Ç’aurait été gentil, pour lui, d’abord, de se taire…

Dans un communiqué rendu public le 26 mars dernier, l’ancien président, Sidi Mohamed Ould Cheikh Abdallahi, justifie la rupture de son silence par ce qu’il appelle un péril imminent menaçant notre démocratie. Ce péril se résume, selon l’ex président, dans le recours de l’actuel président, Ould Abdel Aziz, à l’article 38 de la Constitution. Qui, rappelle-t-on, confère au Président de la République d’interroger le peuple mauritanien par voix référendaire sur n’importe quel sujet, qu’il jugerait de portée nationale.

L’ex président voit, semble-t-il,  d’un mauvais œil,  le recours au peuple mauritanien comme ultime et l’unique véritablement  souverain à pouvoir offrir une légitimité bien fondée qu’on ne peut en aucune manière contester. Une consultation d’un peuple libre et souverain que Ould Cheikh Abdallahi ne peut comprendre, ni apprécier. Parce qu’elle sort de l’entendement et de l’appréhension qu’il se fait, qu’il s’est toujours fait, lui-même, de la Mauritanie et de son peuple. Car entre Ould Cheikh Abdallahi et la Mauritanie, la relation n’a jamais été celle d’un amour nourri de quelque veine patriotique. L’homme a abandonné son pays très tôt, pour accepter de se livrer à des petits boulots, qui ne l’élevaient pas vraiment. Lorsqu’au cours de la transition, 2005-2007, certaines forces politiques lui ont offert l’occasion de se réconcilier avec la Mauritanie, en le choisissant comme candidat, dit-on, qui rassure, en le soutenant et le poussant presque jusqu’à la gloire de la plus haute sphère du pouvoir, il ne lui a pas fallu beaucoup de temps pour décevoir et ceux qui l’ont épaulé et la confiance des Mauritaniens. Très tôt, après moins deux années, il a voulu rééditer le système anté-transition, le système le plus honni et le plus destructeur de tous les régimes politiques qu’a connus le pays. Comme par revanche contre sa patrie, qui lui a accordé, pourtant une  chance  inouïe, un rendez-vous glorieux avec l’Histoire. Avec son pays.

Il suffit aujourd’hui de convoquer cet intermède, de l’interroger un peu, et de lire les pages d’histoire que Sidi avait l’intention de réimprimer. Pages faites de faussaires, de fossoyeurs des valeurs morales et républicaines. Pages écrites par des éternels récidivistes, qui ont pillé et torpillés toutes les ressources du pays. Ceux-là, qu’Ould Cheikh Abdallahi avait tenté de ramener aux affaires publiques. Un stratagème qui a été heureusement fortement combattu par sa propre majorité.  

Une crise éclata alors entre lui et les parlementaires. Là, l’homme allait encore se révéler au grand public à travers sa plus profonde et triste réalité. Ce qu’il est, en somme. Ce dont il n’a pu se départir. Les Mauritaniens allaient justement découvrir ce qu’il est dans son âme intérieure. Ce qu’il ne saurait-être, surtout, hélas. Et qu’il n’a pas pu dans les faits, à juste titre. C’est-à-dire, le premier Magistrat d’un pays. Des mauvaises langues allaient même se souvenir à l’époque de son ambition récente, celle qui l’a animé en faveur de la large ouverture politique de cette transition démocratique. Une ambition dont la limite ultime s’arrêtait aux frontières d’un poste électif de conseiller municipal quelconque, qui ferait office dans un bourg au fond de nulle part. De nulle part, entendons-le,  et de l’Histoire et de la petite géographie. C’est dire que tous les prétendants, les imposteurs de tout acabit oseraient se prononcer, aujourd’hui, débiter leurs insanités et inepties, se gargariser des arguties rabâchés et mille fois erronés sur le référendum envisagé. Tous pourraient bien tenter de faire entendre leurs mensonges, au moins, à leur cercle le plus réduit. Sauf Sidi Ould Cheikh Abdallahi ! Puisqu’il s’était ôté toute  crédibilité   possible. En chaque occasion qui lui a été offerte au cours  de son règne, il en perdait de la crédibilité. Avec la nomination du gouvernement des symboles de la gabegie. La crédibilité s’entama fortement. Elle vola en éclat lors de la crise parlementaire. Et ses soupçons de résidus devaient s’éparpiller jusqu’à devenir néant le jour où il essaya de limoger, comme pour répondre à une fronde, pourtant,  démocratique, par quelque procédé bien loin du registre démocratique.

Aujourd’hui, il se permet de tenter de faire entendre sa voix pour dire son inquiétude. Comme si l’actuel président se livre à des réponses similaires aux siennes. Alors que la situation est bien différente et son traitement envisagé et tout aussi différent que constitutionnel. Le président Ould Abdel Aziz entend tout simplement faire  ce que lui confère la Loi fondamentale conformément, en effet, à son article 38, que l’ex président souhaite l’en dissuader et par-delà priver le peuple mauritanien de sa voix, de faire entendre sa décision à l’issue d’un référendum constitutionnellement envisagé. Une pratique, en somme, toute ordinaire, dans toute démocratie qui se respecte. Seulement, l’ex président, on s’en souvient, préfère toujours recourir à des recettes biaisées pour dénouer les  crises constitutionnelles. C’est ce qui fait un peu, entre bien d’autres nuances, la différence entre lui et son successeur.  Les formes, le tact et le bon sens  n’ont jamais été vraiment son fort. Et ses rendez-vous manqués avec le peuple mauritanien viennent de croître encore une fois par cette sortie à la fois inutile pour son auteur et contreproductive pour la démocratie mauritanienne. Il  aurait dû se taire. Le silence lui aurait servi d’allié certes plus salvateur. Mais, l’homme, quoi qu’il fasse, même si on lui offre la République sur un plateau d’or et on le comble de toute la légitimité nécessaire, il est immanquablement rattrapé par une étrange indélicatesse. C’est comme, par exemple, en essayant de régler sa crise parlementaire, en 2008, il préféra s’attaquer à l’outil de défense et de sécurité.

C’est dire que Sidi Ould Cheikh Abdallahi, on a, tout de même, un peu trop appris à le prévoir, trouve toujours une solution, qui  porte, en elle-même, plus de problème. C’est un peu son génie, à lui. Rendre une situation plus complexe. Eloigner le retour à la normalité. On n’y peut rien. Il est fait ainsi, l’homme. C’est dire que la rupture de son silence ne dérange en rien le cours de l’histoire. Et ne l’arrange, lui, d’abord,  pas vraiment.

Sidi Ould Mohamed Abdellahi

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