Un légionnaire polygame qui féminise les putschs en Afrique !

Une nouveauté dans les coups d’état en Afrique : ils se féminisent désormais. Une femme militaire, qui porte le grade de lieutenant-colonel, vient de faire une apparition médiatique très remarquée en lisant un communiqué succinct émanant du Comité national du rassemblement et du développement (CNRD). Elle semble occuper désormais les fonctions de porte-parole des putschistes guinéens.

Commentant le fait, une ancienne ministre africaine, active dans les organisations féminines africaines, ironisa, parlant au nom des femmes :

« Il faut bien que l’on goute (nous aussi) aux douceurs qui font courir tous les putschistes. »

Un faible pour le « sexe faible »

En tout cas, si mérite il y a, il reviendrait au chef de la junte militaire guinéenne, le colonel Mamady Doumbouya. Et ce n’est pas le seul signe de l’intérêt qu’il porte pour le « sexe faible ». Une photo et des commentaires qui circulent sur les réseaux sociaux indiquent qu’il a deux épouses : une ancienne gendarme française, mère de ses enfants, et une Allemande.

Sur la même image, les deux femmes entourent leur mari. Mais on constate aussi la présence curieuse d’autres figurants :

  • L’homme à la gauche du colonel Doumbouya et ses deux épouses,  ayant un chapelet accroché  au coup, est- il son marabout ?
  • Et la douzaine de « bérets rouges » qui se bousculent, dans leurs tenues de combat bariolées, pour poser à côté de Doumbouya et ses épouses qui, eux, sont drapés, lui dans un grand boubou et les femmes dans leurs robes ! Pourquoi est-ce que ces soldats sont sur cette photo plutôt familiale ?

Avec de tels comportements bizarres, sur les plans politique et familial, force est de reconnaitre que le chef de la junte militaire fait preuve d’originalité, ou du moins de singularité.  Son parcours d’ancien « mercenaire apatride » y est-il pour quelque chose ?

(Voir : " Le succès d’un ex légionnaire putschiste : quelles leçons militaires pour l'Afrique ?")

Ce n’est pas un nouveau "Big Daddy", mais …

Quelles qu’en soient les réponses, les questions nous rappellent quelque part le caractère extravagant du Maréchal Idi Amine Dada, « Big Daddy »- (paix à son âme). Sur un plan subjectif, l’attrait vers la comparaison entre les deux colosses, est par ailleurs facile si l’on s’en tienne aux apparences physiques. Ils font plus de 2 m et plus de 120 kg, chacun. Très impressionnants par leurs corps de « grands rugbymans », dirait-on, ils suscitent la crainte et forcent le respect, surtout en Afrique où les gens sont admiratifs des gabarits imposants.

Quelques temps avant sa destitution, le président Alpha Condé, s’en vantait devant la presse, en parlant de ses forces spéciales, dans un style qui frise le ridicule. Il évoquait avec un humour empreint de fierté l’attrait qu’exerce sur les femmes le chef du GFS (Groupement  des Forces Spéciales).

Outre l'aspect physique impressionnant chez les deux hommes, ils sont également issus d'armées étrangères aux valeurs morales pas toujous exemplaires selon de nombreux témoignages et faits historiques documentés[i] : l'armée coloniale britannique pour Big Daddy et la Légion étrangère française en ce qui concerne l'officier guinéen. Cet aspect commun de leur parcours militaire ne doit toutefois pas occulter un contraste saisissant à propos de leurs niveaux d'instruction générale et de formation professionnelle. Idi Amin Dada est à peine lettré, tandis que le chef de la junte guinéenne est titulaire d'un master de défense et possède un profil solide en matière de formation militaire supérieure. 

Quant aux manières et visions politiques, des deux géants, ougandais et guinéen, il est encore trop tôt pour établir un parallèle, surtout en ce qui concerne le colonel Doumbouya.

Les modalités de la transition : silence radio !

Cependant, les déplacements de ce dernier, caché dans un engin militaire blindé, entouré d’une forte armada pour sa protection rapprochée, son autoritarisme, sa militarisation brusque et forcée de l’administration territoriale, son maintien de l’ancien président guinéen en prison sans avancer aucune raison… constituent des facteurs d’interrogation qui ne sont pas de nature à rassurer.

Les réserves et doutes à son sujet sont d’autant plus légitimes que le nouvel homme fort du pays observe un silence de plus en plus suspect quant aux modalités d'une « transition politique inclusive et apaisée » en Guinée. Dès les premières heures du coup d’état contre Alpha Condé, il l’avait annoncée, et promis qu’elle aboutira sur l’instauration d’un régime constitutionnel et démocratique. Mais depuis c’est « silence radio » !

Certes les délais de six mois, exigés par la CDEAO, sont irréalistes, voire provocateurs et irresponsables. Le CNDR a raison de les rejeter, comme l'a   déclaré l'un de ses membres. Mais à la place il ne propose rien, se contentant de dire que c’est «au peuple guinéen de fixer sa destinée ». Or, il est à craindre que la junte entende par « peuple guinéen » l’ex légionnaire Mamady Doumbouya

Un tel glissement ne risque-t-il pas d’avoir des conséquences inquiétantes ? Prenant gout au pouvoir, le CNRD et son chef n’auraient-ils pas la tentation de s’y accrocher, en retardant trop la transition, ou en essayant de la contrôler étroitement de manière à rester maitre du pays ?  

El Boukhary Mohamed Mouemel    

 

 

 

[i] Voir : « Décolonisations », un film documentaire de Karim Miské, Marc Ball et Pierre Sigraravelou. Il est en trois épisodes : 1) L'Apprentissage - 2) La Libération - 3) Le monde est à nous.  

   

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