Hommage aux maîtres de nos maîtres... Hommage à mon maître

Mohamed Salem Ould Adoud

Magnifiquement fascinant ! Chapeau bas, Mmes et Mrs  les membres de l’équipe qui a réalisé le documentaire suivant. Et merci à Mauritanie & Cultures qui l’a mis sur sa page face book

  J’adore particulièrement comment les auteurs ont filmé les mouvements joyeux et la symapthique course que mènent ces gamins, chacun se lançant à toute vitesse derrière un pneu qu’il pousse de toutes ses forces, le faisant rouler à toute allure devant lui. Le vent aidant, la cadence rapide de leurs pieds nus au contact d’une poudre de sable mouvant soulève de petites vagues de poussière ocres.De mignons nuages au ras du sol qui s'apparentent à un beau coucher de soleil aux couleurs de flammes d’amour, je trouve.

  Cette scène ludique, agréablement attachante, n’est cependant pas la seule séquence qui m’a séduit ou interpellé.

Bien sûr que les cités historiques mauritaniennes sont fascinantes. S'en occuper est tout aussi passionnant. Le film le montre parfaitement bien en braquant ses projecteurs sur les trésors qu’elles recèlent. Les risques que courent ces trésors, notamment les manuscrits, y sont bien décrits. Les efforts entrepris par leurs proprietaires pour leur conservation me font songer à la place qu’occupent aujourd’hui les villes anciennes, leur sauvegarde et leur développement, dans la politique culturelle de la Mauritanie.

En y réfléchissant, je découvre que je suis envahi d'un mélange indescriptible de sentiments contradictoires, fait à la fois, de satisfaction et de soucis, d'incertitudes et d'assurance, d’espoirs et de craintes. Paradoxalement, d’un côté, j’adhère entièrement à l’effort engagé par l’Etat, à cette louable expression d’intérêt, qu’il manifeste avec force pour le sauvetage d’un patrimoine national aussi précieux que menacé. De l’autre, je me demande si la gravité et l’ampleur des défis et enjeux n’exigeraient pas davantage, avec cette question qui revient toujours à l'esprit : comment faire autrement pour garantir des résultats meilleurs ?

J’avoue que je n’ai pas de réponse.  

Personnellement, je n’ai pas beaucoup connu de manière directe ces célèbres cités menacées d’ensevelissement, comme : Chinguetti, Tichit, Walata... Mais ma mémoire en est pleine, autant que notre subconscient collectif qu'elles captent et meublent depuis fort logtemps. Ce sont elles, en effet, qui ont fourni les maîtres lointains et proches de nos maîtres contemporains, de ces ulémas qui nous ont enseignés dans les méhadras comme dans l’école moderne. Nous avons souvent tendance à oublier le rôle qu’ils ont joué dans l’enseignement public. C’est l’occasion de le rappeler ici : les premières générations d’enseignants et d’instituteurs arabes dans la Mauritanie moderne étaient tous issus des « mahadras ». Les magistrats locaux, cadis, en proveneaient également. Eux aussi se livraient, tous, aux activités éducatives, sous une forme ou sous une autre.

 Je salue l’hommage que rend le documentaire à tous ces éducateurs et aux « mahadras » en la personne du maître, du sage, qu’il présente à la fin de la vidéo en diffusant ses jolis propos de pédagogue musulman : les beaux messages de tolérance et de modération constituent effectivement ‘’la marque de fabrique islamique'' de cet homme au regard toujours plein de bonté. 

Néanmoins, mon enthousiasme cache mal un peu de gène ou plus précisément une certaine interrogation : pourquoi dans leurs commentaires, les auteurs de ce magnifique reportage télévisuel ne donnent-ils pas le nom de cet érudit, de ce grand homme religieux à l'esprit ouvert, qu'ils ont interviewé ? Il y a certainement une explication à cela : penseraient-ils, par exemple, qu’en Mauritanie, comme dans d’autres parties du monde, les gens reconnaîtront forcement Mohamed Salem Ould Adoud, sans qu’il y ait besoin de leur dire: « c’est ould Adoud que vous voyez à l’écran».

«Le marabout », comme lui-même aimait se définir, nous a quittés le 29 avril 2OO9. Comme son père, Mohamed Ali Ould Adoud, lui et ses frères étaient les maîtres de mon maître, Sidi Abdellah, dont je commémore avec énormément de tristesse, aujourd'hui vendredi 29 janvier 2016, le 9ème anniversaire de sa disparition, avec 3 jours de retard. Qu’Allah le Tout Puissant l'accueille, lui et ses maîtres et toutes les générations successives de maîtres de leurs maîtres, dans son vaste paradis (رحمة الله عليهم جميعا ). 

J’implore également le Bon Dieu pour qu’il protège la belle richesse culturelle et artistique qu'ils ont su construire et accumuler à travers l'histoire. Préserver un tel legs est en effet un enjeu de taille. Serions-nous à la hauteur du défi ?

El Boukhary Mohamed Mouemel

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