Souvent citée en exemple dans la région du Sahel, et par des instituts de recherches stratégiques, par des partenaires internationaux dont l’ONU, l'UE, l'OTAN... et par de grandes puissances occidentales (Etats-Unis, France…), la stratégie de la Mauritanie en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale se nourrit d’une vision qui fait de la coopération et du partage un pilier fondamental.
Le partage des renseignements, des perceptions des risques et menaces, ainsi que le partage des réponses à y apporter constituent un aspect essentiel des domaines d'échanges qu'elle comporte. En plus de ces champs d'invetigation orientés vers l'action, et en plus des données factuelles qui s’y rattachent, le MAEC (Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération) mauritanien, s’engage de plus en plus dans la coopération en matière de réflexion stratégique.
Cette orientation se décline à travers plusieurs faits dont des échanges en matière d’approche globale, établis depuis quelques mois entre le MAEC et l’IFRI (Institut Français des Relations Internationales). Ce fut le MAEC qui a inauguré le processus par une conférence donnée par son patron, Isselkou OuI Ahmed Izid Bih, il y a quelques mois à Paris en satisfaction d'une demande exprimée par l’IFRI qui voulait certainement être édifié davantage sur l’approche sécuritaire de la Mauritanie.
Puis, hier en début d’après midi, à Nouakchott, ce fut le retour d’ascenseur : un expert et haut fonctionnaire de l’IFRI, Alain ANTIL, Responsable du programme Afrique Subsaharienne au sein de ce même institut, a présenté une communication suivie d’un débat, dans la salle de conférences du MAEC. Y ont participé des diplomates et fonctionnaires du MAEC ainsi que quelques chercheurs et experts mauritaniens.
Le thème : les formes de menaces au Sahel et les réponses à y apporter, selon la perception de l’IFRI.
La conférence et le débat se sont déroulés sous la conduite d’un modérateur de la partie mauritanienne : l’ambassadeur Abdel Kader Ould Mohamed, Directeur du Département Europe au MAEC.
Dans son mot d’introduction, ce dernier a souligné l’intérêt qu’accorde son ministère à la coopération et aux échanges avec les instituts de recherches stratégiques en rappelant à titre d’exemple la conférence donnée par son ministre à l’IFRI. Mais il a surtout mis l’accent le thème proprement dit, d’abord, en le situant dans le temps et dans l’espace : « Depuis le milieu des années 2000, a-t-il dit, la bande sahélo-saharienne est touchée de manière de plus en plus récurrente par des phénomènes de violence multiples (terrorisme, groupes armés, trafics, mouvements indépendantistes, groupes d’autodéfense, banditisme…) sur lesquels nous reviendront. »
Puis, il a souligné quelques aspects et notions qui s’avéreront être des points clés de la conférence et du débat : jihadistes et salfistes, trafic et banditisme, radicalisation, régionalisation de la lutte antiterroriste…
Pour sa part, le chercheur de l’IFRI a, en effet, mis en relief des équivoques qui entourent certaines de ces notions au point de les fausser parfois ou de les rendre floues. Il a mis surtout l’accent sur la confusion autour de mots largement employés comme « narco trafiquants » ou « radicalisation »...
Préalablement, il a énuméré les formes de violence en les « catégorisant » en six types : terroristes jihadistes, groupes armés autonomistes, milices progouvernementales, groupes armés d’auto défense ou groupes communautaires, groupes des vigilants, groupes armés insurgés contre le pouvoir.
Assez concret dans la démonstration qu'il a développée lors de cette première partie de sa communication, l'expert français a essentiellement pris des exemples au Mali, au Niger, au Burkina Faso, au Tchad et au Nigéria. Il a rarement cité la Mauritanie, expliquant que, s’agissant des formes de violence au Sahel, notre pays présente moins d’intérêt pour les chercheurs, comparativement aux autres pays de la région. Heureusement pour nous ! Cela doit nous rendre fiers et, surtout, nous inciter à ne pas baisser la garde !
De leur côté, les autres intervenants ont posé des questions et émis des commentaires et observations qui font montre du grand intérêt de l’auditoire pour ce type d’échange en matière de pensée stratégique. Une pensée qui sera encore plus féconde avec l’organisation de débats du même type, en faisant aussi appel aux experts nationaux.
En effet, comme le MAEC vient d’échanger avec l’IFRI, montrant aisi sa capacité à mettre en valeur une expertise étrangère, il doit également envisager la perspective de collaborer avec les nationaux qui ont une expertise dans les domaines de la pensée stratégique. Les autres départements de l’Etats gagneront en suivant son exemple ou en s'inspirant de son expérience dans ce domaine.
En tout cas, grâce au dynamisme de notre diplomatie, une bonne voie est désormais balisée dans notre pays en matière d’échange en vue de développer et de promouvoir une réflexion stratégique mauritanienne. Une voie qui reste cependant perfectible, requérant davantage de jalons plantés aussi bien par des chercheurs étrangers que par des experts et chercheurs nationaux.
El Boukhary Mohamed Mouemel
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