les tâtonnements de la France et de ses alliés européens et occidentaux au Sahel. Mai 2017, le président français partagea le repas de Noël avec les militaires de Barkhane à Gao. Il annonça à cette occasion : « "L'opération Barkhane ne s'arrêtera que le jour où il n'y aura plus de terroristes islamistes dans la région". Quatre années plus tard, en juin 2021, le président français dit le contraire en affirmant la fin de Barkhane, alors que les djihadistes gagnent du terrain au Sahel et se renforcent. Il justifiait sa décision par la nécessité de réajuster le dispositif militaire pour l’adapter à l’évolution de la menace terroriste qui « prend de l’ampleur au Sahel », reconnaissait-il. Mais depuis hier c’est une donnée d'ordre "moral" qui est mise en avant,  et par la France et par l’Allemagne pour conditionner leur présence militaire au Mali.

Les deux pays menacent depuis quelques heures, de retirer leurs forces du Mali, en guise de refus de toute présence de Vagner dans ce pays. La raison qu'ils avancent est tout à fait défendable : Vagner fait l'objet de plusieurs rapports dénonçant des exactions et violations des droits de l'homme commises par l'entreprise russe. Toutefois, les deux pays n'avaient pas fait preuve de la même intransigeance morale en Afghanistan, ni en Iraq, suite aux révélations scandaleuses dénonçant des crimes commis par des sociétés militaires privées américaines, dont Blackwatter par exemple.

Quels qu’en soient le mobile ou les contradictions, leurs déclarations réaffirment que la sécurité des pays du continent ne peut et ne doit être déléguée à une puissance étrangère.

Délocalisation de la lutte contre le terrorisme

 Compter principalement sur ses propres moyens  est d’autant plus impératif que les forces étrangères luttent contre le terrorisme loin de leurs frontières afin de prémunir leur pays des dommages directs résultant de la guerre. Sécuriser le pays où la zone, dans lesquels  ils interviennent, vient en second lieu.

En effet, depuis 20 ans, l'Occident suit une vision stratégique fondée sur la délocalisation de la lutte contre le terrorisme. Ce sont principalement les pays constituant les champs de bataille qui subissent le gros des pertes, tant humaines que matérielles.

Il s’agit en quelque sorte du même profit, ou objectif, qui anime les entreprises commerciales occidentales en délocalisant la production de leurs industries vers des pays où il y a une main-d'œuvre bon marché. Leur but consiste à faire des économies, en produisant au moindre coût, quitte à écouler des produits de qualité inférieure à ceux fabriqués en Occident.

C’est peut-être sous cet angle qu’il faudra s’interroger sur les résultats mitigés de la lutte contre le terrorisme au Sahel.

Les intervenants étrangers cherchent-ils sérieusement à éliminer la menace ? Ou plutôt visent-ils à l’éloigner de leur pays, et à la maintenir à un certain seuil « acceptable », qui ne mette pas en cause leurs intérêts géostratégiques dans la région considérée ?

El Boukhary Mohamed Mouemel

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