Hier en lisant des commentaires au sujet d’une photo qui circule largement depuis quelques jours sur les réseaux sociaux et dans la presse nationale, une question a retenu mon attention : Pourquoi ne pas institutionnaliser le droit à l’erreur en politique ?
« Pourquoi pas…», me dis-je, avant que je ne commence à peser le « pour » et le « contre » de la réponse.
Pour cela, il suffit, pensais-je d’abord, que l’on définisse quand, comment et à qui appliquer ce droit. Puis, j’ai commencé par le dernier volet de la question, en exploitant des réactions ou arguments que j’ai rencontrés, notamment sur facebook et sur twitter.
Parmi les intervenants, beaucoup estiment, l’image jointe à l’appui de leur raisonnement, qu’Ahmed Ould Daddah est parmi les plus indiqués pour ce faire, et qu’il ne faut pas hésiter à lui accorder le droit à l’erreur. D’autres proposent Mohamed Ould Bouamatou en soulignant sa volte- face et son opposition actuelle au régime en brandissant eux –aussi une ou plusieurs images…
D’autres cas sont aussi posés : celui Ould Mein qui a claqué la porte du RFD …les sénateurs qui ont voté contre leurs propres partis politiques, des poètes, des romanciers, d’autres acteurs qui ont changé de camps ou d’opinions politiques… Bref : les exemples ne manquent pas !
Par contre, d’autres arguments abondent dans le sens opposé de tout cela. Ils soulignent qu'absoudre les exemples avancés précédemment risque de faire des cas complexes de jurisprudence qu’il faudra appliquer à tous ceux qui tournent leurs vestes politiques pour une raison ou pour une autre. Et qu’il ne faut pas se hasarder dans cette voie, estiment-ils. Dans leurs répliques, parfois cinglantes, les tenants de cette ligne dure, mettent en garde contre les risques de se laisser entraîner par les torrents malsains des opportunismes de tout genre, opportunisme politique bien entendu mais pas seulement, qui ravagent le pays et déstabilisent le monde.
Pour ma part, malgré leur dimension morale évidente, et leur bien-fondé de façon générale, ces derniers arguments ne tiennent pas la route à mon sens. Au moins pas chez-nous. Ils sont même préjudiciables pour notre pays, sa culture politique et son fondement séculaire que constitue le nomadisme.
En effet, et on ne le dira jamais assez, pour nous Mauritaniens, le nomadisme est une règle de survie, cardinale et absolue. Elle régit nos rapports à tout, et dans tous les domaines. Qu’il s’agisse d’activité pastorale, de vie conjugale, ou d’action politique, la clé du succès a toujours été la « bougeotte ». Et elle le restera pour longtemps encore.
Changer tout le temps d’espace, de partenaire, de conviction… constitue le principe fondateur de tout ce que nous entreprenons. Avec une telle réalité, la question de « droit à l’erreur ou pas ? » ne doit pas se poser à nous. Ceux qui nous en parlent, n’ont rien compris : ni à la politique, ni à l’économie, ni à la culture.
Autrement : comment imaginer nos hommes politiques, nos hommes d’affaires, nos poètes, s’ils ne se livraient pas au jeu de changements permanents d’alliances, de camps, de convictions ? Tous croient tirer de gros avantages de leur propre instabilité "idéologique". Sans cet opportunisme qui nous caractérise, point pour nos élites de plans politiques, ni de prospérité financière, ni d’inspiration poétique.
Dans ces conditions, évoquer le droit à l’erreur n’a tout simplement pas de sens. Car personne n’a commis la moindre erreur.
Dans notre jargon à nous ce genre de rapport à la politique, à l’économie, à l’art… à tout, s’appelle : « Bélétigue ». Et il n’y a rien d’immoral là-dedans, même si, sous d’autres cieux, cela s'appelle ; « politique politicienne ».
El Boukhary Mohamed Mouemel
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