La Mauritanie n’ira pas à la CAN 2017, mais…

Les rideaux sont tombés sur les éliminatoires de la CAN 2017, les seize (16) pays qualifiés sont désormais connus et se préparent déjà pour Gabon 2017.

La Mauritanie ne figurera pas cette fois-ci (encore) parmi les meilleures nations africaines de football qui disputeront la prestigieuse compétition. Seulement force est de reconnaitre qu’il en a fallu de peu pour les Mourabitounes, qui, avec 8 points,  ont terminé deuxième du groupe M derrière les Lions Indomptables du Cameroun.

Qui l’eut cru au moment du tirage au sort lorsque les noms de nos adversaires ont été connus : « C’est la poule de la mort avec le Cameroun, l’Afrique du Sud et la Gambie », disaient les supporters les plus irréductibles des Mourabitounes.

Après la première sortie des protégés de Corentin Martins à Yaoundé devant le Cameroun et malgré une défaite courte inattendue (1-0), tout le monde ou presque a commencé à croire à l’équipe, tellement les Lions Indomptables ont été ballotés chez-eux devant leur public. Pour avoir eu la chance d’assister à ce match, j’ai entendu le Président de la Fédération Camerounaise de Football après la rencontre « dire son étonnement devant cette équipe ». « Ce n’est pas ce qu’on nous avait rapporté à propos de cette équipe et il va falloir être méfiant au match retour ». Bien lui en prit parce que les Mourabitounes pour leur deuxième sortie à Nouakchott ont dominé outrageusement (3-1) les Bafana Bafana, en produisant  un football de qualité et surtout en montrant une grande décontraction dans le jeu.  S’en est suivi une victoire nette devant la Gambie suivie d’un match nul regrettable à Banjul, pour le compte de la 4ème journée de ces matchs du groupe M.

C’était suffisant pour que l’alerte soit au rouge pour les formations de la poule ; et tous les médias internationaux annonçaient déjà la Mauritanie comme l’un des pays qui risquait de créer la surprise. Evidemment l’impact médiatique était tel que l’on parlait partout des Mourabitounes.

Le match retour devant le Cameroun (5ème journée) à Nouakchott constituait le tournant et cela n’a pas échappé à ce dernier qui a fait le déplacement en Mauritanie avec une très forte délégation conduite par le Ministre des Sports en personne accompagné de Roger Milla et d’autres grandes personnalités.  Le match ne fut pas banal parce que les Mourabitounes ont montré de l’envie et surtout le manque de complexe. Seulement, les Camerounais, comme au match aller, ont réussi à inscrire un but contre le cours du jeu qui nous a fait perdre définitivement tout espoir de qualification. Cependant les supporters, malgré leur déception, ont applaudi l’équipe et encouragé les joueurs et le staff. Le dernier match nul (1-1) réalisé en Afrique du Sud était le dernier acte de ce parcours honorable qui nous a rendu beaucoup de fierté et suscite beaucoup d’espoir dans l’avenir.

Certes, on peut avoir des regrets pour avoir perdu deux fois devant le Cameroun par manque d’expérience et de pas avoir gagné en Gambie mais c’est l’apprentissage du haut niveau.  Maintenant on ne doit surtout pas nous suffire de cela parce que la construction des grandes équipes prend du temps et nous sommes sur le bon chemin.

Cependant, certaines mesures s’imposent pour que la dynamique déclenchée par la Fédération Mauritanienne de Football depuis trois ans continue au niveau des équipes nationales qui sont la vitrine de notre football :

1-La généralisation des infrastructures sportives est un impératif pour la promotion du football dans notre pays. Un bon terrain de football permet aux jeunes de montrer leurs capacités dans un environnement adéquat.  L’Etat a investi  pour doter l’ensemble des capitales régionales du pays de terrains de football, la Fédération a obtenu des pelouses synthétiques de la FIFA pour certains stades, mais cela reste insuffisant. Ce sont l’ensemble des acteurs qui doivent participer,  notamment les Mairies qui ont la gestion de ces infrastructures.  Donc  les infrastructures sportives sont un préalable pour la généralisation de la pratique du football.

2. Le championnat national de football de l’élite, même s’il connait une nette amélioration, doit être renforcé afin que les joueurs locaux soient plus compétitifs. C’est d’abord sur eux que nous devons compter pour bâtir nos équipes nationales. Ceci passe par une meilleure structuration des clubs, une réorganisation  qui va permettre aux joueurs d’évoluer et de progresser dans de bonnes conditions. La décision de la Fédération de subventionner les clubs à partir de cette saison devra y contribuer grandement. Cependant, les clubs de leurs côtés doivent avoir l’obligation de participer aux compétitions continentales pour donner à leurs joueurs l’occasion d’acquérir de l’expérience, de progresser physiquement et mentalement,  et à notre football d’être plus compétitif.

3. Evidement que le championnat national de Deuxième division et celui des Cadets font partie des priorités. Ils autorisent l’émergence des jeunes talents et le renouvellement des équipes. Malheureusement Le championnat de D2 dans sa forme actuelle n’est pas adapté aux besoins du marché parce qu’il ne permet pas aux joueurs d’avoir un nombre de matchs suffisants dans les jambes pour aborder le haut niveau. Pour les jeunes, il y a seulement le championnat des cadets encore balbutiant tandis qu’un championnat pour les juniors s’impose avec acuité. Il est bien connu que pour arriver au sommet, il faut commencer par la base, qui est le soubassement. C’est dire le gros travail qui attend la Direction Technique Nationale qui doit s’impliquer encore davantage dans les toutes catégories de jeunes footballeurs. 

4. L’encadrement technique qui joue un rôle important pour la préparation des équipes ne doit pas être choisi par hasard suivant les affinités et les connaissances ou liens personnels,  mais sur la base des compétences. Seuls des entraîneurs bien formés doivent diriger les équipes, loin de toute complaisance et subséquent avec des contrats dûment établis permettant, le cas échéant, de situer les responsabilités de chacun.  D’ailleurs, dans ce cadre, la Fédération multiplie les stages de perfectionnement pour les techniciens ; et c’est une bonne chose, à saluer. Dans le même ordre d’idées, l’Amicale des entraîneurs, « dormante depuis un certain temps », doit jouer pleinement son rôle de nouveau.  

5. L’arbitrage doit avoir un rôle central dans le développement de notre football. De bons arbitres donnent une allure à une rencontre et poussent les joueurs à se surpasser. Par contre, de mauvais arbitres faussent l’esprit de compétition et allant  même jusqu’à conduire des joueurs à oublier qu’ils sont sur un terrain de football. Il convient donc qu’ils soient conscients du sens de leur responsabilité. Ils sont appels à se remettre en question après chaque match.  Les dernières performances de nos internationaux au test Cooper prouvent qu’il reste beaucoup de choses à faire. D’ailleurs la Fédération Mauritanienne de Football, qui vient de coopter un ancien arbitre algérien à la tête de la Commission des Arbitres, a bien compris l’intérêt de professionnaliser ce corps.

6-La presse sportive, l’un des piliers de la promotion du football dans notre pays, joue un rôle important depuis de nombreuses années. Elle gagnerait cependant à se  professionnaliser davantage. Tout d’abord, la recherche sensationnelle ne doit pas être son meilleur « morceau », mais plutôt, et essentiellement, la promotion des joueurs, des équipes et des acteurs. Les critiques objectives susceptibles de faire progresser sont les bienvenues. Les journalistes doivent aussi prendre le temps de s’informer pour mieux informer. Evidemment ceci passe nécessairement par des perfectionnements et des formations que la Fédération Mauritanienne de Football se doit de chercher pour mieux tirer l’ensemble de l’attelage.

6-Enfin, je veux parler des staffs des équipes nationales de football qui doivent capitaliser tous les points énumérés plus haut.

S’agissant de l’équipe Nationale A, Corentin Martins, Moustapha Sall et compagnie, ont fait un bon travail. Deuxième de la poule 13 avec 8 points derrière le Cameroun, devant l’Afrique du Sud et la Gambie, elle a réalisé un résultat honorable. Seulement, on aurait pu faire mieux en étant mieux préparé au niveau du groupe. Certains joueurs n’ont pas répondu à certaines convocations (Adama Bâ par exemple), d’autres n’ont pas été performants à certains postes, etc. Ce sont des choses qui arrivent dans une équipe nationale. Cependant grosso modo, on peut dire que Corentin Martins  a réussi à mettre en place une équipe qui joue au football et cela constitue un acquis important. Toutefois, on peut lui reprocher de ne pas être souvent présent en Mauritanie surtout au moment où les joueurs locaux préparaient les éliminatoires de la CHAN 2016.  Aujourd’hui, il doit en tirer les leçons et travailler encore plus sur le local (son contrat sera certainement reconduit). Pour cela, plus de présence en Mauritanie s’imposera désormais. C’est, en effet, en suivant régulièrement les compétitions locales que le déclic se fera, comme a dit Claude Le Roy à son arrivée au Togo.  

Quant aux équipes des jeunes, les staffs choisis ont beaucoup de choses à faire pour mieux encadrer les jeunes talents. C’est d’ailleurs  le créneau qui va permettre à nos équipes nationales de continuer à exister réellement avec des joueurs formés et surtout bien préparés. Pour cela, la Fédération doit choisir des entraîneurs des jeunes qui ont la passion et l’envie de former.

Evidemment que pour accompagner l’ensemble de ces suggestions,  l’aspect financier est primordial ; et cela relève de l’Etat mais aussi et surtout de la capacité des sportifs à convaincre et faire honneur au pays pour faire du football notre premier ambassadeur dans le monde. Nous sommes sur la bonne voie mais nous devons continuer à travailler beaucoup, sachant que les autres pays ont les mêmes ambitions ou même plus que cela. 

Mohamed Feily dit Antar

 

 

 

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