Covid 19 : des infos qui manquent en Mauritanie !

Comme partout dans le monde, la Mauritanie fait actuellement face à une terrible vague de Covid 19. Les campagnes vont bon train pour freiner le rythme de la pandémie : sensibilisation, couvre-feu, vaccination… l’Etat met les bouchées doubles.

Comme également partout dans le monde, son engagement est différemment ressenti.  Il suscite craintes et soucis chez certains, espoirs et sens de responsabilité chez d’autres, alors que la majorité de la population affiche une indifférence et une incompréhension qui en disent long sur les déficits d’information sur le sujet.

Une course contre la montre

Ralentir rapidement le rythme de l’infection est un impératif pressant. La vitesse de propagation du variant « delta » et sa dangerosité imposent une course contre la montre que les autorités publiques, à l’instar de la communauté internationale, sont en train de mener malgré les difficultés. Un défi de taille où l’enjeu le plus important réside dans l’adhésion active des citoyens à l’énorme effort sanitaire engagé par le pays. Leur implication constitue, en effet, le facteur de succès le plus déterminant de cette gigantesque entreprise, sans précédent en Mauritanie et dans le monde. Elle conditionne la réussite de deux piliers principaux : l’observation des mesures barrières, et la conduite des campagnes de vaccination.

Pour cela, une bonne information doit être largement disséminée, et en permanence. Un  devoir d’informer à  grande échelle qui vise à porter à la connaissance des populations des données fiables, susceptibles de leur faire prendre conscience de la dangerosité de la maladie, de la gravité de la situation,  et de les éclairer suffisamment sur les voies et moyens pour faire face au danger, sans perdre de temps. Surveiller les trajectoires évolutives de la pandémie constitue un autre aspect majeur de la fonction informationnelle. Il s’agit de mettre au point et de diffuser les indicateurs épidémiques qui permettent d’évaluer, de réajuster ou de corriger, le cas échéant, les plans et stratégies suivies.

Quatre indicateurs épidémiques à scruter...

Depuis l’apparition de la maladie dans le pays, les autorités sanitaires mauritaniennes diffusent régulièrement des informations chiffrées sur la propagation du virus. D’abord quotidienne, la fréquence de diffusion deviendra ensuite hebdomadaire pendant une bonne période avant de revenir à la quotidienneté depuis quelques semaines, avec le développement de la nouvelle vague qui frappe le pays. Cette variation de fréquence de diffusion des données sanitaires n’a cependant pas été accompagnée d’une modification nettement perceptible de leur contenu. Celui-ci porte en permanence sur quelques informations chiffrées dont la nature ne change quasiment jamais. Collectées quotidiennement, elles concernent essentiellement les quantités journalières : de contamination, de décès, de guérisons, de tests et types de dépistage, d’hospitalisation… ainsi que leur répartition géographique.

Ces données brutes devaient normalement être analysées, et les progressions de leurs courbes étudiées, afin de dégager des indications claires et précises sur la situation et les tendances de l’évolution de la maladie dans le pays. Quatre indicateurs sont particulièrement observés de très près à travers le monde, et devraient l'être également en Mauritanie :

  1. Positivité : C’est le pourcentage de résultats positifs, calculé par rapport au nombre total d'examens au cours d'une période donnée. Nous devons reconnaitre, qu’en écrivant ces lignes, nous nous sommes demandés personnellement sur les types de dépistage qui sont pris ici en compte : est-ce tous les tests, ou seulement les tests les plus fiables, comme les PCR ? Si tel est le cas, ceux-ci sont très peu nombreux dans notre pays, comme le montrent les données quotidiennes émises par le ministère de la Santé. En outre, la prudence s’impose quant à la littérature sanitaire disponible sur le Net. Par exemple : pendant la première vague épidémique, chez-nous, nous avons lu dans un document, et l’avions publié et exploité à l’époque, que le niveau de positivité est considéré grave quand il dépasse 2%. Or, une source plus récente[i], explique que le seuil critique de positivité c’est à partir de 10%. Nos autorités sanitaires sont appelées à nous édifier sur la question et nous dire où en sommes-nous par rapport à la valeur retenue.
  2. Taux d'incidence : C'est le nombre de cas pour 100 000 habitants. Il est calculé pour une période déterminée, de préférence pas plus d'une semaine. La situation épidémique est considérée dangereuse si les cas d'infection dépassent 50 cas pour 100 000 citoyens. Nous aimerions savoir comment est-ce que cet indicateur est calculé en Mauritanie. Nous demandons aux autorités compétentes de mette au point et de partager régulièrement des informations utiles à ce sujet.
  3. Facteur de reproduction du virus (évolution : R0) : C’est le nombre moyen de personnes à qui une personne infectée peut transmettre le virus. Il s'appelle : « R0 » , où R=reproduction. Il comporte trois niveaux  :
    • Vert: (R0) entre "zéro" et 1
    • Orange : (R0) entre 1 et 1,5
    • Rouge  : R0 supérieur à 1,5.
  4. Capacité d'accueil des hôpitaux en matière de réanimation : Cet indicateur reflète le niveau de demande en réanimation, ainsi que le niveau de pression sur la capacité d'accueil des hôpitaux dans le même domaine. Il s'agit de la proportion de patients qui sont en soins intensifs ou en unité de surveillance continue par rapport au nombre total de lits normalement disponibles dans un hôpital. Cet indicateur comprend trois niveaux :
    • Vert : taux d’occupation entre 0 et 30 % ;
    • Orange : taux d’occupation entre 30 et 60 % ;
    • Rouge : taux d’occupation supérieur à 60%.

Par rapport à ces quatre indicateurs épidémiques, où en sommes-nous ?

A l’état des données disponibles actuellement, il est difficile de répondre avec précision et exactitude. Les informations publiées par les autorités compétentes ne les traitent généralement pas : ni dans leurs bilans quotidiens, ni dans leurs rapports hebdomadaires auxquels nous avons parfois accès.

Nous estimons néanmoins que nous devrions être bien au-dessus des niveaux de risque autorisés selon les critères normatifs susmentionnés. Il est vrai cependant que les pourcentages peuvent varier d'un indicateur à l’autre ; et nous constatons que les cas de contagion se comptent par centaines dans le pays, alors que les tests de dépistage sont très peu nombreux. C’est-à-dire que la situation risque d’être beaucoup plus grave qu’il n’y parait. Il y a lieu donc de travailler pour corriger ces défauts afin d’avoir des données fiables.

Bien entendu, ces informations épidémiques doivent être communiquées aux citoyens régulièrement. Les courbes montrant les trajectoires de l'infection sont persuasives et leur diffusion constitue d'excellents arguments pour inciter les gens à respecter les mesures barrières et à se faire vacciner.

L’infodémie, un très grand danger !

Réussir les campagnes de prévention et les opérations curatives, contre la covid 19, passe par la diffusion de bonnes informations sur la question et une transparence totale à ce sujet, notamment à propos de la vaccination : Quels sont les vaccins disponibles, et en quelle quantité ? Où et comment les obtenir ? Et que faire en cas de problème ?  Par exemple : le vaccin AstraZeneca est apparemment en rupture de stock dans le pays depuis plus d'un mois. Beaucoup de gens en ont pris une première dose, et il est temps pour eux de prendre la seconde. Que doivent-ils faire face à la pénurie du produit ? Quand et comment l’aura-t-on ? Quelles sont les mesures prises pour que cette rupture de stock ne se reproduise plus jamais, quel que soit le type du vaccin ?

Veiller à la vigilance sanitaire des citoyens, nécessite de les informer correctement, de faire preuve de transparence, et de ne pas laisser le champ de la communication aux mains des sceptiques et ceux qui répandent des fake news et des mauvaises rumeurs. D’ailleurs l’OMS en a fait son cheval de bataille, en identifiant « l’infodémie » comme l’un des plus grands obstacles sur la voie de la lutte contre la covid 19, (voir : L’infodémie, un nouveau front contre la covid-19 en Mauritanie et à l'OMS).

Un énorme handicap qui trouve, malheureusement, un terrain fertile dans notre pays, autant qu'il se propage à travers le monde. Il est lourd de conséquences. Nous devons, tous, en Mauritanie comme ailleurs, être vent debout contre ces menaces de sous information ou d'intox, qui se développent dangereusement à l'ombre de la pandémie.

Menées, sciemment ou inconsciemment, sur le net, par des ''coronasceptiques'' ou par des gens mal informés, il s'agit d'actions nuisibles qui s’intègrent dans ce qui est convenu d’appeler aujourd’hui la ‘’complosphère‘’. Elles touchent et induisent en erreur des pans très larges des populations, y compris parmi les citoyens dépourvus de connexion internet. Les combattre efficacement passe par là : informer correctement, le faire toujours et sans relâche.

El Boukhary Mohamed Mouemel

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