La Mahadra (suite et fin): Un pan entier de la mémoire de notre campement fut perdu./ par: Isselkou Ahmed Izidbih

Au niveau de notre campement, la prise en charge matérielle des apprenants «étrangers», s’effectuait suivant plusieurs modalités; ceux dont les familles disposaient de ressources suffisantes, ramenaient des provisions en nourriture non périssable, des produits de troc, de l’argent liquide et parfois une vache ou une chamelle laitières. D’autres étaient tout simplement «adoptés» par des familles du campement qui les traitaient au même titre que leurs propres enfants. Une troisième catégorie d’apprenants, bénéficiait de la générosité «ambiante», car les familles envoyaient directement et en fonction de leurs possibilités, des aliments au groupe des apprenants; lors des cérémonies sociales, un animal devait être offert aux apprenants. Dans les cas extrêmes, la norme sociale ne blâmait pas totalement les apprenants affamés, lorsqu’ils sollicitaient la nourriture là où elle se trouvait… Il reste à ajouter qu’à cette époque, ce véritable Crime contre (toute) l’humanité qu’est le (réchauffement) dérèglement climatique n’avait pas encore asséné ses irréversibles agressions abjectes au « Hodh heureux » dépeint dans la poésie sublime d’Elkevieu Ould Bouceif, dernier chef politique du premier des émirats mauritaniens...

La Mahadra représente un système d’éducation et d’érudition exceptionnel, car, sur le plan historique, le milieu nomade se prête difficilement aux contraintes de la culture savante. Ce système exigeant a valu à Bilad Chinguit, l’une des appellations de l’actuelle Mauritanie, d’avoir servi de pont spirituel et cultuel interafricain, abrité de grands empires et produit certains des esprits les plus brillants de l’ère culturelle arabo-musulmane, au point d’y être connu sous l’appellation flatteuse de «pays du million de poètes». 
Lorsque, plus tard, j’ai appris, qu’à la faveur du départ de l’Erudit, pour Médine en Arabie saoudite, désirant y finir ses jours, par piété, les précieux manuscrits furent, en grande partie, détruits par les termites, alors qu’ils étaient entreposés dans une chambre de la «Cité du ciel», ainsi appelée en raison de son érection sur le plateau, juste à l’Ouest du lieu-dit Ahmed Yengé, j’ai compris qu’un pan entier de la mémoire de notre campement fut perdu, et ce en dépit du fait que certains des manuscrits en question soient disponibles, y compris en versions imprimée et électronique, car aucun spécialiste ne pourra jamais reconstituer les précieuses notes portées sur les marges des spécimens concernés, par leurs détenteurs successifs.

 

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