Ayant beaucoup réfléchi sur le terrorisme, j’ai du mal à m’en départir quand je pense au Covid-19. A la lumière des informations disparates que j’ai pu récolter au sujet de ce drame sanitaire qui secoue le monde, je vois effectivement son ombre planer quelque part à proximité du terrorisme.
« Une obsession ou déformation professionnelle ! », s’exclameront certains, surpris. Ils auront probablement raison de s’étonner, car comparaison n’est pas raison.
Et je n’ai rien à leur répondre sauf que des similitudes saisissantes entre les deux phénomènes m’interpellent personnellement.
Le Covid-19 n’a pas de religion. Comme le terrorisme, il frappe tout le monde sans aucune distinction d’ordre culturel, racial ou social. Musulmans, chrétiens, juifs, bouddhistes, sikhs… noirs, blancs, jaunes… en sont tous victimes, quelles que soient par ailleurs les différences de contextes ou de situations terroristes qu’ont vécus les uns ou les autres.
En outre, parce qu'il est caché et très discret dans son approche et ses modes opératoires, à l’instar des terroristes, ses cibles ne voient rien venir avant de subir dangereusement ses coups qui sont mortels dans beaucoup de cas. Il se balade partout à travers la planète, frappe tous les pays et tous les peuples et son impact affecte gravement l’économie et le fonctionnement de la société, certainement beaucoup plus que le terrorisme.
Il est toutefois muet, sans idéologie et sans discours politique, et ne se réclame d’aucune religion contrairement au terrorisme qui met en avant son caractère religieux et/ou politique. Mais les différences s’arrêtent là.
Malgré son mutisme, le coronavirus domine et occupe l’espace médiatique, quasiment sans partage. Fake news, rumeurs douteuses et intoxications, lui servent de rempart et, d’une certaine manière, de tambours de résonance, comme pour le terrorisme.
Comme le terrorisme également, sa vérité fait débat, bien que les questions soient de nature différente:
Quelle est la durée de vie exacte du virus ? Comment se transmet-il précisément ? Quel est le meilleur traitement disponible actuellement pour le soigner ? Quand et comment aura-t-on un vaccin efficace contre la maladie ? Quels seront ses impacts négatifs ou « crisogènes » sur les différents aspects de la vie des nations et du monde: incidences économiques, financières, sécuritaires, politiques… ?
Des questions variées et complexes qui suscitent beaucoup d'interrogations et de controverses entre médecins, chercheurs et spécialistes de tous bords.
Il y a néanmoins unanimité sur un fait : la dangerosité et le drame du Covid-19 sont sans pareille, et cela fait de cette pandémie l’ennemi « numéro 1 » de l’humanité, suivi du terrorisme. Tous les Etats et toutes les organisations le combattent avec énergie, et les appels à l’entraide internationale semblent être la tendance forte actuellement. Cependant, les rivalités entre les grandes puissances et entre les Etats de façon générale, leurs égoïsmes et les calculs politico-politiciens des dirigeants n’ont pas pour autant disparu.
Bien au contraire, ils risquent de présenter des failles et des fissures qui porteront préjudice à ce beau mouvement de solidarité mondiale sans précédent qui se dessine aujourd'hui. La « guerre »[i] contre la pandémie de Covid-19 en pâtira inévitablement, comme en a souffert et souffre toujours la lutte contre le terrorisme.
Et comme les deux phénomènes ne sont pas antinomiques, il peuvent bien aller de pair. Pire : leur nature et le contexte géopolitique mondial nous conduisent à penser à une solide "alliance de circonstance" entre les deux phénomènes, leur donnant l'occasion de se développer simultanément. Il est à craindre en effet que les opérations terroristes se multiplient dans les pays et zones touchées par la maladie. Les groupes terroristes armés exploiteront sans doute le chaos engendré par le coronavirus et ses conséquences en termes de révision des priorités des Etats, des missions des forces de défense et de sécurité et leur redéploiement qui en résultent. Comme il sera difficile de lutter efficacement contre la propagation de la pandémie dans les régions sous menace terroriste, à cause de l’insécurité.
Colonel (e/r) El Boukhary Mohamed Mouemel
President du COTES[ii]
[i] Plusieurs chefs d’Etats et de gouvernements, dont les présidents français et sénégalais ont qualifié la situation sanitaire dans leurs pays respectifs de « guerre » contre le coronavirus. Sur un ton un peu moins martial mais tout aussi grave, d’autres, dont le président mauritanien, Mohamed Ould Cheikh El Ghazouanieont ont parlé de « bataille».
[ii] Centre Oum Tounsi pour les Etudes stratégiques.
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