La violence n’a jamais engendré autre chose que la violence. (*)

La violence n’a jamais engendré autre chose que la violence

  Les éléments de réflexion suivants découlent d’une compilation de lectures et débats récents que j’ai eu la chance de lire  ou d’écouter. Les partager me fait plaisir. Car, à mon humble avis, tous ceux qui veulent faire une politique utile, patriotique et réaliste pour leur pays doivent tenir compte de ce qui se passe dans le monde et dans leur environnement immédiat.

    Un monde en désarroi...

Toutes les grandes voix intellectuelles qui font autorité  à travers la planète en matière des sciences humaines  expriment leur désarroi et leur désapprobation face à ‘’l’état du monde’’ et ses conséquences multiples : économiques, sociales, sécuritaires  écologiques et alimentaires. Elles n’hésitent pas à accuser les ‘’grands centres de décision mondiale’’  de ne pas réagir énergiquement et pendant qu’il est temps afin d’éviter que la planète ne s’installe définitivement dans un chaos général comme aux pires moments de son histoire ancienne : guerres et crises économiques mondiales. Pour ces hommes indépendants, temples de la connaissance et de la sagesse, les  décideurs sont souvent indécis et rétifs face aux grandes décisions courageuses qu’il faut prendre pour enrayer cette spirale qui prend plus d’ampleur chaque jour. Ils pointent les égoïsmes nationaux et la volonté des acteurs politiques de tous bords de ne point vouloir voir la réalité en face pour des raisons carriéristes ou idéologiques, alors qu’autour d’eux tout vacille. Ils dénoncent les injustices dans les échanges et les inégalités qui se creusent entre les Etats et entre les couches sociales au sein d’un même pays. Ils pensent que certains événements intervenus récemment dans le monde rendent difficile et aléatoire toute analyse prospective

Parmi ces événements, l’élection d’un Président  protectionniste à l’excès  qui veut  faire du plus grand pays du monde un espace fermé, interdit en matière d’immigration et d’investissement à tout ce qui n’est pas américain. Ses premières déclarations sur l’Europe, l’OTAN, la circulation des personnes et les accords commerciaux internationaux ont surpris les dirigeants du monde et les peuples. Heureusement que le Président américain n’est pas le seul à tout décider même s’il a de grands pouvoirs. Ce grand pays s’est doté, dès sa création, de puissantes institutions constitutionnelles qui font contrepoids à son pouvoir. Elles peuvent bloquer toutes les décisions qu’elles jugent contraires aux intérêts du peuple américain et au rôle de leader de leur pays dans le monde.

La Russie se remet peu à peu de sa perte de poids politique depuis la chute du mur de Berlin. Elle développe sa force de frappe militaire, son économie et commence à peser sur les grandes décisions de la politique internationale. Elle s’affaire à créer et parrainer de grandes coalitions au niveau de certaines régions du monde.

La Chine, devenue de fait la plus grande puissance militaire et économique du monde, regarde de loin cette tendance qui dessine une certaine forme de retour à la bipolarisation. Elle attend les dividendes qu’elle peut tirer de la dénonciation des accords commerciaux, comme elle continue à multiplier ses investissements et ses échanges sur tous les continents. Sur le plan stratégique, elle a un œil rivé sur l’Asie de façon générale, sur la Mer de Chine et l’Océan indien en particulier.

De graves défis sécuritaires au Maghreb et au Sahel

Les puissants services de renseignements américains et ceux des pays de l’OTAN sont unanimes : un bon nombre de combattants de l’EI, une fois chassés de leurs places fortes en Syrie, en Irak  et en Libye, iront dans les pays maghrébins du pourtour méditerranéen dont ils sont originaires, créant une menace énorme tant pour ceux-ci que pour l’Europe toute proche. La plus grande partie des grands chefs rescapés des bombardements ira rejoindre ce grand Sahara  frontalier de plusieurs pays sahéliens dont les populations sont en grande partie de religion musulmane : Mauritanie, Mali, Tchad et Niger. C’est pour eux un grand espace stratégique qui permet à la fois la mobilité et le recrutement sans compter les alliances qu’ils peuvent tisser avec les nombreux mouvements qui  y opèrent déjà depuis plusieurs années.

 Chaque semaine les services de renseignements marocains, tunisiens et algériens démantèlent des cellules de l’IE.

Une Afrique qui se recherche...

Un peu partout en Afrique, à quelques exceptions près, les discours sectaristes et violents remplacent ceux de la sagesse, de la vertu et du dialogue qui étaient les traits dominants de nos civilisations. Nous avions nos coutumes millénaires qui codifiaient nos rapports en matière d’échanges, de dévolution du pouvoir, d’administration, de justice et de coexistence pacifique malgré nos diversités ethniques, religieuses et malgré notre dispersion sur ce grand continent. Je regardais hier avec une émotion bien réelle sur « africa 24 », des milliers d’hommes, de femmes, d’enfants du peuple ashanti, y compris un Président  de la République, tous drapés dans les habits traditionnels. Ils portaient le cercueil de la reine-mère vers sa dernière demeure. Aucune personne quelle que soit la couleur de sa peau, sa langue ou sa religion ne peut être insensible à tant de ‘’dignité personnifiée’’ et de grandeur. Ce peuple, qui porte si fièrement le frêle corps de sa reine-mère, compte certains des meilleurs intellectuels, des meilleurs politiciens et des meilleurs capitaines d’industrie du continent tout en conservant intactes toutes ses traditions.

Dans toute l’histoire de notre pays et à chaque fois qu’il a été confronté a un péril, son peuple dans  toute sa diversité et, par delà ses querelles intérieures, a  toujours su s’unir et relever les défis. Les craintes que j’ai développées ne sont pas seulement les nôtres mais celles de tout le Maghreb et du Sahel.

Déjà un pays frère, la Tunisie,  y est confronté. Comme toujours, les Tunisiens, unis dans un même élan, commencent à se mobiliser et à penser aux solutions pour prémunir leur pays contre tous ses défis si proches et dévastateurs. Le Niger, le Tchad et le Mali font part  de leur inquiétude et sollicitent l’aide des grandes puissances et les organismes internationaux.

Même si notre pays a entrepris ces dernières années de louables efforts pour sécuriser notre immense territoire et le mettre a l’abri du fléau du terrorisme qui frappe quotidiennement nos frères et voisins, il doit obligatoirement réfléchir et mettre en place les moyens nécessaires face à ce défi supplémentaire que tous les grands services de renseignement prévoient comme proche et inéluctable.

 Les moyens sécuritaires et les solutions qui seront déployés par notre défense nationale, doivent s’accompagner d’un apaisement sur le front intérieur. Les forces vives dans leur diversité d’opinions doivent  y contribuer. Le thème de la sécurité du territoire et la pérennité du pays n’ont jamais été un sujet de divergence entre acteurs politiques tout au long de notre histoire. De tout temps, l’adhésion à ce thème fédérateur nous amené à :

- créer un climat où le discours politique et les relations entre acteurs politiques soient plus apaisés et plus confiants ;

-concevoir des formes de lutte plus  citoyennes pour exprimer nos visions diversifiées sur les problèmes du pays et son  avenir ;

- bannir de notre lexique politique les expressions à caractère chauvin ou sectaire et donner aux causes nationales justes leur vraie place dans le débat national au lieu de les réduire à des particularismes dévalorisants ;

En nous impliquant fortement dans ce consensus nous aboutiront forcement à deux objectifs importants :

-bâtir un consensus national pour sécuriser notre pays et assurer sa pérennité.

-réduire par le contact, la mise en confiance et le respect mutuel les graves divergences et incompréhensions qui nous handicapent actuellement, pour préparer dans la sécurité et la sérénité toutes échéances futures : présidentielles, législatives ou municipales, clé de voute d’une alternance pacifique au pouvoir à tous les échelons.

Dans la présente tourmente sans précédent dans l’histoire du monde, la disparition ou la partition des Etats arrivent quotidiennement sans aucune réaction de la part de la communauté internationale - hormis le HCR qui peine à trouver désormais des ressources pour les millions de refugiés qu’il gère.

Allons-nous nous rendre compte que notre pays  est congénitalement fragile et agir en conséquence, ou  plutôt allons-nous continuer à croire que nous sommes a l’abri de ce genre de secousses qui touchent tous nos voisins ?

Faudra-t-il attendre que notre pays entre dans ce cycle infernal en refusant de renoncer à nos querelles de chapelles ?

Quand cela arrivera- à Dieu ne plaise-, il n’y aura  plus de pouvoir stable à gérer, ni de quête légitime de pouvoir et d’alternance à organiser ; il n’y aura qu’un peuple victime de l’inconscience collective de son élite ; un peuple exposé au mauvais sort, le sort que connaissent les autres populations de réfugiés et dont nous voyons les flots d’images tristement choquantes dont nous abreuvent les médias à longueur de journées.

Je me suis prononcé plusieurs fois par écrit sur ce thème de l’élite et sa responsabilité de travailler à pérenniser ce pays fragile que nous ont légué  nos  ancêtres. Dieu sait que la dignité de notre peuple malgré sa pauvreté, a fait qu’il na jamais été le talon d’Achille de notre nation. Par contre nous,  ses élites politiques et administratives, avons parfois manqué de courage face aux défis qu’il a eu à affronter depuis sa naissance.

Mettons-nous autour d’une table pour discuter et non pour en faire des morceaux de bois pour nous battre

J’avais besoin de sortir ces réflexions sans trop faire d’attention à leur pertinence, ni à leur cohérence ; mais des sensations plus ou moins diffuses m’y poussent. Elles découlent de sentiments de crainte qui m’animent de jour en jour, mais aussi de lueurs d’espoirs que je perçois de temps à autre. 

J’espère en effet que nous prendrions collectivement conscience des périls qui nous menacent et avant qu’il ne soit trop tard.

Depuis quelques semaines j’ai entendu et lu des appels très responsables venant de plusieurs personnalités politiques  qu’on a toujours présentées  comme «  extrémistes ». Il s’agit d’échos encourageants. Je m’en réjouis, tant pour ceux qui les émettent que pour celles et ceux qui les reçoivent. De bons signes pour le pays.

Rachid Ghanouchi disait il y’a une semaine sur la chaine arabe Bbc :’’Quand nous avons des problèmes, nous nous mettons tous autour d’une table  pour les résoudre avec nos cœurs et nos esprits. Nous ne cassons pas la table pour en faire des bâtons pour nous battre.’’.

 

Nouachott, fevrier 2017. 

Brahim Salem ould Elmoctar Ould Sambe ‘’dit Ould Bouleiba’’

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(*) Ce titre est tiré d’une lettre du Mahatma Gandhi au vice-roi anglais des indes.

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