Crise nigérienne : Et si la ‘’solution militaire’’ était locale !

La CDEAO brandit toujours l’éventualité ‘’très sérieuse d’une intervention militaire au Niger’’, selon les chefs d’état-major des pays de l’organisation. Une alternative à laquelle la communauté internationale accorde de moins en moins de crédit. Ce qui expliquerait l’intérêt grandissant qu’accorde la CDEAO pour maintenir et développer des circuits de négociation entre elle et les membres du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) qui s’est installé à la tête du pays.

Souffler le chaud et le froid…

  Conscients des limites des risques militaires qu’ils encourent du côté de leurs ‘’frères d’armes’’ ouest africains,  les putschistes soufflent le chaud et le froid. Ils s’en servent comme outil de propagande pour haranguer les jeunes et citoyens en jouant sur les sentiments anti français et sur l’esprit nationaliste et patriotique au sein de la population, tout en déclarant par ailleurs leur bonne volonté pour négocier. Sauf que l’agenda politique annoncé par le général Abdourahmane Tchiani laisse peu de place au compromis. Il décrète implicitement son maintien au pouvoir, à la tête du CNSP, pour ‘’trois ans au maximum’’. Et à l’issue de cette période de transition, rien n’indique que lui et ses amis se retireront. Ce n’est donc pas la menace militaire, très hypothétique, de la CDEAO qui le fera fléchir.

Par  contre, les sanctions économiques et le blocus sont lourds de conséquences. Les populations nigériennes les vivent déjà difficilement.  Il en est de mêmes des habitants des pays riverains, notamment dans les régions frontalières. Tous expriment leurs soucis et inquiétudes. Cependant, leur colère n’est pas dirigée contre les putschistes. Au contraire, la propagande du CNSP en profite et s’active afin d’orienter la grogne populaire naissante contre ses deux principaux ‘’ennemis’’ du moment : la CDEAO et  la France. Pour le moment cela lui réussit dans une certaine mesure, notamment à Niamey ; une métropole connue par la domination de l’opposition parmi ses habitants au régime déchu de Mohamed Bazoum et à celui de son prédécesseur Mahamadou Issoufou. Et comme partout ailleurs, la voix de la capitale du pays porte loin, donnant l’impression qu’elle représente la majorité des Nigériens.

Un nouveau cycle de rebellions et de coups d’états militaires

Toutefois, s’il n’y aura pas de solutions rapides pour résoudre, ou au minimum atténuer, les difficultés économiques et sociales, résultant des sanctions et blocus imposés au pays, la courbe du mouvement d’humeur risque de changer de sens à moyen termes. Sous quelles formes ? Difficile de prédire.

Les putschistes ont procédé, dès le premier jour de leur action, au verrouillage de toute voie d’expression populaire dissonante, réduisant au silence les soutiens de Bazoum, interdisant et réprimant les mouvements et manifestations qui leur sont hostiles…

Malgré son autoritarisme, le général Tchiani, manifestement homme à poigne, aura beaucoup de mal à empêcher l’émergence de ras-le-bol dont les signes avant coureurs se font déjà sentir au sein des populations. Il pourra certes recourir à la répression pour faire mater toute tentative de contestation ou de révolte populaires. Une probabilité qui est sérieusement à craindre. Mais ce faisant, il ouvrira la voie à d’autres procédés de contestations encore plus inquiétants : des rebellions armées aux formes diverses et variées.

En effet, le Niger semble reprendre avec les périodes de coups d’états militaires.  Mais pas seulement. Rhissa Ag Boula, l’un des chefs historiques de la rébellion touarègue, menace ouvertement de recourir de nouveau à la violence pour faire tomber le nouveau régime militaire et remettre Bazoum à sa place. D’autres mouvements d’opposition armés risquent de voir le jour. En outre, la situation sécuritaire, qui s’est dégradée davantage depuis le coup d’état, risque d’empirer encore au bénéfice des groupes terroristes et criminels de tout genre.

Dans ces conditions, un nouveau coup d’état militaire n’est pas à exclure. Il sera certainement perçu par pas mal de Nigériens et de la communauté internationale comme le moindre mal. Sauf que rien ne garantisse qu’il soit le dernier putsch. Une telle ‘’solution militaire’’ pourrait bien se reproduire. Un nouveau cycle des coups d’états militaires et d’actions armées semble malheureusement prendre le départ au Niger. C’est dire que le pays, et par ricochets, la région du Sahel, sont entrés dans une nouvelle phase d’incertitudes et d’instabilité préoccupantes.  

Colonel (e/r) El Boukhary Mohamed Mouemel

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