Quel langage employer avec le terrorisme : violence ou négociation ?

Faut-il négocier avec les terroristes ? Pourquoi vaincre militairement les groupes armés terroristes, semble de moins en moins à portée de mains ? Je crois avoir trouvé quelques « bonnes recettes » grâce à l’une de mes lectures du moment.

Une réflexion stratégique enrichissante

C’est vrai que l’on peut me rétorquer que l’auteur perçoit les questions et défis géopolitiques sous un prisme « occidental ». Je le concède. Néanmoins, les éléments de réflexion stratégique généraux qu’il propose, me semblent pertinemment édifiants. J’espère qu’Emmanuel Macron et tous les va- t’en guerre les écouteront attentivement. Notamment quand l’auteur écrit :  

 « Les conflits de tous types se sont multipliés depuis la fin de la Guerre froide sans connaître d’issues définitives.  Ils ont tendance à s’éterniser, à s’éloigner de leur raison d’être initiale, et rarement à s’achever par une claire victoire. Cela conduit inévitablement à s’interroger sur l’utilité même de l’emploi de la force armée et sur la victoire, « concept central » des cultures stratégiques mais « réalité fuyante ». Toute guerre a une fin sans qu’il y’ait nécessairement victoire d’un des belligérants. La phase actuelle se caractérise par une incapacité des acteurs, quel que soit leur degrés de puissance, à remporter une victoire décisive leur permettant d’imposer un ordre. Conclure à l’inanité de l’emploi de la force armée, au constat de l’inefficacité des interventions militaires occidentales, reviendrait à oublier la vocation première de la puissance militaire, qui est de pouvoir se défendre.[i] »

Je répondrais : « oui » … puis, « oui » encore !

Pour revenir à mes deux questions , je penche de plus en plus vers un « oui » mitigé comme réponse à la première, et ce à la lumière de la lecture de l'extrait précédent. En outre, comme la quasi-totalité des conflits, les guerres contre le terrorisme finiront inévitablement par des négociations. Les Américains l’ont bien compris en négociant avec les Talibans.

 Au Sahel, les Français gagneraient à faire pareil. En s’y opposant, comme l’a déclaré Emmanuel Macron, ils ne feraient que retarder l’échéance, rater, ou perturber un processus presque déjà enclenché.

 En effet, leurs partenaires maliens et burkinabais, eux, envisagent sérieusement de négocier. Ils déblayent déjà le terrain en direction des chefs du GSIM[ii], comme Iyad Ghali ou comme Amadou Koufa, par exemple.  

Quant à la seconde question, je dirais qu’il va falloir peut-être revoir notre perception du concept de la victoire sur l’ennemi. Quel contenu lui donner ?

Anéantir les groupes terroristes militairement, est-elle la seule voie possible, ou par contre ne faudrait-il pas viser et prendre en compte d’autres objectifs qui tranchent avec la posture exclusivement « guerrière » ?  Là aussi j’aurais tendance à répondre « oui ».

Un autre langage, face aux nouvelles souches du virus...

Dans tous les cas, l’emploi de la puissance militaire reste indispensable dans la lutte contre le terrorisme. Cependant, les sons et les impacts des armes létales ne doivent pas être le seul langage possible entre les belligérants, sur les champs de batailles.

Une telle voie sera d’autant plus indiquée que le virus du terrorisme connait aujourd’hui des mutations en Occident, comme l’a montré l’occupation du Capitole, le 6 janvier dernier, par les supporters de Donald Trump. Ses nouvelles souches : les mouvements extrémistes de droite en générale et les xénophobes et suprématistes blancs en particulier. 

Avec le développement et la radicalisation, de plus en plus poussés et orientés vers la violence, de ces ultra- extrémistes, les autorités des pays concernés seront effectivement amenées, sous la pression des opinions publiques, et par calculs électoralistes, à négocier avec leurs concitoyens terroristes. Sachant que cette perspective se dessine déjà nettement, certains leaders occidentaux, comme le président français, font la sourde oreille aux sollicitations provenant d’ailleurs. Pourquoi accepteront-ils cela pour leurs pays, alors qu’ils voudraient créer des handicaps devant les efforts de négociation avec les terroristes au Sahel ?

Comme quoi, la loi discriminatoire, "deux poids, deux mesures", n’épargne aucun domaine. Le terrorisme n’y échappe pas, selon qu’il soit du Nord ou du Sud.      

El Boukhary Mohamed Mouemel

 

 

[i] Thomas Gomart : Guerres invisibles ; Nos prochains défis géopolitiques. Edition Tallandier 2021, p 51.

[ii] GSIM: Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans.

category: 

Connexion utilisateur