La classe sociale que l’on appelle «classe moyenne» réunit un ensemble de populations hétérogènes. Sur une échelle basée principalement sur le niveau de vie, elle se situe « au-dessus » des classes pauvres que l’on désigne par classe ouvrière et en «dessous » des classes aisées, supérieures ou élites dont essentiellement le patronat et les cadres supérieurs.
Même si la question de sa définition exacte demeure délicate, les critères majeurs de celle-ci restent conventionnellement les revenus, soit le niveau de vie, mais cela peut également s'élargir au patrimoine et l'appartenance ressentie à un statut social.
S’il est aujourd’hui, après cinquante six années d’indépendance, une réalité qui crève les yeux et interpelle ardemment les consciences, c’est bien l’absence d’une quelconque classe moyenne en Mauritanie. Le pays est pourtant immensément riche et ses opportunités de développement incommensurables.
Or une classe bourgeoise -sans arrières bases industrielles ni passé aristocratique hérité de vieilles traditions d’exploitants terriens et de fondations industrielles anciennes qui, avec le deviennent des labels- s’installe de plus en plus confortablement dilapidant au détriment du pays et de ses citoyens toutes leurs richesses et ne leur offre en contrepartie aucune prospérité socioéconomique bien loin de l’exemple exceptionnel de la Malaisie. Mahatir Mohamed, son puissant Premier Ministre (1981-2003), ayant mis la main sur le pays avec l’aide d’une poignée de membres de sa famille et de proches du pouvoir, en ont paradoxalement fait un pays des plus industrialisés et prospères de l’Asie avec nouvelle capitale de l'informatique et du multimédia, Cyberjava, donné formation et créé les emplois pour leurs concitoyens. Ils leur ont aussi offert sur un plateau en or de constituer l’une des plus importantes classes moyennes aisées au monde avec un taux de chômage de moins de 2% en 2002. N’est-ce pas un bel exemple de bourgeoisie constructive?
En Mauritanie, force est de constater qu’aucun parti politique, ni acteur de la société civile, membre de la classe aisée, provenant du patronat ou issu des hauts cadres ne s’est fait à aucun moment l’écho de l’émergence d’une classe moyenne, et moins encore n’en a fait un cheval de bataille. C’est pourtant grâce aux classes moyennes que les nations prospères et stables règnent en maitre absolu et qu’elles régulent aisément aujourd’hui la marche du monde nonobstant un certain fantasme en vogue du déclin des classes moyennes.
Les leaders ou tenants de nos partis politiques bien loin de traiter des grandes questions qui préoccupent le peuple laminé par des déchirements d’un autre temps et handicapé par la pauvreté, sont encore obnubilés par les fastes du pouvoir et les dévolus du fauteuil.
Des vieux songes chimériques et puérils, nés aux années de braises postindépendance de la fougue de jeunes mouvements clandestins toutes obédiences confondues, espérant voir se profiler une force ouvrière dynamique à même de se transformer en classe moyenne, il ne reste hélas qu’une tendance cauchemardesque au fatalisme. Cette ambition fut étouffée par la conjugaison de plusieurs facteurs d’ordres conjoncturels et structurels :
- une guerre insensée de 1975 à 1979,
- une sécheresse dévastatrice de 1971 à 1984,
- des coups d’Etat sans répit de 1978 à 1984,
- une absence patente de la notion d’Etat,
- une survivance incongrue de stratification révoltante de la société dans son ensemble,
- une absence d’assises économiques en termes d’infrastructures d’accueil d’une classe ouvrière qualifiée, et d’un environnement d’emplois et d’industrialisation,
La résultante : une classe bourgeoise relativement impotente et sans imagination qui prend en otage le pays tout entier depuis près trois décennies et qui ne cesse de le conduire vers un inéluctable chaos.
Seules des mesures fortes de rééquilibrage sont en mesure de mettre un terme à la forte hégémonie dans la gouvernance du pays de cette bourgeoisie de l’opulence sans âme patriotique, ni vision éclairée, et encore moins de projets de société.
Encore faut-il le répéter, la solution à tous les déséquilibres vécus réside entièrement dans une bonne répartition de toutes les richesses par la création d’environnements propices de travail et de production issus d’une planification rationnelle et mesurée. C’est à cela que tient l’émergence d’une véritable classe moyenne capable de réguler en tout temps et en toute circonstance les des fluctuations dans un pays qui serait alors en marche.
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