Radouane Lakdim, l’auteur des attentats qui ont frappé la France ce matin, à Carcassonne et à Trèbes, était bel et bien dans le collimateur des renseignements français.
Cependant, le fait qu’il ait été fiché « S » ou fiché "FSPRT"*, par la DGSI (Direction générale de la sûreté intérieure) n’a pas empêché le drame de se produire. Car, selon le procureur de Paris, François Molins, « aucun signe précurseur pouvant présager le passage à l’acte » par le terroriste n’a été décelé. Quelques moments plus tôt, Gérard Colon, ministre de l'Intérieur, était allé plus loin dans l'incertitude. Embarrassé, il avait répondu aux journalistes avec hésitation en estimant, contrairement aux déclarations du procureur, que le terroriste ne serait pas radicalisé et qu'il aurait agi seul...
La perplexité du ministre français s'explique, entre autres raisons, par une évidence préoccupante : la plupart du temps, le terrorisme frappe aux moments et aux lieux où l'on s’y attend le moins.
Dans ce contexte, il est très difficile de prévoir ou de prévenir le passage à l’acte d’un individu qui commettra des attentats ou autres actions de type terroriste, ou de cerner à temps son profil. Et c’est toute la problématique du traitement du phénomène !
Il est toutefois clair que les forces de sécurité française, à défaut de pouvoir toujours anticiper et empêcher de tels actes, font aujourd’hui preuve d’une capacité de réaction admirable. La rapidité et l’efficacité de leurs interventions doivent servir d’exemple, notamment pour les pays du Sahel.
Dans cette région, dont certaines parties, notamment la Libye et le Mali, sont infestées par le terrorisme dit « islamiste » et par les bandes qui se livrent à la criminalité organisée, tout indique qu’après les défaites militaires qu’ils ont subies au Moyen- Orient et dans d’autres régions du monde, les groupes « jihadistes », Etat Islamique, EI ALQAIDA, Bokou haram… cherchent par tous les moyens à trouver refuge dans la zone du Sahel et à s’y implanter durablement. Et aucun pays de la région n’est à l’abri de ce risque.
Aux menaces liées à l’arrivée de « jihadistes » venant de l’étranger, s’ajoutent les risques inhérents au terrorisme endogène que l’on assimile aujourd’hui à ce que certains appellent « loups solitaires » ou « cellules dormantes ». Deux appellations qui rendent mal compte d’une réalité à l’opposé de leurs énoncés : un terroriste n’est jamais solitaire, il a toujours des liens plus ou moins solides avec une ou plusieurs personnes ; et une cellule terroriste n’est jamais en hibernation, elle travaille activement en cachette.
La Mauritanie, qui n’a pas connu d’attentat terroriste depuis plusieurs années, doit être particulièrement attentive à tout cela : aux menaces terroristes transfrontalières, comme au phénomène du terrorisme endogène. Outre la persévérance dans l’amélioration et le renforcement de sa politique de prévention, qui a fait ses preuves depuis 2011, elle doit également préparer les réponses les plus appropriées « au cas où… ».
Une vigilence qui passe par la mise en place d’une stratégie de moyens destinée à acquerir des capacités de réaction antiterroriste adéquates. Il s’agit de réunir et d'avoir à disposition des outils et des systèmes opérationnels, aussi variés que difficiles à improviser. Ils comprennent les moyens d’intervention militaire, mais aussi les moyes sanitaires, les moyens de soutien psychologique, les moyens de communication de crise, les moyens et systèmes de résilience…
Posséder de telles panoplies ne suffit pas. Il faut également les mettre à l’épreuve régulièrement et s'assurer en permanence de leur fiabilité et leur efficacité à travers des exercices fréquents de mise en œuvre, conformément à un axiome pédagogique bien connu chez les militaires : la sueur à l'entrainement épargne le sang au combat !
Colonel (E/R) El Boukhary Mohamed Mouemel, Président du COTES**
*Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste.
**Centre Oum Tounsi pour les Etudes Stratégiques.
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