La situation à Gaza connait depuis peu des évolutions susceptibles d’impacter le déroulement de la guerre et son évolution. On parle de négociations, de cesser le feu humanitaire… et Joe Biden et son administration ne cachent plus leur mésentente avec le premier ministre israélien et son équipe.
La nouvelle démarche américaine
Sous la pression des Américains, le gouvernement israélien se voit contraint de lâcher du lest, mais sans toutefois aller suffisamment loin pour arrêter la guerre et sans l'annoncer. Le Conseiller américain à la sécurité cherche les formules les moins humiliantes pour les alliés et protégés de son pays.
Passer assez rapidement de la ‘’guerre à haute intensité’’ à une ‘’guerre de faible intensité’’ à Gaza est la solution que Jake Sullivain met en perspective pour traiter le conflit. Le Secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, ira dans son sillage en se rendant bientôt à Tel -Avive, porteur d’un message allant dans le même sens. Les deux envoyés de Joe Biden seraient mieux indiqués pour cette tâche difficile que le Secrétaire d’Etat, Antony Blinkin qui, lui, s'adresse aux Israéliens en sa qualité de juif, choquant et provoquant de la sorte les interlocuteurs et partenaires de l’administration américaine qui s’opposent à la ligne dure des extrémistes sionistes.
Haute intensité et faible intensité
Les niveaux de haute ou de faible intensité font logiquement appel à des valeurs chiffrables. Mais, rapportés aux conflits armés, il s’agit de notions qui ne sont pas mesurables. D’où la difficulté de les définir avec précision malgré que la littérature militaire sur le sujet soit de plus en plus abondante. Nous en citerons deux exemples, un sur chaque notion :
‘’(…) la haute intensité renvoie d’abord à un type d’engagement déployant un haut niveau d’énergie cinétique dans un espace et une durée limités. À ce facteur énergétique, s’ajoutent le niveau de sophistication technologique des équipements (intensité en capital) et la létalité qui résulte de ces deux éléments. Émerge ainsi une notion de haute intensité capacitaire qui s’articule autour du triptyque énergie-technologie-létalité’’.[i]
‘’Les conflits de faible intensité sont généralement des conflits de longue durée. Souvent fondés sur une tactique de harcèlement, ils ont la préférence des groupes qui souffrent d'un rapport de forces défavorable et souhaitent éviter un affrontement direct avec un adversaire militairement supérieur.’’[ii]
La différenciation entre la guerre de haute intensité et la guerre de faible intensité s’explique donc par la variation des rythmes des conflits armés, de l’importance quantitative et qualitative des moyens qui y sont engagés et surtout par leur capacité de destruction et leur létalité.
Il faut dire que cette variation a toujours constitué la règle régissant les rapports entre la résistance palestinienne et les Israéliens. La guerre n'a jamais cessé entre les deux parties, mais elle change en permanence d'intensité. Elle a encore de beaux jours devant elle entre les deux belligérants.
Le conflit actuel, gagnants et perdants…
Présentement, Israël ne sortira pas vraiment gagnante du bras de fer actuel avec Hamas.
Certes, cette dernière a livré une resistance armée qui force le respect. Ce qui lui a coûté une partie significative de ses capacités militaires. En revanche, elle a récolté et engrangé énormément d’acquis, d’ordres politique et médiatique, contrairement à Israël qui a perdu beaucoup sur ce plan. Même ses plus proches alliés, notamment les Etats-Unis, ont pris des coûts sérieux en matière d’images à cause de leur soutien, total et inconditionnel, à la stratégie militaire israélienne.
Par contre, Hamas n’a jamais gagné autant d’aura et de respectabilité, particulièrement au sein du monde arabe et musulman. Elle devrait fructifier davantage ces atouts. Elle pourrait à cette occasion revoir sa stratégie et sa ligne politique dans le sens de plus de modération et d'ouverture, notamment en direction de l'autorité palestinienne et pour explorer les voies de négociation. Quelques signes apparaissent déjà dans ce sens, bien qu'ils se heurtent à de gros obstacles, tant internes à l'organisation palestinienne qu'externes au sein de ses interlocuteurs potentiels.
Et le cycle recommencera toujours...
Les difficultés tiennent au fait que, dans la région, personne parmi les belligérants ne veut sérieusement la paix. Les Palestiniens savent qu’ils n'auront jamais ce qu'ils veulent dans le contexte géopolitique actuel ; c’est-à-dire une reconnaissance de leur dignité, pleine et entière, à travers la création d’un Etat palestinien à la hauteur de leurs ambitions légitimes. Néanmoins, de bonnes franges parmi leurs dirigeants et élites politiques s’efforcent de tirer profit des ressources qu’offrent les démarches diplomatiques et pacifiques ainsi que la légalité. Quitte à faire des concessions difficiles à faire accepter par toute la population.
En réaction, et parmi celle-ci, il y'aura toujours des rebelles armés, animés par des sentiments d’injustice et de frustration. Ils ne s’appelleront pas forcément ‘’Hamas’’, ‘’Djihad Islamique’’, ‘’ Fatah’’ ou ‘’OLP’’… Ils prendront peut-être d’autres formes.
Les Américains et les Israéliens, eux, ont besoin d'instabilité dans le Moyen-Orient pourvu que la nuisance du "terrorisme" qu’il cultive dans la région reste dans des limites "tolérables" pour eux. Et si d’aventure, la menace dépasse les ‘’seuils autorisés’’, l’outil militaire, américano israélien, est vite mis en œuvre pour éviter ou mettre fin à ses débordements. Puis, on laissera d'autres terroristes émerger tout doucement avant de chercher à les détruire. Et le cycle recommencera...
Comme quoi, le conflit israélo-palestinien et ses évolutions, qui ont l’air de se reproduire fréquemment, nous donnent l’impression que tout cela offre un modèle assez parlant du cycle de l’absurde tel que décrit par Albert Camus, mais perçu ici sous un angle géopolitique d’une crise complexe, à la fois mouvante et stagnante.
El Boukhary Mohamed Mouemel
category: