« Les peuples sont à la mesure de leurs valeurs morales ; si leurs valeurs morales dépérissent, ils dépérissent à leur tour ». Ahmed Chawki.
Paul Valéry, s’interrogeant en 1932 devant la crise générale de valeurs en Europe, disait : « Rien n’échappe, ni dans l’ordre moral, ni dans l’ordre politique, ni dans l’ordre économique ». Un commentaire qui rappelle à s’y méprendre la crise morale de notre société due au délitement inquiétant des ressorts du système de valeurs. Tous les fondements de nos valeurs, tissés de fil en aiguille des générations durant, s’effondrent progressivement sous le poids conjugué de la mondialisation et de la sédentarisation anarchique.
La mondialisation, appuyée sur les révolutions des moyens de communication, qui abat tous les murs, décloisonne toutes les enclaves, s’insère dans les espaces les plus intimes. Une sédentarisation forcée par les sécheresses consécutives qui ont eu pour corollaire le passage sans transition du monde rural à celui de la ville.
Dans ces conditions, notre société se trouve égarée, ses valeurs qui expriment et suggèrent un mode de vie, guident et transcendent, se disloquent.
Et comme dans toutes les situations d’incertitude, le résultat est sans appel : Les discours les plus simplistes, les revendications les plus violentes trouvent une place de légitimité ; Le ridicule ne fait même plus rougir ; les pratiques les plus ignobles, accueillies hier par le mépris total, trouvent aujourd’hui des échos favorables et même des zélateurs acharnés ; l’absurde épouse les contours de la logique ; le déclin morale est habillé des plumes du progrès ; la recherche effrénée et machiavélique du profit matériel est instituée en valeur de société ; l’échelle de valeurs et la place des hommes dans la société ne sont plus déterminées par leur culture et leur sagesse, mais par leur poids matériel.
Ce délitement de valeurs est particulièrement saisissant en politique. Le jeu politique devient pour certains un combat où tous les coups sont permis et recommandés, un moyen pour caricaturer grossièrement l’adversaire sous les traits d’un épouvantail. Il y’a le plus souvent qu’un concours d’insultes plates, vulgaires, sottes et mensongères. La libéralisation des médias envenime ce débat en servant de caisse de résonnance à cette bataille politique perpétuelle, et offrent aux fauves de la vie publique un terrain pour s’entre-déchirer sans éthique, rechercher par des outrances l’effet de sensation, travestir la vérité et apparaitre neutre, lisse, acceptable.
L’homme politique ne cherche plus qu’à se faire applaudir pour sa férocité carnassière et devient le principal coupable de la violence verbale qui peu à peu submerge la démocratie, et ces choses, naguère partagées par tous les Mauritaniens, la raison, le respect scrupuleux du voisin, de l’autre, le gout recherché de l’insinuation et de la pondération dans la parole et dans les positions. Autant de qualités sublimes qui ont façonné notre système de valeurs que nous devons impérativement aujourd’hui remettre d’aplomb.
Nous devons ressusciter nos valeurs enfouies qui sont notre océan de fraicheur, un souvenir d’une époque de grandeur morale à laquelle tous les peuples du monde aspirent, sans que cela ne soit en contradiction avec l’aspiration à la modernité .Loin s’en faut. Elles en constituent même le meilleur socle, le gage d’une modernité équilibrée et pérenne.
Docteur Abdallahi Ould Nem