Les Talibans, ce n’est pas un casse-tête!

Au fur et à mesure que les heures passent, depuis la prise de Kaboul par les Talibans, il y a trois jours, l’image que ces derniers renvoient au monde est scrutée à la loupe. Perçus jusqu’à présent, comme des terroristes fondamentalistes, adeptes d’une ligne « sunnite » violente parmi les plus dures, la première sortie médiatique de leur porte-parole a surpris plus d’un, par sa modération. Puis, le calme général et le climat de sécurité, nouveaux, qui accompagnent le déploiement de leurs unités militaires dans les villes, vont dans le même sens. Egalement, leurs ennemis occidentaux, notamment les Américains, les Français et les Britanniques, soulignent leur bonne coopération dans les opérations d’évacuation des ressortissants étrangers à partir de l’aéroport de Kaboul. En outre, avec leurs principaux adversaires afghans, ils sont déjà en négociation, ou entreprennent des démarches en leur direction, pour trouver des terrains d’entente avant de former un gouvernement.

Voilà qui est normalement rassurant quant au message que les nouveaux « vainqueurs » semblent vouloir envoyer au monde. Seulement, les gouvernements occidentaux ne se pressent pas pour leur ouvrir les bras. Ils ne les rejettent pas nos plus. Ils attendent « des actes en plus des paroles », précise le ministre britannique des affaires étrangères ; une condition qu'avance également le gouvernement américain. Or, les actes, les Talibans en ont montré et continuent de le faire. Ne pas le voir et l’estimer à sa juste valeur, et ne pas agir rapidement en conséquence risque d’être lourd de conséquences.

Un adversaire complexe et digne de respect.

L’attitude ambivalente occidentale, ou plutôt hésitante et attentiste, est un aspect de l'embarras, des doutes et interrogations au sujet du comportement à adopter face au retour triomphal des dirigeants « islamistes » afghans qui protégeaient le 1er responsable des attentats 11 septembre 2001. Continuer de les observer sous un prisme binaire est une grande erreur. C’est vrai que le simplisme qui les caractérisait jadis trouvait un écho semblable chez Jorge Bush junior, quand celui-ci avait justifié la brutalité de la campagne militaire américaine engagée en 2OO1 contre le régime des alliés de Ben Laden par la lutte du « bien contre le mal » ! Seulement, la situation actuelle est beaucoup plus complexe. Ce serait un peu une courte vue que de les observer actuellement de cette façon manichéiste, sous un angle binaire. Les gages qu’ils donnent aujourd’hui méritent qu’on les regardee attentivement. Doit-on les croire ou non ?

Poser le problème en ces termes c'est un peu trop simple, aors que les Talibans font preuve d'une maturité politique étonnante.

Se poser les bonnes questions

Il s’agit de lutter, selon les circonstances, contre un adversaire complexe, et non de combattre coûte que coûte « les forces du mal ». Comme partout dans le monde et à travers l’histoire, tout conflit, quels qu’en soient l’objet ou la natutre, se caractérise par les variations de son intensité et, en conséquence, par les fluctuations des rapports entre les belligérants. La guerre contre les Talibans, et plus globalement, la lutte contre le « terrorisme », n’y échappent pas.  On doit se départir de toute perception manichéiste et maximaliste dans ce domaine.  A défaut de pouvoir écraser et anéantir un ennemi redoutable de ce genre, qui s’adapte parfaitement aux circonstances, il y a lieu de le traiter avec respect. Pour cela, il faudra se poser les bonnes questions :

Sous quel angle de lecture, faudra-t-il donc traiter les nouveaux « maîtres » d’Afghanistan ?

D’ailleurs, est-ce que le pays est réellement et totalement sous contrôle des Talibans, d’où les guillemets précédents ? A supposer que c’est le cas, comme l’indiquent les informations dont nous disposons pour le moment, que doivent –ils faire pour que leur victoire militaire s’accompagne également d’une victoire politique ?

Ces nouveaux maîtres sont-ils aussi homogènes qu’on le pense généralement ? Leur discours est-il uniforme ?

 Quels rôles, militaire et politique, jouent les autres acteurs locaux ?

Dans quelle mesure l’attitude de la communauté internationale est-elle aussi homogène à leurs égards ? Et quelles sont les principales tendances qui se dessinent ?

Quels impacts aura la nouvelle situation, politique et militaire, en Afghanistan, sur l’environnement géopolitique régional du pays, et sur la menace terroriste plus généralement ?

Plus précisément, et plus près de nous, au Sahel, quels enseignements à en tirer, et plus particulièrement pour nous Mauritaniens ?

(à suivre)

El Boukhary Mohamed Mouemel 

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