La justice sociale a de tous temps été mise à rude épreuve par l’égoïsme naturel de l’homme, c’est l’évolution sociologique des sociétés qui est venue au fur et à mesure tempérer ce réflexe plutôt bestial. Depuis, les sociétés humaines ont évolué, mais à des degrés d’émancipation sociale différents. Certains groupes ont atteint un seuil de sociabilité tel, que les égoïsmes ont été fortement atténués par la prise de conscience de la présence de l’autre et de l’impérative nécessité de lui faire place en créant des règles de vie commune écrites ou tacites, mais admises par tous. La recherche légitime du bien-être à travers la jouissance de la richesse communautaire puis nationale et la propension naturelle à préserver et à sécuriser les acquis se fixeront dès lors une limite, cette limite c’est le droit pour ces autres de nourrir les mêmes ambitions
Dans cette recherche de justice sociale deux voies s’offrent à nous :
Celle des hommes de bon sens qui consiste, tout en préservant les acquis et en les consolidant, à engager avec l’autre un dialogue intellectuel sain et franc pour la révision des règles de vie commune et de partage, quelles que déséquilibrées et injustes soient-elles.
A l’opposé, il y a l’appel satanique de cette pyromanie perverse qui n’a même pas la faculté d’intégrer qu’après avoir tout brûlé : à quoi servirait cette justice qui nous a tant fait courir quand il n’y aura plus rien à partager, voire même plus d’espace où vivre ?
Toutes les sociétés sur cette terre sont passées par les stades les plus primitifs où seule la force régissait les rapports entre les êtres humains, au fil des temps l’évolution a tempéré l’incidence de la force dans les rapports humains en laissant de plus en plus place à des règles tacites et /ou écrites pour régenter les rapports sociaux. Cela s’est fait au prix de frictions et de guerres interminables et à ce jour, l’on observe à travers le monde une grande disparité de niveaux dans l’émancipation des communautés humaines. Certaines sociétés en sont encore aujourd’hui à un niveau primaire de leur organisation et de leurs liens sociaux alors que d’autres ont pratiquement effacé tout rapport fondé sur la force ou l’origine sociale. La Mauritanie n’est pas restée un ilot isolé par rapport à ce phénomène, elle n’est plus, Dieu soit loué au stade primitif, elle évolue petit à petit vers une société ou la vie commune est en voie d’être régie par des règles tout à fait rationnelles. Les phénomènes résiduels de l’esclavage, et des antagonismes sociaux par ailleurs condamnables à tous égards, vont inéluctablement s’effacer devant la volonté des hommes qui en ont pleinement pris conscience et qui ont enclenché les mécanismes socio-juridico-économiques visant à en accélérer le dépassement. Prêter aux pouvoirs publics la volonté de perpétuer l’esclavage et l’injustice ne me semble pas relever de la bonne foi. Qu’il leur soit demandé d’élargir et d’accélérer les mécanismes de discrimination positive initiés depuis bientôt sept ans sous l’impulsion très engagée du Président Mohamed Ould ABDEL AZIZ au profit des couches marginalisées est, on ne peut plus légitime, mais il y a des voies saines pour cela : le dialogue, la négociation, les débats et colloques, voire même les manifestations pacifiques dénuées de ces interférences politiques vicieuses … A l’instar de toutes les communautés humaines, notre histoire nous a légué en héritage un immense capital de valeurs positives, mais elle nous a aussi, comme partout ailleurs, laissé des tares qui, dans le contexte de notre monde d’aujourd’hui sont autant d’anachronismes porteurs d’injustice et d’inhumanité. Ruminer sans arrêt les séquences sombres et, certes, condamnables de cette histoire et s’évertuer à en faire porter la responsabilité à celui-ci ou à celui-là n’est pas la voie la plus recommandée pour enrayer ces tares sociales historiques, bien au contraire, une telle approche ne fera que crisper les communautés et accentuer des clivages inopportuns. Nul maure ne peut être tenu aujourd’hui responsable de ce qu’ont fait ses ascendants lointains dans un contexte historique ou cela passait pour la règle admise, comme aucun reproche ne peut être fait à la victime d’avoir des fois docilement accepté de subir ou aux siens de s’être résignés face à la loi du plus fort, convaincus qu’ils étaient tous, que c’était l’ordre normal voire divin des choses.
Il y a un constat découlant d’une évolution sociale historique, encore une fois condamnable dis-je, une fois l’analyse rétrospective des faits établie, il ne sert à rien de s’y figer et de passer sa vie à ruminer ses ressentiments. Non, il faut aller de l’avant en cherchant les solutions au problème, des solutions constructives et pacifiques...
A ces compatriotes qui miment d’autres mouvements dans d’autres contextes géographiques et humains très différents des nôtres, à ces hommes et femmes conscients ou pas de la manipulation interne et externe dont ils sont l’objet, je dis ceci :
Votre quête de justice et d’équité est légitime, vos ambitions d’un mieux être également, mais les voies et moyens utilisés heurtent le patriotisme, même de cette communauté dont vous vous assignez la charge de la défense. D’autres aînés ont, bien avant vous, amorcé le débat par les voies sages et patriotiques avec des résultats que nul ne peut contester, résultats en deçà des espérances certes, mais évalués à l’échelle du temps et de notre histoire, leurs bénéfices sont loin d’être négligeables. Tout ce qui se produit en un clin d’œil, à l’image de la mort, du déluge comme des guerres civiles est bien souvent peu porteur de bonheur pour l’homme. Si l’émancipation des Haratines, l’éradication des inégalités et la consolidation de l’unité nationale doivent se faire au prix de la désintégration de la Mauritanie, j’aimerais bien que l’on me dise quelle serait le gain pour nous dans cet échange absurde. Ces valeurs que sont l’égalité, la justice ne peuvent avoir de sens pour nous qu’inscrits avec harmonie dans le contexte d’une Mauritanie viable et forte. L’écrasante majorité des Mauritaniens, toutes communautés confondues est demandeuse de justice, d’équité et d’un plus harmonieux vivre ensemble mais nul n’est partant avec ceux qui œuvrent dans un sens qui mène vers l’éclatement de ce pays. Si forte soit la compassion et si douloureux les souvenirs, il nous incombe en tant que patriotes réfléchis et raisonnables de nous garder d’emprunter ces raccourcis faciles et dangereux pour la pérennité de cette nation.
C’est comme celui-là qui, pour désinsectiser sa maison, ne trouve pas mieux que de tirer dessus au canon antichar, plus de moustiques certes, mais plus de maison non plus !
Ne nous trompons pas d’ennemi ni de combat ; l’ennemi, celui de tous sur cette terre qui s’appelle Mauritanie, ce sont ces freins qui nous plombent et nous empêchent d’accéder au plein épanouissement intellectuel, et à la pleine jouissance du bienêtre matériel. Ces freins que l’on tente d’esquiver par moult acrobaties intellectuelles en les enrobant de qualificatifs plus ou moins mielleux mais creux, se résument en un mot : le sous développement, le sous développement sous toutes ses déclinaisons. Là est l’ennemi et cette lutte farouche engagée pour en sortir est notre combat, « Le COMBAT ». Tous les problèmes que nous vivons et que nous trainons depuis des générations ne sont rien d’autre que les manifestations de ce lourd handicap. Le fardeau est certes ressenti à des degrés divers selon le niveau social, mais une fois le développement installé, le pauvre, au plus bas de l’échelle s’appellerait alors « le moins nanti, membre d’une classe moyenne à même de subvenir à ses besoins essentiels » et croyez-moi, la différence est de taille. Investissons donc notre hargne combative et nos talents de leaders dans le seul combat qui vaille, celui qui s’assigne comme objectif de tirer ce pays vers le haut pour le bien de la Mauritanie toute entière.
Pour en revenir à cette manipulation que cachent certains soutiens inattendus d’orthodoxie douteuse, sachez messieurs que l’identité d’une communauté n’a jamais découlé de la couleur de la peau de ses composantes ni de cette ascendance approximative et diffuse à laquelle l’on tente de la rattacher, mais plutôt d’une communauté de critères et de valeurs concrets partagés tels :
La religion, la culture (langue-coutumes-manière de vivre…), un espace partagé et une communauté d’intérêts et surtout la volonté sincère de vivre en symbiose. Là sont les éléments constitutifs essentiels qui fondent le lien communautaire. Nos communautés nationales partagent en grande partie ces critères, mais seules deux communautés les partagent en totalité : Les maures dans leurs deux composantes Hassanes et Haratines. Cette remarque n’est dirigée contre personne, c’est un constat visible et vérifiable, donc incolore et inodore ce, à l’adresse des âmes susceptibles. Qu’il nous soit permis à l’occasion, de rappeler cette petite évidence qu’il serait souhaitable d’intégrer à nos normes identitaires bien souvent travesties:
L’appartenance des Haratines à la communauté Maure est sociologiquement un fait établi par l’identité absolue des critères ci-haut énumérés. Les Maures Hassanes de souche autant que ceux qui se sont fondus dans leur ensemble et assimilés tout ce qui caractérise cette communauté sont des arabes à part entière. Les Haratines comme dit plus étant également Maures, l’on peut naturellement en déduire que le Hartani et le Maure sont à la fois Maures et Arabes, quelle que soit par ailleurs la couleur de l’un et de l’autre.
Nonobstant cette petite précision d’ordre purement sociologique, communautés Maure, Halpoularen, Soninké, Wolof et Bambara restent unies par ce lien fort indéfectible et uniforme qu’est la nationalité qui se doit de transcender toutes particularités. Faut-il encore le rappeler ici, nulle identité ne peut et ne devrait conférer à un individu ou à un groupe une mauritanité à valeur ajoutée à laquelle seraient rattachées des droits particuliers, comme aucune naissance ne peut prédestiner un être humain à perdre les attributs propres à cette humanité. La Mauritanie, n’en déplaise à certains esprits sclérosés, à l’instar de la tendance universelle glisse vers un métissage salvateur dans lequel fondront inéluctablement tous les communautarismes et ce courant est irréversible. En attendant, nous nous devons de gérer avec tact et intelligence ce lourd héritage, cette stratification chargée de tant de risques.
La question Haratine, point saillant de la construction de l’unité nationale appelle une concertation nationale sereine, dénuée des petits calculs politiques égoïstes et mesquins. Elle constitue une équation de portée nationale qui interpelle la Mauritanie toute entière et ne se circonscrit pas aux seuls Haratines. Sa résolution implique un support législatif instituant une politique de discrimination positive sous forme d’un programme général de lutte contre les inégalités et les discriminations, une sorte de loi programme bien pensée s’étalant sur plusieurs générations.
L’unité nationale en général et la question Haratine en particulier méritent plus que ce à quoi elles sont actuellement vouées ; de vulgaires objets de surenchères et de règlements de comptes politiques.
BABY Houssein
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