Econonie et Finances: La SCAPP aura-t-elle plus de chance de succès que le CSLP ?

Hamédine Ndiaye Kane - Ancien cadre du Ministère des Finances - Acteur de la société

CRIDEM- Cette question pourrait paraître insolite, à première vue, mais si on se place sous l’angle de la gestion antérieure des volets du Cadre stratégique de Lutte Contre la Pauvreté(CSLP),la réponse à cette interrogation pourrait revêtir tout son sens ; car au plan de la gouvernance économique et financière on peut noter que la Mauritanie avait déjà bénéficié entre 2001 à 2015 d’une importante manne financière au titre des projets inscrits dans ce vaste programme économique et social, approuvé par le Club de Paris

Le CLSP est arrivé, maintenant, à son terme le 31/12/2015après avoir été mis en œuvre par trois plans d’actions séquentiels de cinq ans sans qu’on ait pu évaluer, régulièrement, ses retombées sur nos populations.

Sans chercher à mesurer d’ailleurs l’impact de ce vaste programme économique et social sur la lutte contre la pauvreté en Mauritanie (démarche qui incombe normalement à nos parlementaires dans le cadre de leur mission classique de contrôle de l’action du gouvernement) je me focaliserai essentiellement, dans cet article, à l’occasion du lancement d’un nouveau plan stratégique de développement économique et social, baptisé :

Stratégie de Croissance Accélérée et de Prospérité Partagée (SCAPP), sur un seul sujet qui est rarement abordé dans nos débats internes et qui porte sur la lancinante question de la capacité de notre Administration à absorber, dans les délais conventionnels, les financements obtenus des bailleurs de fonds.

Au cours de ces dernières années, le portefeuille des projets inscrits au Programme d’Investissement Public (PIP) ayant atteint leur maturité et obtenu des financements sur le Budget Consolidé d’Investissement (BCI) n’ont pas été, souvent, totalement réalisés en raison de multiples contraintes dont les plus connues sont, entre autres, la pesanteur de nos procédures de travail (procédures d’élaboration des Dossiers d’Appel d’Offres (DAO) et de passation des marchés publics très longues) ; le manque de ressources humaines qualifiées (faible maîtrise des mécanismes de gestion technique des projets par certains cadres). Ces facteurs de blocages sont loin d’être exhaustifs, mais j’en rappelle seulement ceux-ci pour mémoire

Si nous tirons les leçons plus récentes retenues du dernier séminaire de lancement de la revue des projets de la Banque mondiale, organisé le dix-neuf mars 2016à Nouakchott, nous constatons que notre Administration traine toujours le pas dans l’exécution de certains projets dont les financements sont pourtant disponibles.

On peut à cet égard rappeler les propos pertinents de Mr Gaston Sorgho, représentant en Mauritanie de la Banque Mondiale qui souligne, entre autres, en ces termes : « l’intérêt qu’accorde son institution à cette revue, va permettre d’étudier les détails des différents projets et les contraintes qui entravent leur mise en œuvre »

Cette revue revêt donc une importance majeure, car elle vise à dresser l’état des lieux de l’exécution d’une importante enveloppe de 100 Milliards d’ouguiyas mise à la disposition de la Mauritanie et destinée au financement de 16 projets couvrant des secteurs vitaux tels que : la formation, l’emploi, la protection sociale, le développement institutionnel, la bonne gouvernance, l’énergie, l’environnement et les communications.

Cette revue de nos projets par la BM loin d’être considérée comme un exercice anodin, ressemble fort bien, à nos yeux, à un signal d’alarme invitant, courtoisement, notre pays à utiliser dans les délais qui lui sont impartis le financement mis à sa disposition pour éviter son report ou son annulation !

En tant qu’acteur de la société civile, soucieux de la bonne gouvernance de l’économie mauritanienne, je me félicite, néanmoins, du lancement de la nouvelle SCAPP par le Ministère de l’Economie et Finances, plan stratégique qui prend le relai, pour les quinze prochaines années 2016 à 2030, du CLSP.

Au moment où un large débat est ouvert, auprès de l’opinion publique nationale et des partenaires au développement de la Mauritanie, autour de cet important document programmatique, nous saisissons l’occasion pour formuler quelques modestes recommandations afin d’améliorer les règles de pilotage, administratif et technique, de ce programme :

Si la bureaucratie excessive était l’une des causes majeures des difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des différents plans d’actions du CSLP, nous devons éviter, pour la SCAPP, de répéter les mêmes erreurs du passé ; celles-ci sont nombreuses et sont bien connues de nos cadres.

Pour sortir de la bureaucratie routinière, notre Administration doit être performante, c’est-à-dire observer des normes de gestion tirées non seulement des recommandations du plan national de bonne gouvernance (PNBG) que notre pays avait adopté en 2004, mais aussi chercher à renforcer les mécanismes de coordination entre les ministères sectoriels et l’autorité centrale. 

C’est le défaut justement de fonctionnement de ce mécanisme itératif, entre nos structures opérationnelles, qui a toujours limité l’action de nos gestionnaires publics dans la mise en œuvre des axes du CSLP

Pour résoudre, en partie, cette difficulté qui apparaît souvent comme une entrave à l’action des managers publics, le PNBG préconise un mécanisme de coordination entre les différentes structures de l’Etat ayant en charge la mise en œuvre des politiques publiques sectorielles ou multisectorielles.

Ce mécanisme de coordination est déjà prévu par l’art 15.du décret075.93, du 6/6/1993 fixant les conditions d’organisation des administrations centrales qui stipule :« Il est institué dans chaque ministère un Conseil de Direction chargé du suivi de l’état d’avancement des travaux du Département.

Le Conseil de Direction est présidé par le Ministre ou par délégation, le Secrétaire Général. Il groupe le Secrétaire Général, les Chargés de mission, les conseillers techniques et les Directeurs et se réunit, obligatoirement, une fois tous les quinze jours ». 

Cette prescription règlementaire est malheureusement perdue de vue par certains départements et son respect permet à chaque ministre d’exercer une certaine pression sur son personnel pour le suivi et l’évaluation des plans d’actions annuels de son département.

Pour la mise en œuvre prochaine des volets sectoriels de la SCAPP, il importe donc d’activer ce dispositif de coordination entre les différents acteurs de ce vaste programme économique et social et de réhabiliter, au passage, la fonction de Secrétaire général qui est la cheville ouvrière dans un Ministère. 

En terminant cette contribution personnelle qui rentre dans le cadre d’une libre expression d’un acteur de la société civile soucieux de partager avec les pouvoirs publics le processus de validation populaire de la SCAPP, je souhaite une bonne réussite à cet important Programme de développement économique et social qui a pour finalité un partage de prospérité.

Hamédine Ndiaye Kane
Ancien cadre du Ministère des Finances
Acteur de la société

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