Environnement : des textes nationaux, très utiles et à améliorer

Comme tous les pays, la Mauritanie s’engage de plus en plus sur les questions écologiques. Mieux, elle a mis au point une vision depuis juillet 2000.

Faisant l’objet de la Loi n° 2000.045, portant code de l’environnement, elle fait partie d’un arsenal juridique, règlementaire et administratif qui est à saluer. Le tout reflète une prise de conscience du défi écologique au niveau des instances dirigeantes du pays. Elle doit cependant faire l’objet d’améliorations sensibles.

L’article 92, un exemple d’injustice institutionnalisée et d’inapplicabilité

Bien qu’elle soit très utile et pas trop tardive avec ses 23 ans d’âge, la loi susmentionnée reste perfectible à bien des égards. Outre la place relativement faible qu’elle accorde à la protection de l’environnement marin, son article 92 présente d’importantes lacunes le rendant injuste et inapplicable. Il dispose :

‘’Article 92 : Seront passibles de la peine de réclusion perpétuelle ceux qui auront :

 - importé ;

- acheté ;

 - vendu ;

 - transporté ;

 - entreposé ou,

 - stocké.

Des déchets toxiques et produits radioactifs dangereux pour l’environnement provenant de l’étranger. Si l’infraction a été commise dans le cadre de l’activité d’une personne morale, la responsabilité en incombe aux dirigeants de cette société ou de cette. Toutefois, toute personne physique proposée ou non de cette société ou de cette entreprise, qui sans être auteur ou complice, y aura néanmoins concouru par négligence en raison des fonctions qu ’elle assume dans la gestion, le contrôle ou la surveillance de cette activité, sera punies de 5 à 10 ans d’emprisonnement et d’une amende de 4 millions à 60 millions d’ouguiyas.’’

La ‘’peine de réclusion criminelle’’ s’applique dans tout ce qui cause ou induit des risques liés aux déchets toxiques et radioactifs, et ce quel qu’en soit le mobile ou la manière. Face à la sévérité généralisée de la peine, peu importent donc l’auteur et la nature de l’acte à incriminer (importation, achat, vente, transport, entreposage et stockage). Cette criminalisation indiscriminée, de tout et de tous, risque de constituer une institutionnalisation de l’injustice. De même, il est troublant qu’il n’y ait aucune considération pour les conditions dans lesquelles l’acte s’est produit. Par exemple : un transporteur est-il tenu, préalablement, d’identifier, de vérifier et contrôler le type de charges ou bagages qu’il aura à transporter ! Voilà qui nous rappelle l’injustice et l’inapplicabilité de certains de nos textes antérieurs, juridiques et/ou règlementaires, qui ordonnaient la confiscation de tout moyen de transport où l’on a trouvé à son bord de la drogue. Quelle que soit par ailleurs la quantité ou le type de drogue. Une disposition dont ont souffert injustement des propriétaires et conducteurs de véhicules alors qu’elle était inappliquée et inapplicable au transport aérien et maritime.

La radioactivité, un niveau défi ‘’écolo’’ pour le pays

Dans l’article 92 évoqué précédemment, il n’est pas tenu compte du degré de dangerosité, de la quantité ou du type des ‘’déchets toxiques et des produits radioactifs’’, ni de différenciation entre les sources et formes de toxicité (chimique, radioactive, organique...).  Or, les déchets toxiques ne sont pas forcément radioactifs.

Sachant que la radioactivité, au sens naturel du mot, est partout présente, elle devra faire l’objet de limitation et de sanction si et seulement si sa dangerosité est avérée. Ce qui implique la détermination d’un seuil de tolérance vérifiable. En France par exemple, la réglementation fixe ‘’à 1 millisievert (mSV) par an la dose efficace maximale admissible résultant des activités humaines en dehors de la radioactivité naturelle et des doses reçues en médecine’’[i]. Dans notre pays, le site électronique de l’Autorité Nationale de Radioprotection, de Sûreté et de Sécurité Nucléaire (ARSN) ne dit rien à ce sujet. Espérons qu’il y ait une évolution sur la question, qui sortira nos autorités compétentes en la matière de leur mutisme.

Cela est d’autant plus nécessaire que la Mauritanie figurera bientôt ‘’dans le top 5 des producteurs mondiaux d’uranium’’[ii].  En partenariat avec Aura Energy, une entreprise australienne, le pays connaitra l’extraction de l’uranium fin 2024 ou début 2025[iii] . Ce sera dans la région de Tiris à 450 km de Bir Moghrein. Les quantités attendues passeront dans une première et deuxième étape de 1,6 à 1,9 millions de livres d’uranium par an avant d’atteindre 3,5 millions de livres dans la troisième phase.

Il s’agit donc d’un projet qui engendrera une activité radioactive importante. Pas seulement sur le site minier lui-même et dans sa zone proche, mais pouvant de srcroit impacter plus ou moins fortement des voies et moyens de transport sur une aire géographique beaucoup plus large, le produit final devant être acheminé par route jusqu’au ‘’Port de l’amitié’’ à Nouakchott ou celui de Tanit situé à 60 km au nord de la capitale.

 Naturellement des mesures de protection de l’environnement et de sureté nucléaire sont certainement prises. Elles devraient en principe découler de l’étude d’impact sur l’environnement que requiert ce type d’activité. Il y a donc lieu de les rendre publiques et de diffuser le rapport d’étude d’impact sur l’environnement de cette exploitation minière, conformément aux textes en vigueur, notamment la loi déjà citée et ses textes d’application dont le Décret 207-108 du 13 avril 2007, ainsi que la ‘’Loi n° 2010.009 du 20 Janvier 2010 relative à l’énergie nucléaire’’ et ses textes d’application.

Une telle transparence contribue à cultiver et développer l'éco-citoyenneté (citoyenneté écologique) et constitue de ce fait un levier essentiel pour l’efficacité du ‘’Code de l’environnement’’. Rappelons par ailleurs que celui-ci a déjà quasiment un quart de siècle dans le compteur. Il est peut-être temps de le compléter et le réactualiser.

Colonel (e/r) El Boukhary Mohamed Mouemel

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