Les informations au sujet des prisonniers, enlevés par Hamas, depuis le 07 octobre dernier lors de son opération militaire baptisée 'Déluge d'Al-Qasa', posent pas mal de questions. Comme d'ailleurs la gestion du dossier dans son ensemble : Combien sont-ils ? Quelles sont leurs nationalités et leurs statuts : disparus, prisonniers, otages ou ‘’hôtes’’ ? Combien de militaires et de civils comptent-ils ? Quels sorts leur réservent leurs geôliers ? Personne ne sait avec pécision.
Des défis partagés de la communication
Les Israéliens communiquent à peine sur le sujet, se contentant de quelques bribes d’informations adressées aux familles. Pas de chiffres précis, définitifs et certains. Ils parlent parfois d’une centaine de prisonniers militaires, parfois beaucoup plus, parfois moins, de chiffres variables d’otages civils. Leur laxisme et austérité sur ce plan seraient motivés par la sensibilité du dossier. Son traitement sur le plan médiatique demande en effet beaucoup de tact.
Seulement, la rétention de l’information risque de s’avérer contreproductive. Outre le fait qu’elle laisse le champ libre aux fake news et propagandes adverses, elle pourrait conduire l’opinion publique et les familles israéliennes à se demander, doutant de la bonne foi du gouvernrment :
''Pourquoi nos dirigeants nous cachent-ils la vérité ? Sont-ils incapables d’obtenir les bonnes informations ou en ont-ils fait de mauvais usage en tuant les prisonniers involontairement lors de bombardements aveugles, menés contre des cibles imprécises, mal identifiées ou mal géolocalisées ?''
Pour compenser le déficit informationnel engendré par par sa propre politique, l’Etat juif semble favoriser et encourager les actions de communication menées par les parents des personnes disparues. Une stratégie qui met le drame vécu par ces civils en scène. Une manière troublante de légitimer la guerre totale contre Hamas, avec ses horreurs et exactions contre les populations de Gaza.
Mais jusqu’où ira le régime israélien dans cette manipulation qui consiste à instrumentaliser la question des prisonniers comme arme de communication ?
Il s’agit d’une arme effectivement redoutable, surtout en direction des opinions publiques occidentales acquises aux thèses israéliennes.
Conscientes de l’intérêt stratégique de la communication au sujet des prisonniers ou otages, les factions armées palestiniennes, notamment Hamas, s’investissent, elles aussi, de plus en plus dans ce champ de bataille. Elles font tout pour améliorer leur image de marque et faire oublier les erreurs commises pendant les premiers jours, en réponse à la cruauté des réactions et bombardements israéliens. Les Palestiniens s’efforcent désormais de faire un bon usage sur le plan de la communication du traitement qu’ils réservent aux prisonniers civils. Bien que le discours se soit nettement amélioré, la démarche reste perfectible, notamment en matière de publication des données.
Par exemple, Hamas avance le chiffre de 200 à 250 prisonniers. Soit une marge d’incertitude de 25% au minimum. C’est quand même énorme !
Est-ce volontaire de la part de l’organisation palestinienne ?
Le doute est permis d’autant qu’une telle communication porte à confusion quant à la maitrise du sujet par cette dernière.
La sécurisation des otages, des défis partagés
Une certitude se dégage des chiffres avancés quelle qu’en soit la source : le nombre des prisonniers enlevés par les Palestiniens lors de l’opération ‘’Déluge d’Al-Aqsa’’ est sans précédent dans les guerres israéliennes. Voilà qui en fait un centre d’intérêt gigantesque pour toutes les parties au conflit, en les mettant devant des contraintes et défis énormes. La sécurisation des prisonniers et otages en est le point nodal.
Les Palestiniens ont intérêt à les garder coûte que coûte en vie afin de s'en servir comme monnaie d'échange. Ils constituent pour eux une arme de négociation à haute valeur ajoutée qu'il va falloir manier avec doigté. Ils feront tout pour les mettre dans des lieux sûrs à l’abri des incursions et tentatives ennemies visant à les libérer. Pour ce faire, entre autres dispositions, ils les dispatcheront certainement, par petits groupes, dans plusieurs endroits, changeront fréquemment leurs lieux de détention tout en essayant que les déplacements s’opèrent avec le maximum de sécurité possible.
Une tactique qui ne doit pas être simple à mettre en œuvre du fait du nombre à sécuriser relativement important. Si les groupes comptent tout au plus 10 à 15 membres, chacun, ils seront de l’ordre de 15 à 20 groupes environ, d’après les chiffres disponibles. Cela mobilise des moyens matériels, humains et logistiques importants qui laissent deviner pas mal de contraintes et de défis, qui donnent des soucis à tous les protagonistes
Les stratèges et planificateurs opérationnels israéliens doivent se creuser les méninges pour ramener les otages sains et saufs. Les tentatives armées pour les libérer sont incertaines et excessivement risquées. Mais en cas de succès elles contribueront à laver le terrible affront subi, suite au ‘’ Déluge d’Al-Aqsa’’, par le régime israélien dans toutes ses composantes, tant politiques que sécuritaires.
Toutefois, toute action militaire conduite dans ce but exige au préalable l’identification et la géolocalisation précises des cibles. Aussitôt ces deux impératifs réalisés, il faudra agir vite, très vite : déclencher et conclure très rapidement des opérations commandos qui comportent énormément de risques. Elles doivent être d’une précision et d’une perfection absolues, au point que leur succès est quasiment hors de portée, du fait qu’elles se déroulent dans un contexte de guerre de très haute intensité sur le territoire de l’ennemi ; un ennemi aguerri, excessivement vigilant et surmotivé, qui ne reculera devant rien pour défendre et préserver son ‘’butin de guerre’’ le plus précieux.
Un autre élément d’explication ajoute à la complexité de de la gestion du dossier : les prisonniers ne sont pas détenus uniquement par Hamas. Certains otages sont, parait-il, aux mains d’autres factions armées palestiniennes. Bien entendu, au sein de ces groupes, des différences d’approches, des difficultés de coordination ou tout simplement de maitrise des données ne sont pas à exclure. Des obstacles qui ne manqueront pas d’avoir des incidences sur les plans et stratégies palestiniens. Comme elles pèseront également dans les voies et méthodes adverses.
Dans une telle configuration, les Israéliens devront en effet faire face à une multiplicité d’acteurs ennemis qui ne parlent pas forcement de la même voix. Et comme la négociation indirecte est à priori la voie privilégiée pour traiter le dossier, faire face à plusieurs interlocuteurs n’est pas de nature à arranger les intermédiaires et les facilitateurs.
Colonel (e/r) El Boukhary Mohamed Mouemel
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