Salek Oulk Cheikh : le parcours d'un djihadiste aguerri

 Plus de deux jours se sont écoulés sur l’évasion en fin de journée du 31 décembre 2015 deSaleck Ould Cheikh de la prison civile de Nouakchott dans des circonstances inconnues. A-t-il creusé un tunnel ? Est-il sorti déguisé en garde ou habillé en femme comme les trois salafistes évadés de la même prison en 2006 ? A-t-il bénéficié d’une quelconque complicité ? 

On en sait rien à ce stade de l’enquête. Interpellé dans la forêt de Feita (Brakna) le 5 février 2011 Ould Cheikh faisait partie d’une caravane de 3 Land Cruiser, dont deux piégés, envoyés par AlQaida au Maghreb Islamique (Aqmi) pour commettre des attentats à Nouakchott déjoués par l’Armée mauritanienne.

Le véhicule qui le transportait avec le Mauritanien Zoubeir désigné kamikaze de l’opération ainsi que le Buissau guinéen Galicia s’est enlisé dans le sable dans la région de Rkiz (Trarza) la nuit du 2 février à l’approche d’une patrouille de l’Armée .

Galicia se fera arrêter aussitôt tandis que Ould Cheikh et Zoubeir tenteront de regagner Podor au Sénégal. Dans leur cavale qui a duré 3 jours, un gendarme qui a eu la malchance de les croiser fut tué dit-on, par Zoubeir, lequel, aurait par la suite préféré mourir que se rendre aux militaires mauritaniens qui avaient débusqué les deux fugitifs. 

Ould Cheikh se rend les mains en l’air, habillé en culotte. Cette image probablement filmée par les militaires a fait le tour de la toile. Quelques jours après, il passe à la repentance sur la Télé publique la soirée du 9 février , exprime son repentir par rapport à la violence qui peut affecter des musulmans innocents et appelle les jeunes dans les groupes armés au Nord-Mali à déposer les armes et à regagner le pays sans crainte . 

Condamné à mort et ne risquant guère de se retrouver face au peloton d’exécution car la Mauritanie applique un moratoire de fait depuis 1987, Ould cheikh s’est marié en prison et a eu un enfant âgé aujourd’hui de 10 mois. 

Ce qui ne le calme pas car il est régulièrement cité dans les mutineries qui secouent la prison civile et particulièrement dans la prise en otage d’un garde en janvier 2015. En mars il envoie une lettre publiée dans des medias annonçant qu’il entame une grêve de la faim car il aurait été torturé par des gardes pénitenciers. 

Qui est-il ?

Court de taille, trapu, teint basané, niveau secondaire, ce jeune ksarois originaire d’Atar est né en 1984. Il s’est radicalisé en 2006 au contact de certains prédicateurs dont Abou Aymane un mauritanien tué en Algérie en 2009. 

Assidu aux prières à la Mosquée d’El Boukhary et aux prêches d’Al-Majlissi il avait ouvert en 2007 une échoppe au marché du Ksar où il vendait les sermons salafistes de Ben Laden, Hafidh Dawsari, Bandar Leteybi et d’autres.

La bicoque propagandiste a été fermée par les Autorités, la même année. Début 2008, une enquête indique qu’il était à Dakar pour une commission pour le compte d’un élément du trio responsable en décembre 2007 du meurtre des touristes français à Aleg, quelques jours avant leur interpellation en Guinée Buissau

Il ne figurait pas parmi les nombreux prévenus arrêtés suite au meurtre des touristes français et au démantèlement de l’organisation «Ansar Allah», en avril 2008. C’est de la Mauritanie qu’il est reparti au Nord-Mali en janvier 2009 dans un bus de la Sonef .

Et il n’était pas seul dans ce bus, qui transportait également deux éléments de la cellule qui allait assassiner l’américain Christopher Legett en juillet 2009. Ould Cheikh intègre Seriyat El Fourghane puis Katibate El Moulthemoune .

Il mène des missions de repérage en Mauritanie et participe à des accrochages avec l’Armée malienne notamment à El Wasre. Par la suite, il a rompu avec Aqmiparce qu’il s’ennuyait dit-on, et s’est installé une bonne partie de l’année 2009 et presque toute l’année 2010 entre le Sénégal et la Guinée Bissau.

C’est en novembre 2010 qu’il a de nouveau regagné les camps d’Aqmi auTegharghar. L’organisation laminée par les raids répétitifs de l’Armée mauritanienne en territoire malien trois années avant Serval et Barkhaneenvisageait de mener une action d’éclat à Nouakchott. L’idée de s’attaquer au Président Aziz envisagée en juillet 2010 a été vite délaissée.

L’élément chargé du renseignement ne transmettait que des dépêches de l’AMI. Belmokhtar et Nabil Abou Alghama ont alors opté pour deux cibles : la Direction Générale de la Sureté et l’Ambassade de France. Deux missions de reconnaissance ont été envoyées à cet effet en septembre 2010. 

Les services mauritaniens étaient au parfum du projet et le suivaient de prés, d’ailleurs, depuis l’achat à Gao de la cargaison de nitrate d’ammonium qui a servi à piéger les véhicules destinés à la mission.

Le 24 janvier 2011 les voitures entament un vrai «Paris-Dakar» en quittant la montagne de Tegharghar entre Kidal et Tessalit en direction de Tabenkort , puisZouiera vers Tombouctou, et Léré, Nampala, Djema, Khayes, Bokodjamé puisSelibay et Arr.

Le convoi emprunte de pistes longeant Mbout, Lexeiba, Foum Legleita, Monguelavant de déboucher sur la route Aleg-Boghé et de prendre une piste vers Rkiz . L’une des voitures s’y enlise et son équipage et sa charge explosive sont neutralisés. La seconde avance vers Nouakchott et se fait pulvériser, la troisième rebrousse chemin et se volatilise. Le projet d’ébranler la Mauritanie vole en fumée !

Que va-t-il faire ?

L’évasion de Ould Cheikh après 5 années de détention semble avoir été savamment préparée mais pourra très mal se terminer. D’abord pour le fugitif, pour sa famille et pour d’éventuelles cellules dormantes ou en recomposition.

Les recherches engagées pour le retrouver le pousseront à adopter deux choix suicidaires : se terrer avec le risque que cela comporte, sinon marcher, marcher, marcher sur des centaines de kilomètres en empruntant des pistes au nord, à l’est et au sud censées l’amener au Mali où la situation n’est plus la même qu’en 2011.

Et tout revient en définitive, au programme de l’évasion elle-même, car il est quasi certain qu’il ne s’est pas enfui pour mener une vie ordinaire et qu’il faudrait donc bien s’attendre à quelque chose d’extraordinaire.

IOMS 

Source : JournalTahalil 

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