Ce n'est pas l’extrême droite qui est dangereuse, ni l'extrême gauche, ou d’autres genres d’extrémisme quel qu’en soit par ailleurs leur discours. Ce sont plutôt ceux qui servent de tambour de résonance à ces extrémismes en les diabolisant, les légitimant de la sorte.
Ce ne sont pas non plus les attentats terroristes qui font le plus de mal. C'est plutôt leur surmédiatisation; parcequ'elle contribue efficacement à les reproduire à la chaîne.
Seulement sans ces phénomènes de communication à outrance, comment pourrait-on imaginer la presse et les médias de façon générale à travers le monde ?
En effet, aujourd’hui, pour que l'information circule vite, elle doit-être en grand nombre et attractive, mais pas forcement intéressante. L’aspect quantitatif prime au point de constituer un facteur de « succès » déterminant, notamment pour la presse numérique qui doit produire tout le temps, « 24h/24 », sans discontinuité. Il est également important pour tous les supports qui partagent ou diffusent l’information.
Quelques chiffres pris au hasard sur le web nous donnent des indications intéressantes sur l’ampleur du phénomène. Elles portent notamment sur les emails envoyés, sur les sites web créés, sur les vidéos visionnées sur Internet :
- "Chaque minute, 72h de vidéo sont ajoutées sur YouTube
- 144,8 milliards d’emails sont échangés quotidiennement
- Chaque jour, 822 240 sites web sont créés
- Quotidiennement, les internautes effectuent 4 milliards d’actions sur Facebook.
- Globalement, 90% des données numériques ont été créées durant ces deux dernières années".
On comprend à travers de ces statistiques combien il est difficile de concilier quantité et qualité. Pour contourner le problème, la voie la plus courte à suivre est de recourir à la provocation, au ‘sensationnel’. Une stratégie qui a fait ses preuves. Elle présente l’avantage de passer outre - ou de faire oublier provisoirement - cet équilibre souvent hors de portée.
Il est effectivement difficile d’avoir, d’un côté, des types de produits informationnels limités, mais de bonne facture, et, de l’autre, avoir des quantités abondantes de produits divers et bon marché au moyen desquels on inonde les récepteurs : lecteurs, auditeurs ou téléspectateurs. Avec une telle ‘’surabondance informationnelle’’, on ‘’brouille’’ en quelque sorte les pistes : les clients auront du mal à s’y retrouver, à dégager des repères ou grilles d’évaluation leur permettant de prendre du recul par rapport à ce que proposent les médias.
Cette surproduction et la surconsommation néfaste qu’elle engendre sont à la fois source et vecteur des maladies de l’information que connait le monde aujourd’hui. Elles donnent lieu à une surinformation qui donne lieu à une sous information. Tel est l’essence même de la mondialisation. Elle réduit le monde à un « village planétaire » tout aussi ouvert que cloisonné.
Notre pays, la Mauritanie, n’échappe évidement pas à cette globalisation bien piegeuse en matière des défis de l'information. Pire : il la vit avec des facteurs aggravants. L’étroitesse du marché national de l’information, la faiblesse de notre culture et de notre professionnalisme dans les domaines du journalisme, du traitement et de la maîtrise des techniques de l’information font que nous constituons, en effet, un terrain propice au développement de l’infobésité.
Ce mot composé à partir de la contraction entre « information » et « obésité » désigne la « surcharge d'informations à laquelle nous sommes tous les jours confrontés».
Il s’agit à mon sens d’une maladie aussi grave que l’obésité. Si cette dernière atteint notre physique et l’handicape sérieusement, la première s’attaque quant à elle à notre intellect qu’elle meuble, qu'elle pollue de je ne sais quels produits. Elle est déjà nettement perceptible dans notre pays à travers les supports de l’information numérique qui explosent : leur croissance est exponentielle tandis que leurs contenus se dégradent constamment…
La seule limite à leur multiplication et à la propagation des ‘’trucs’’ qu’ils véhiculent, réside dans les failles ou défaillances observées chez les trois opérateurs fournisseurs de service de télécommunication sur le territoire national. Grâce à eux, les interruptions des connexions et leurs faiblesses réduisent en effet les flux et imposent fréquemment des limites à l’accoutumance des abonnés à cette drogue que constituent internet et les TIC de façon générale. De ce fait nous devons peu-être leur dire :
Merci Mauritel, merci Matel et merci Chiguitel !
El Boukhary Mohamed Mouemel
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