Il est clair que la culture mauritanienne d’aujourd’hui a du mal à comprendre et à vivre le présent. A l’heure où l’immense majorité des mauritaniens est devenue sédentaire, elle reste tributaire de l’esprit de la « badiya »,du désert et de ses us et coutumes, d’un monde irrémédiablement révolu
Aujourd’hui, la jeunesse préfère se réfugier dans une sous culture faite de musique et de feuilletons distillés généreusement par les centaines de chaînes satellitaires arabes
La musique maure devenue incompréhensible pour la majorité des Mauritaniens se réfugie dans la répétition inlassable de quelques « echouars » qui ont remporté un petit succès
La poésie maure est souvent supplantée par la poésie en arabe classique encouragée par un système éducatif qui ignore superbement les cultures locales
L’art des forgerons est devenu produit pour touristes, l’imagination est ici stagnante parce que l’exigence d’excellence s’est envolée.
L’architecture des villes anciennes est en train d’être étranglée par le béton armé. Les vestiges sont mal protégés .J’en donne comme exemple (douloureux pour moi) les ruelles et la vieille mosquée de la Casbah d’Atar, détruits pour construire une mosquée en béton armé et une large rue « permettant la circulation des voitures »
Les habitudes sociales figées ont également perdu de leur sens profond et se transforment en rite incompréhensible pour la jeunesse
Et pourtant le mauritanien même sédentaire reste nostalgique de son passé. Les villas les plus modernes abritent souvent une tente, lieu de rencontre favori de toute la famille. Les premières gouttes de pluie s’accompagnent d’une migration massive des citadins vers le désert, lieu privilégié de vacances et de villégiature, la poésie maure est écoutée avec ravissement, même si elle n’est plus vraiment encouragée-la réussite de l’émission « Bedae » est le signe de cet intérêt- la musique maure est revendiquée même si elle est de moins en moins écoutée
Mais la culture maure a besoin d’une révolution. Elle a besoin de se libérer de l’emprise quasi-totale des castes et des classes et de devenir culture de tous, ouverte à tous. La musique doit s’ouvrir à toutes les vocations, l’artisanat à tous les génies
Et pourtant on assiste à un phénomène étonnant : ce sont les descendants des anciennes "classes opprimées", les fils des artisans, les harratines descendants d’esclaves qui s’accaparent et revendiquent de plus en plus la culture maure dans sa pureté. C’est peut être là une belle revanche de l’histoire. C’est peut être aussi là la seule garantie qui vaille de pérennité .La culture maure se « démocratise », s’ouvre donc un peu. Mais il lui reste à faire sa révolution »
MBarek Ould Beyrouk, écrivain- journaliste
Source : Adrar-Info