La Mauritanie face au terrorisme: les points forts d’une approche fructueuse.

 A l’instar de la communauté internationale, la Mauritanie a connu le terrorisme et continue de le considérer comme le plus grand défi sécuritaire dans le monde. Pour y faire face, les autorités nationales, sous l’impulsion du président actuel de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz, avaient pris depuis 2009 toute la mesure de la menace, en s’engageant résolument à relever les défis qui pèsent sur la sécurité du pays.

Leur démarche s’est traduite par l’élaboration d’une vision stratégique articulée autour de trois axes principaux :

  • une bonne lecture l’environnement géostratégique régional et son instabilité ;
  • une définition de la typologie de la menace terroriste à laquelle la Mauritanie fait face, en soulignant son caractère exogène territorialement parlant ;
  • les réponses à apporter, tant en termes d’actions à entreprendre qu’en termes de stratégie de moyens.

Lier étroitement sécurité et développement en renforçant l’Etat de droit ; reformer et réadapter les outils de défense et de sécurité ; les intégrer dans une politique de coopération active, tant sur les plans régional qu’international ; constituent les principes fondateurs de cette vision.

L’approche repose sur des outils juridiques sans cesse mis à jour.  Des lois et textes réglementaires permettent désormais un meilleur traitement du phénomène conformément aux principes des droits de l’homme : une meilleure définition de l’acte terroriste, ses objectifs, ses modes opératoires, délits et infractions y afférents (attentats, prises d’otages, blanchiment d’argent, recrutement de terroristes, apologie du terrorisme, …) ; renforcement de la prévention et la répression ;  simplification des procédures ; mise en place de juridictions anti terroristes spécialisées (magistrats du parquet, juges d’instruction, cour criminelle) ; coopération judiciaire…

Outre le volet juridique, une grande importance est accordée au développement, notamment le développement humain. Plus précisément, un effort est mis sur la formation civique et religieuse en vue du tarissement des sources idéologiques dont se nourrit le terrorisme. Il s’agit d’un combat d’idées qui a fait ses preuves, notamment  lors du dialogue avec les prisonniers « salafistes » en 2010. Un combat contre la radicalisation, dans lequel l’Etat continue de mobiliser les ulémas et structures religieuses ainsi que d’autres relais d’opinion afin de déconstruire le discours extrémiste violent à connotation religieuse et de présenter l’Islam sous son vrai visage : une religion de paix, de tolérance, de modération.

S’agissant des aspects militaires et sécuritaires proprement dits, la démarche des Forces de défense et de sécurité (FDS) constitue l’une des plus importantes pièces maitresses du système. Nous la résumerons à travers les aspects suivants :

Complémentarité et synergie dans l’action.

La doctrine d’emploi des forces fait fusionner les notions de défense nationale et de défense du territoire avec celle de sécurité intérieure. L’Armée, la Gendarmerie, la Garde, la Police, la Sécurité routière et la Douane y participent, chacune dans le domaine de ses compétences. Contrairement à d’autres pays, les textes mauritaniens en matière de lutte contre le terrorisme se prêtent à une interprétation qui permet de surmonter la délicate question du clivage entre, d’un côté, les prérogatives des militaires et, de l’autre, celles des forces de sécurité ou forces de police.

  Mobilité, souplesse et modularité.

Le caractère mouvant de la menace terroriste qui évolue au voisinage des frontières Nord et Est du pays, en changeant de lieux, de formes et de volumes en permanence, a conduit à la réorganisation des FDS afin de les adapter aux circonstances de la guerre non conventionnelle, de manière à leur procurer le maximum d’atouts sur l’ennemi en terme de capacités de déplacement, de souplesse et de modularité. Sur la base de ces principes, des unités, de formats variables, sont crées ou réaménagées : Groupements spéciaux d’intervention, Compagnies spéciales d’intervention, Fusiliers…

 Vaincre la volonté de l’ennemi et préserver le moral des troupes.

 Le point fort du terrorisme « jihadiste » réside incontestablement dans la détermination de ceux qui s’y livrent, en sacrifiant leur vie pour sa cause. Pour vaincre leur volonté agressive, les unités engagées doivent avoir un très bon moral leur permettant de prendre l’ascendant sur un adversaire aussi motivé. Des modes d’action aux conséquences psychologiques préjudiciables pour l’ennemi ont été conduites par la Mauritanie : opérations de Hassi Sidi, de la forêt Ouaghadou … Parfois coûteuses en vie humaines, ces opérations militaires courageuses portent en elles-mêmes - et véhiculent-  un message persuasif fort, destiné à porter un grand coup à la détermination de l’adversaire, à le faire douter, à le dissuader de prendre l’initiative d’attaquer.

 En outre, cette capacité de dissuasion est d’autant plus « lisible » que des mesures d’incitation sont entreprises pour motiver les troupes. Toute une stratégie de moyens est établie dans ce sens. Faisant de la méritocratie, un critère de base pour prononcer récompenses ou sanctions, cette stratégie révèle un souci de bonne gouvernance de plus en plus affirmé chez les autorités politiques et militaires du pays.

De "la grande muette" à la bonne communicante.

Il est bien établi que la communication constitue un axe d’effort central dans toute stratégie terroriste. Les forces de défense et de sécurité régulières, tout en se souscrivant au principe du devoir de réserve, doivent savoir qu’aujourd’hui le temps de la « grande muette» est révolu.

Dans un contexte dominé par des défis asymétriques profondément amplifiés par le pouvoir multiplicateur des NTIC, agir efficacement contre le terrorisme passe en effet par investir le champ de la communication. Les FDS mauritaniennes s’engagent dans cette voie, y mobilisent des moyens conséquents pour informer et faire adhérer citoyens et partenaires à la politique menée par le pays contre le terrorisme et la criminalité organisée.

Interopérabilité et coopération.

Toutes les composantes des forces de défense et de sécurité participent à la lutte antiterroriste, suivant les spécificités de chacune. Appartenant à des corps distincts, les acteurs impliqués dans ce combat présentent suffisamment de variétés et de différences pour que cela donne lieu à des impératifs en matière d’interopérabilité. Il s’agit de créer une synergie optimum entre toutes ces ressources dissemblables afin de les mobiliser efficacement en vue d’obtenir l’effet recherché. Egalement, à une échelle supranationale, cette interopérabilité est d’autant plus nécessaire que la lutte anti terroriste s’inscrit de plus en plus dans une logique de mutualisation de moyens et de coopération, tant à l’échelle régionale qu’internationale.

Une coopération sécuritaire transfrontalière active.

La Mauritanie a vite compris que dans notre monde globalisé d’aujourd’hui, les menaces et les risques transfrontaliers requièrent des réponses sécuritaires transnationales et exigent des démarches multisectorielles intégrées. C’est à cette tâche qu’elle s’est attelée en prenant, par exemple, l’initiative de la création du G5 Sahel dont elle abrite le siège principal à Nouakchott. Aujourd’hui, son engagement fort dans le volet militaire de la vision stratégique de cette organisation régionale, et la contribution de ses FDS à la Force G5 Sahel en cours de montée en puissance, constituent, pour ses dirigeants, un impératif pour combattre le terrorisme, la criminalité organisée ainsi que les situations génératrices de crises ou de conflits propices au développement de ces phénomènes dans la région du Sahel. La participation de contingents mauritaniens aux forces onusiennes de stabilisation et de maintien de la paix en Cote d’Ivoire, en République Centrafricaine ou dans d’autres régions du monde, s’inscrit également dans la même logique.

 

La politique de la Mauritanie en matière de lutte contre le terrorisme  et contre les menaces et risques y afférents est citée en exemple dans la région. Et pour cause : ses résultats sont perceptibles, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Les citoyens et responsables mauritaniens constatent avec beaucoup de fierté la raréfaction des attaques terroristes contre leur pays dont les dernières remontent à 2011. Des instituts d’étude stratégiques sérieux dont le prestigieux Institute for Economics and Peace (IEP) donnent une bonne image de la Mauritanie comparativement aux  pays touchés par le terrorisme. L’IEP, dans son rapport annuel,  GTI ( Global Terrorism Index)  portant sur l’année 2016, la classe dans la zone « no impact » ( impact nul). Le Quai d’Orsay, lui aussi, a sensiblement amélioré sa perception de la sécurité en Mauritanie en sortant les principales parties de son territoire à vocation touristique, des « zones rouges » considérées  par le gouvernement français « régions à grands risques ».

Cependant, comme le «risque zéro » n’existe pas, et sachant que le terrorisme est imprévisible, qu’il frappe souvent là où l’on s’y attend le moins, le pays ne doit pas baisser de garde. Bien au contraire ! Son système de veille stratégique et son système de défense et de sécurité en général doivent s’améliorer et se renforcer sans cesse. Leur entretien et leur développement doivent être poursuivis pour permettre, chaque fois que nécessaire, au lieu et au moment voulus, d’obtenir les réponses adéquates en matière d’anticipation et de réaction contre le terrorisme et les menaces et risques y afférents.

 

Colonel (E/R) El Boukhary Mohamed Mouemel  

Président du COTES ( Centre Oum Tounsi pour les Etudes Stratégiques)

Source: Vision Mauritanie, n° 1.

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