La chasse est une pratique profondément ancrée dans la mentalité et le comportement des Mauritaniens, bien qu'elle soit déclarée illégale depuis les premières années de l'indépendance du pays. À l'époque, les gens la pratiquaient avec une certaine prudence – pour ne pas dire clandestinement.
Cependant, elle était répandue parmi les chasseurs professionnels et d'autres personnes qui, comme eux, se livraient au commerce de la viande d’antilopes et d'outardes. Les fonctionnaires de l’Etat, civils comme militaires, n’y échappaient pas non plus : gouverneurs, préfets, commandants et membres d’unités militaires, de brigades de gendarmerie ou de la garde… déployés à l’intérieur du pays, se livraient à la chasse, dans leur garde majorité. Ils la pratiquaient comme loisirs, sans négliger ses apports nutritifs que l’on apprécie bien dans le pays. Beaucoup parmi eux observaient tout de même quelques précautions de vigilance, en matière de discrétion, afin de ne pas trop dévoiler leurs forfaits.
Un laisser-aller et une démission de l’Etat inacceptables !
Aujourd'hui, depuis les années « 80 » du siècle dernier, les praticiens et amateurs de ce type d'activités, économiques ou récréatives, n’observent aucune prudence ou retenue en se livrant à leur passion, dévastatrice de la faune sauvage. Une catastrophe environnementale dont beaucoup de nos citoyens se réjouissent bêtement, alors qu’il s’agit d’un processus d’extermination d’animaux sauvages déjà largement décimés par la sècheresse, mais aussi par les trafiquants et les terroristes !
Antilopes, outardes, lapins en sont les premières victimes. Les deux premières espèces sont en voie d’extinction. Pour les préserver, l’Etat a fait appel à l’aide étrangère pour les réintroduire dans le pays, alors que des concitoyens s’amusent à les massacrer !
Et ceux qui s’adonnent à ce genre de crimes écologiques ne s’en cachent pas : ils le font ouvertement, au vu et au su de tout le monde. Pire : ils s’enthousiasment à faire circuler des vidéos, qui deviennent virales, ventant leur action, le bonheur, la joie et le plaisir que cela leur procure.
Manifestement, les auteurs ignorent totalement le caractère délictueux et dangereux de leur forfait. Et c’est normal ! Comment pourraient-ils, en effet, voir les choses autrement, dans la mesure où le laisser- aller est la règle, alors que les autorités publiques démissionnent totalement, si elles ne sont pas complices !
Dans ces conditions, les crimes ou délits de braconnage deviennent légitimes aux yeux des populations et atteignent, en conséquence, des proportions qui nous interpellent, tous. Et en premier lieu l'Etat, qui doit prendre ses responsabilités et agir vite.
Une bonne lueur d’espoir
La vidéo des braconniers évoquée précédemment a choqué au plus haut niveau de l’Etat. Le président Ghazouani s’en est saisi, et il n’a pas mâché ses mots. C’était il y’a trois jours, à Timbedra.
Il est le premier chef d’Etat mauritanien à briser l’omerta, à aborder publiquement le phénomène du braconnage, ses dangers pour le pays, l’inconscience et l'irresponsabilité de ceux qui s’y livrent. Espérons que son message inaugure une nouvelle ère écologique qui se traduira par la mise en place d’une stratégie environnementale volontariste et efficace.
L’un de ses axes prioritaires sera la préservation et le développement de la faune et la flore sauvages. Un domaine d’intervention urgent qui requiert l'ouverture rapide d'un large front.
Dans un combat pareil, aussi complexe qu'inédit en Mauritanie, les premières lignes de contact, pour relever les défis, auront pour noms trois verbes d'action : éduquer, sensibiliser et réorganiser.
Cela passe naturellement par l'engagement de deux grand chantiers:
- la réactivation, la diffusion à large échelle, l’explication, le dépoussiérage et la remise à niveau des textes juridiques et règlementaires en vigueur;
- la revalorisation et la réorganisation des structures et outils dédiés à la protection de la faune et la flore sauvages.
( à suivre).
El Boukhary Mohamed Mouemel
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