Les maures marginaux derrière la ligne rouge

 

Existent-ils vraiment des maures marginaux en dessous du seuil de la pauvreté? se demanderont les incrédules ou ceux qui s’entêtent à ne voir qu’en blanc et en noir la question des injustices en Mauritanie, terre de prédilection de beaucoup disparités et de contradictions.

Au détriment, hélas, de ces daltoniens, les maures marginaux existent bel et bien dans la nomenclature nationale. Ils sont nombreux, pauvres, marginalisés, dépourvus de tout soutien.  Pour sortir de la précarité, ils n’ont quasiment pas de possibilités leur permettant d’avoir leur part de ce « gâteau » qui hante les esprits de leurs compatriotes et que constitue la Mauritanie.

Mais à quoi tient vraisemblablement cette situation qui, le moins qu’on puisse en dire,  est qu’elle est tout simplement en contradiction avec le joug maure? Sans chercher à passer par des chemins sinueux et énigmatiques, rappelons quelques données simples à propos de la stratification de la  société maure. Celle -ci était tenue par deux grands ensembles : des"Guerriers » ou « Hassa » dépositaires de la force armée et des "MarabousTolbas » ou « Zouwayas », gardiens sans partage du Droit et des connaissances, notamment les sciences religieuses. Les autres entités Hratines, Zanaga et Igaounes, elles,  étaient soumises à ces deux grandes classes détentrices du pouvoir politique et militaire pour l’une,  et du pouvoir spirituel et culturel pour l’autre. Elles leurs étaient soumises et constituaient leur arrière cour.

Cette situation de domination, qui évolue à travers l’histoire, continue de perdurer malgré que le pouvoir traditionnel de la tribu s’affaiblisse sous les coups de boutoir de l’Etat moderne tel que mis en place par le colonisateur français à l’image de sa propre administration. Il a toutefois préservé l’essentiel sous forme d’une aristocratie de tous les ensembles tribaux, mais compressée en quelques familles appelées «Khyam Kbaratt ou grandes tentes». Cette aristocratie s’est très tôt accaparé tous les atouts liés à la représentativité de leurs ensembles tribaux. Ce qui leur confère une présence pérenne confortable dans les hautes sphères de l’Etat et ses ramifications, bénéficiant de tous les avantages moraux et matériels. Il n’est sans doute pas difficile de trouver les échos vivants d’une telle métamorphose après chaque conseil de ministres où à l’occasion de toute échéance ou grande manifestation politiques à chaque fois que l’occasion se présente.

Mais, si les «Haratines » ou « anciens esclaves» continuent de gagner du terrain dans le combat pour le recouvrement de leur droit à la dignité et à l’égalité, et que la caste des forgerons «Maalmines » ou « Sounna’e» leur a emboité le pas, ce n’est point le cas des « Igaouns » ou « griots» qui, eux, continent de tirer un profit matériel précaire de leur situation malgré la concurrence que leur font désormais de   nouveaux arrivants sur le podium du «Howl» ou l’art musical. Quant aux «zenagas», ils font profil bas, ne manifestent aucun signe de révolte mais nourrissant en eux l’espoir de voir disparaitre, comme par enchantement, et le nom de «Lahma» et la discrimination dont ils sont victimes, comptant sur une grande proximité désormais perceptible mai qui cache mal la forêt des préjugés bien ancrés.

C’est en résumé, à bien y voir de près, ce qui dévoile le mystère sur la précarité chez ces maures de la souche pourtant des dignitaires mais qui sont humiliés et réduits au pire plus que les castes secondaires dont ils sont, du point de vue de la stratification sociale peu glorieuse, les tenants et les maitres. L’honneur et les vertus tirés  de leur appartenance tribale étant concentrés aux mains de l’aristocratie des «Khyams Kbaratt grandes tentes», ils ont été par voie de conséquence condamnés à la marginalisation réductrice et à l’abandon extrême.

De ces fils de grandes tentes devenus le label et les dépositaires de la légitimité de leurs ensembles tribaux, ils ne bénéficient que d’un cousinage irréfutable au sens consanguin du terme et de la littérature et d’un certain culte tribal vivace dans les esprits et les mœurs. Statut dont ils n’en tirent pourtant ni soutien matériel, ni intervention pourtant érigée en système pour l’accès facile aux services, à l’emploi ou à la protection contre les injustices et les affres de la marginalisation.

Cette situation commence manifestement à donner naissance un nouvel élan de revendication qui est en train de se faire sentir à travers les discours changeants au sujet de la légitimité contestable de ces chefferies dont l’autorité abusive est lourde d’injustices et de fractures sociales profondes; mais le caractère provocateur et sectaire de cet élan  ne ménage pas forcement une Mauritanie déjà acculée par une situation complexe où la culture des droits de l’homme peine à trouver sa bonne place dans le subconscient collectif.

El Wely Sidi Haiba

 

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