En l’absence de vaccin et de traitement, la covid 19 continue d’imposer sa loi et ses codes qui ne sont pas toujours faciles à déchiffrer. Le monde n’a pas d’autres choix que de vivre avec cette pandémie encore largement méconnue. Il s’agit de mener sa vie, ses activités, le plus normalement possible tout en les réduisant en même temps comme l’exige la prévention contre un virus capricieux que l’on a encore beaucoup de mal à comprendre.
Comme quoi, se protéger et travailler constituent deux tâches antinomiques difficilement conciliables.
En effet, tout le monde, médecins, épidémiologistes, chercheurs, sont unanimes : mesures barrières, distanciation sociale et confinement restent à ce jour les seuls moyens de protection contre la covid 19. Mais le revers de la médaille, c’est que les indicateurs économiques et sociaux font également l’unanimité : réduction drastique des activités, une productivité en baisse si elle n’est pas réduite à néant, récession économique, des chiffres de chômage qui explosent, des taux de pauvreté en hausse…
Dans ces conditions, allier impératifs sanitaires d’un côté, et exigences de développent de l’autre, constitue un sacré défi. Comment faire : confiner ou déconfiner ? Comment trouver le juste milieu entre deux extrêmes ?
Dès de le début de la pandémie, deux à trois camps se sont opposés :
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Ceux qui prônent la protection coûte que coûte malgré les contraintes et conséquences économiques et sociales préjudiciables qu’entrainent le confinement et les mesures barrières. La majorité des Etats adhèrent à ce choix avec plus ou moins d’engagement et de succès. La Chine est la plus rigoureuse en la matière, suivie par les pays d’Asie et d’Europe. La Mauritanie y a souscrit également, à sa façon et son rythme, comme la majorité des Etats africains.
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Ceux, comme le président américain, ou comme son homologue brésilien et partenaire idéologique, qui considèrent que les mesures de protection sont beaucoup plus néfastes que la propagation du virus lui-même. Un virus dont ils minimisent d’ailleurs les dangers et la capacité de nuisance sanitaire. Mais leur attitude connait parfois des fléchissements au fur et à mesure que la maladie progresse dangereusement dans leurs pays qui occupent respectivement les deux premières places mondiales en termes de morts et de malades de la covid 19. Deux faits touchant directement les deux hommes y sont pour quelque chose. Jair Bolsonaro est testé positif au coronavirus et présente des symptômes de la maladie. Donald Trump, lui, voit, chaque jour, sa popularité chuter dans les sondages face à son adversaire démocrate Joe Biden. Le responsable de ce déclin: sa stratégie très controversée face à l’épidémie.
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La troisième vision est en quelque sorte une variante de la précédente. Elle fut portée par le Premier ministre britannique. Boris Johnson réfuta au début les mesures de confinement sans toutefois nier totalement la gravité de l’épidémie. Mais pour y faire face, il préconisa dans un premier temps la théorie de « l’immunité du groupe » ; une politique qui permettra selon ses prévisions d’immuniser la population en laissant le virus se propager jusqu’à un certain seuil : 60% de la population. Il fut personnellement parmi ceux qui payeront assez cher le prix de ce choix hasardeux en développant gravement la maladie. Il y renoncera au bout de quelques semaines. Le 16 mars, le gouvernement britannique change complètement de cap : confinement, distanciation sociale, mesures barrières… deviennent la règle au Royaume-uni.
L’évolution de la maladie et les variations de son rythme de propagation font que les trois approches suivent des trajectoires non linéaires.
Comme la courbe de la covid 19 oscille fréquemment, les réactions des gouvernements et des populations suivent elles aussi. Ils changent de stratégies en effectuant des va-et-vient entre confinement et déconfinement. L’exercice n’est pas aisé mais il est inévitable. Que l’on soit pro ou anti confinement, on est tenu de naviguer, à un moment ou un autre, entre les deux extrêmes.
Au début de la pandémie, les deux tendances se distinguaient nettement : des pays confinaient et y mettaient les bouchées doubles, les autres s’y refusaient totalement.
Puis, avec le recul de la pandémie dans le premier groupe, et les conséquences économiques insupportables que ce recul entraine ; et avec la progression vertigineuse de l’épidémie chez le second groupe, les deux tendances se sont parfois rapprochées. L’instabilité des trajectoires de l’épidémie et ses impacts ont en effet forcé les uns et les autres à des changements d’attitude qui rendent floues les frontières entre les deux visions. On dirait qu’elles renvoient une image d’inconstance des politiques suivies, marquée par des amalgames fréquents entre confinement et déconfinement.
La Mauritanie est touchée par ce mouvement sinusoïdal mondial. Bien que le virus continue de circuler activement au sein des populations, elle vient de mettre un terme au confinement, en levant les restrictions administratives et sécuritaires contraignantes sur le mouvement des personnes et sur les rassemblements. Seules les frontières extérieures du pays y échappent pour le moment. Les Etats de la région font pareille dans leur ensemble. Partout ailleurs, on sort du confinement.
Mais on constate, dans plusieurs régions et endroits déconfinés, un retour inquiétant de la pandémie. Et comme réponse, on revient de nouveau au confinement. Une alternance qui risque de se reproduire fréquemment un peu partout dans le monde tant que l’on n’aura pas mis au point un vaccin contre la covid 19. S’y habituer est un impératif.
Les mesures d’allègement du confinement s’imposent pour réduire les impacts néfastes de la pandémie sur les plans économique et social. Mais en même temps, on constate qu’elles donnent lieu à des comportements de relâchement préoccupants en matière de mesures barrières et de protection contre l’épidémie.
Il est à craindre que cela se traduise en Mauritanie par une forte recrudescence de la pandémie dans les jours et semaines à venir. Dans cette perspective, multiplier les tests aide à contrôler le flux de l’épidémie, pourvue que les dépistages de masse souhaités soient accompagnés de stratégies de riposte modulables suivant l’évolution de la pandémie.
El Boukhary Mohamed Mouemel
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*Cet article devait être publié depuis deux semaines dans un journal en version papier.
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