La guerre en Ukraine : gagnants et perdants...

A écouter la presse occidentale, on dirait que Vladmir Poutine a perdu la guerre en Ukraine. Bien qu’il soit trop prématuré d’affirmer ou d'infirmer une telle assertion, le président russe ne semble pas sur la voie de la victoire. Au contraire. Le chef du Kremlin est en effet loin de maitriser « l’infoware » (infoguerre[i]). Or, aujourd’hui, la communication est l'instrument le plus déterminant en géostratégie.

Ce qui, à contrario, ne veut pas dire que ses ennemis, les Américains et leurs alliés occidentaux, sont sur le point de vaincre. 

Certes, ils ont donné un coup d’arrêt aux séries de victoires rapides, réalisées par les forces adverses dans les deux ou trois premiers mois du conflit. Depuis, c’est plutôt l’euphorie triomphaliste des Ukrainiens que les Occidentaux mettent en avant. En outre, le front occidental contre ‘’l’envahisseur russe’’ s’est renforcé au bénéfice des Etats-Unis. Cependant, il y a l’autre revers de la médaille : la politique commune de défense européenne n’avance pas, des voix s’élèvent dans le ‘’Vieux continent ‘’ contre le financement de la guerre… Elles sont encore faibles et quasiment inaudibles. Mais, au fur et à mesure que l'enlisement s'installe sur le front ukrainien, elles ne manqueront pas de s’intensifier et s’étendre, au point de peser sur les choix des décideurs politiques.

D'autres acteurs en profiteront. Qui sont-ils ?

La Chine est le premier pays qui viendrait normalement à l’esprit.  Sauf que la pandémie de Coronavirus constitue un casse-tête pour le régime chinois.  Entre la politique de « zéro covid » et la levée totale des restrictions sanitaires, les autorités de Pékin peinent à trouver le bon chemin qui puisse à la fois contenir la propagation du virus et permettre la relance de l’économie. Le problème est à priori conjoncturel. Néanmoins, ses impacts risquent de présenter des entraves et perturbations structurelles qui s’installeront dans la durée.   Sur un autre front, plus classique celui-là, leur forte intransigeance, sur la question de Taiwan, risque d’être tempérée quelque peu par ce que l’on observe en Ukraine. Les autorités chinoises maintiendront leurs pression et gesticulations militaires pour intimider les Taiwanais et leurs alliés. Seulement, elles réfléchiront beaucoup avant de déclencher un conflit armé de haute intensité contre l’ile.

Il reste d’autres pays émergents, comme la Turquie, le Brésil, l'Inde, l’Afrique du Sud… qui ne manqueront pas de tirer profit de la situation géopolitique en cours de développement.

’En dehors de ceux-ci, qui d’autres, notamment parmi le monde arabe’’, me suis-je demandé ?

Deux pays me donnent l’impression de faire beaucoup en matière de stratégie d’influence : le Qatar et le Maroc. Mais leurs moyens sont-ils à la hauteur des ambitions qu’ils affichent, ou qu’on leur prétend ?

Pour Doha, il s’agira surtout de maximiser les résultats, en termes d’image, de l’organisation de la dernière coupe du monde de football. Ce que le régime fait déjà depuis quelques années avec pas mal de succès, grâce notamment à sa chaine Al Jazeera. Cette dernière qui constitue l’un des principaux vecteurs médiatiques de la guerre ukrainienne et des conflits et crises qui secouent le monde. Sa ligne éditoriale, ‘’ libérale’’ en apparence, reste en parfaite adéquation avec les intérêts du régime en place. Sur ce point, la chaine qatarienne ne fait pas preuve d’originalité : les autres chaines et médias internationaux (CNN, RFI, BBC, France 24…) servent les politiques de leurs pays respectifs.  Les autorités qatariennes s’attacheront en outre à minimiser les incidences économiques et financières de l’évènement que le petit Emirat a subies à cause des dépenses énormes que cela lui a coûté. En l’absence d’exigence de transparence dans ce domaine, elles n’auraient pas trop de difficultés à s’en accommoder.

Les Marocains, eux, s’emploient activement sur la scène internationale. Bien entendu, le dossier du Sahara Occidental et le conflit quasi permanent avec l’Algérie sont au centre de leurs préoccupations. Cependant, les ambitions géopolitiques du royaume vont au-delà.  Sa stratégie d’influence va tout azimut. Rabat s’efforce de tirer profit des mutations et développent qu’engendre le conflit ukrainien. Leur politique étrangère se déploie activement en Afrique, mais aussi en direction de toute la planète : l’Europe, l’Amérique, l’Asie et l’Australie. Quasiment tous les pays du monde sont dans le collimateur du royaume chérifien.

Quelles en seront les conséquences pour la Mauritanie et pour la région maghrébine et sahélienne ?

 (A suivre, incha'Allah)

El Boukhary Mohamed Mouemel

 

 

[i] Guerre de l’information.

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