Les fondements de notre Etat moderne

 L’Histoire nous apprend que tout pays ou tout peuple qui ne se convertit pas à la rationalité moderne se voit reléguer dans la catégorie peu flatteuse des Etats arriérés et menacés dans leur existence même, à l’image de la Mauritanie dans cette même période de 2008.

Cette rationalité moderne s’inclinait pour le président Aziz par l’urgence de la construction d’un Etat qui déborde largement le cadre formel institutionnel, si important soit-il, pour impliquer nécessairement des bouleversements radicaux en termes de transformations sociétales, mentales et socioéconomiques, supports indispensables d’une action pérenne.

Les transformations sociales, car la problématique dans notre pays, comme d’ailleurs de tous les Etats de la région,  est d’abord liée aux lignes historiques  des inégalités sociales, incompatibles avec l’émergence  d’un Etat moderne.Tous les régimes qui se sont succédés avant 2008 ont  traité un tissu social, siège de délabrement profond, par le badigeonnage au chloroforme. Alors qu’il fallait remonter, comme s’est attelé le président Aziz dès son arrivée, jusqu’aux ramifications causales de l’inégalité sociale les plus lointaines, les plus complexes et les plus cachées, pour les extirper, et les remplacer par un ordre social et politique plus égalitaire et plus uniforme.

La première dimension de l’inégalité sociale combattue est la persistance des séquelles de l’esclavage qui, malgré quelques tentatives de règlement effectuées avant 2008, sont  restées vivaces. Pour éliminer tout ce qui  portait la moindre empreinte  de ce legs historique odieux, une stratégie vigoureuse de lutte multidimensionnelle institutionnelle, juridique, politique, socio-économique a été mise en œuvre avec succès. Il en est de même de l’élimination des divisions en castes héritées de la société traditionnelle ; divisions, qui ne sont pas, comme d’ailleurs le phénomène de l’esclavage, le propre d’une ethnie, ni  l’apanage exclusif de notre société, mais relèvent d’une étape du développement historique qu’a connue même l’Ancien Régime en Europe.

La seconde dimension de l’inégalité sociale héritée en 2008 est celle du rôle marginal des femmes et des jeunes. Car les sociétés modernes se départagent selon la façon dont elles traitent leurs différenciations internes. Celles du sexe et de l’âge. A cet égard,  un rôle prééminent a été donné aux femmes et aux jeunes comme acteurs incontournables et essentiels dans la Mauritanie d’aujourd’hui. Un conseil supérieur des jeunes a été créé à cet effet ; de même le quota réservé aux femmes a été largement augmenté au niveau du gouvernement, du parlement et de l’administration.

Les transformations de mentalités surannées qui jouent sur le clavier ethnique, tribal et régional, par essence antinomiques avec l’émergence d’un Etat moderne, ont été aussi combattues avec fermeté ; à travers le renforcement de l’unité nationale ; à travers l’affirmation réelle d’un état démocratique et de droit, garant de l’égalité citoyenne entre tous les fils du pays.

Les transformations socio-économiques et culturelles par le biais d’un  Etat développeur et distributeur des fruits de la croissance entre toutes ses composantes. Car la démocratie, contrairement à l’acception alors en vigueur, n’est pas seulement un système politique abstrait et des élections qui en constituent l’expression périodique, c’est aussi, et surtout, un outil de développement permettant aux citoyens de vivre quotidiennement ses bienfaits à travers l’amélioration tangible de leurs conditions socioéconomiques. Plus l’interaction entre état démocratique et développement est assurée, plus la notion de l’Etat s’ancre par effet d’accoutumance comme une nécessité impérieuse dans le subconscient collectif, comme un acquis éminemment vital qui mérite en permanence, de la part des citoyens, défense et sacrifices ; plus aussi toutes les différences statutaires héritées de la société traditionnelle  progressivement abolies.        

Notre pays a pâti, des années durant, de la politique consistant à administrer continuellement des antalgiques à des maux profonds et structurels qui rongeaient  à petits feux  notre société. Il fallait attendre le mouvement du 06 Aout 2008 pour voir se mettre en œuvre une stratégie rationnelle et moderne qui a opéré les transformations sociales, économiques et culturelles requises à l’émergence d’un Etat moderne, développeur et égalitaire. C’est la clé de notre réussite,  le gage aussi de sa durabilité et de son exemplarité.

Docteur AbdallahiOuld Nem

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