Quand, en septembre 2018, le général mauritanien Hanana Ould Sidi en a pris l commandement, il a trouvé une Force conjointe du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad) mal en point. Son quartier général, installé dans la ville malienne de Sévaré, avait été détruit en juin dans un attentat. Les 423 millions d’euros promis par l’Union européenne, l’Arabie saoudite, les Émirats, les États-Unis et la France tardaient à arriver. Le nouveau patron a donc commencé par rendre ses unités opérationnelles et par persuader les bailleurs de débloquer les fonds au plus vite. Depuis 2013, Hanana Ould Sidi était l’adjoint du général Ghazouani, alors chef d’état major mauritanien et désormais candidat à la présidentielle, avec lequel il a été formé à l’Académie royale de Meknès. Aujourd’hui, il semble vouloir appliquer au G5 Sahel la stratégie qui a permis à son pays d’éradiquer le terrorisme sur son sol – la Mauritanie n’a plus subi d’attaques depuis 2011. Une méthode qui repose sur une chaîne de commandement courte, une discipline forte, une présence militaire permanente dans les zones sensibles, un système de renseignement efficace et un lien de confiance avec les populations.
Jeune Afrique: Pourquoi l’état-major de la Force G5 Sahel a-t-il quitté Sévaré pour Bamako après l’attentat du 29 juin 2018?
Hanana Ould Sidi : Quand la décision d’installer le quartier général à Sévaré a été prise, on n’a pas tenu compte de la nature d’une telle structure et des conditions de sécurité inhérentes à l’installation d’un poste de commandement interarmées de théâtre. Sa position isolée au milieu du théâtre d’opérations, sans infrastructures de protection appropriées, loin des bases opérationnelles de ses échelons tactiques, était tout simplement contraire à la vocation d’un poste de commandement qui regroupe les compétences nécessaires à la réflexion, la planification, la coordination et la conduite des opérations. À cet égard, Bamako nous apparaissait comme l’option la plus pertinente. Nous avons mené trois opérations en janvier et février: Sanparga dans la zone des « trois frontières » (Burkina Faso-Mali-Niger), Taama à la frontière entre le Mali et la Mauritanie, et Kinassar à la frontière entre le Niger et le Tchad.
Existe-il encore des insuffisances dans votre dispositif?
Naturellement, il y en a encore, essentiellement liées à la lenteur de la mise en place des équipements et aux difficultés rencontrées sur le plan du soutien logistique des bataillons. De plus, la coopération en matière de renseignement entre la Force conjointe et les forces présentes sur le théâtre des opérations gagnerait à être renforcée.
Comment éviter les exactions à l’encontre de civils, accusés par certains militaires de soutenir les terroristes?
Le respect des droits de l’homme est l’un des principaux axes de ma vision. Nos instructions en la matière sont très fermes, et leur violation sera sanctionnée. L’impunité est terminée! Nous avons dispensé à nos cadres une formation sur le respect de ces droits et la mise en œuvre d’un cadre de conformité. Les suspects arrêtés sont d’abord pris en charge par les éléments de police militaire présents dans les bataillons et qui sont chargés de la judiciarisation des actions de la Force, puis remis aux autorités judiciaires compétentes des pays. Nous suivons de près ces opérations. Au cours de l’une d’entre elles, dans la région des « trois frontières », l’état-major s’est assuré qu’un suspect avait été remis sain et sauf à la gendarmerie. Les civils constituent le véritable enjeu de notre affrontement avec les terroristes. Restons modestes sur notre efficacité immédiate: nos adversaires nous fuient, mais ils se dissimulent parmi les habitants. Nous ne pouvons pas savoir si ce gardien de troupeau ou ce paysan avec sa daba ne sont pas des combattants qui reprendront les armes dès que nous les aurons perdus de vue. Nos bataillons doivent donc assurer une présence permanente sur le terrain, mais aussi apporter protection et assistance aux civils afin de gagner leur confiance.
Le G5 Sahel a une composante militaire, la Force conjointe, et une composante économique consacrée au développement, qui a été dotée en décembre, à Nouakchott, d’un budget de 1,3milliard d’euros. Avancent-elles de concert?
La composante militaire est en avance sur la composante développement, qui suppose, entre autres, la restauration de l’autorité de l’État, le rétablissement des services publics de base (construction d’écoles, de dispensaires) et la création d’emplois dans les zones déshéritées. À Nouakchott, 40 projets d’investissement prioritaire ont été identifiés et devront être exécutés entre 2019 et 2021. Ils constitueront un véritable test pour savoir si l’on peut enfin arracher les racines du terrorisme, car la Force seule n’y suffira pas.
Propos recueilli par Alain Faujas de Jeune Afrique.
Source: Jeune Afrique du n° 3036 du 17 au 23 mars 2019.
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