Nouakchott, Ô noble bâtarde… !*

Et la lumière sélénique se déverse en jets lactescents sur les côtes de Nouakchott, se mêlant à la brise marine. La marche inopinée en cette ville de l'errance en devient une ivresse totalement illicite.

Le zéphyr duveteux ne pénètre-t-il pas subrepticement entre tes omoplates, te titille, te hèle, te transporte vers les délices du soir, soir immanquablement ivre de l'intrusion hurlante du vent hybride, mêlé de sable et de nuit enluminée?

À croire que tu redeviens un enfant que chatouille le spectre de quelque sorcière. Une sorcière invisible mais bien présente, là.

Et nous submerge la tendresse du vent qui emmène par les vagues les paroles inexprimées, inécrites d'une poésie aussitôt disparue. Et un chouïa des jubilations des éternelles cascades de l'Archipel des Îles Bienheurées.

Il n'est de ville que toi et de poésie que pour toi.

Les historiettes des bédouins distendent tes nerfs, lorsqu'ils cessent de défier les bouquetins et croulent, raides, à la vue des yeux des gazelles entre les ergs de l'extrême océan !

Et pend au-dessus de toi un toupet des gloires d'Afrique, l'Afrique qui a su garder intacte l'innocence de l'enfant-Homme.

Il n'est d'autre terre que toi, où se mêlent la symphonie du blatèrement chantant aux tam-tam des noirs.

Ni de contrée qui ait condensé les bonheurs de l'existence sublissime, Ô noble bâtarde qui cria à la face du monde et jaillit de la matrice funeste lors d'une naissance naturelle, sans contrat de mariage, ni de sultan au nom duquel seraient frappées et la monnaie et les têtes !

Une ville sans vestiges: point de remparts d'argile lui ceignant la taille, ni de meurtrières à ses minarets, ni de marché aux chevaux.

Ni de cercueils pour souverains, pas plus que de mausolée pour quelque saint, ni d'encens, ni d'ambre, ni de complaintes enchantées.

Mohamed Ould Moine

* traduit de la arabe par Mohamed Yahya Abdel Wedoud.

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