Communication militaire:les bons échos du succès de l’outil de défense mauritanien attirent les médias occidentaux(dossier)

Une bonne communication militaire:l’outil de défense mauritanien et sa composante aérienne bien vus par la presse occidentale(dossier)

Trois équipes composées de journalistes occidentaux ont pu embarquer il y a quelques semaines à bord d’appareils d’observation aérienne mauritaniens. Certains parmi eux y sont restés pendant la durée de la mission de reconnaissance effectuée par leur avion dans le nord du pays, pas loin des frontières avec le Mali. C'était notamment le cas d' Alain Faujas de Jeune Afrique (JA).

En outre, celui-ci a rencontré le commandement militaire mauritanien à différents niveaux : le général Hanenna Ould Sidi, Chef d’état-major général Adjoint des Armées, et le général Mohamed Ould Lehreitani, Chef d’état- major de l’Armée de l’Air, ainsi que des commandants d’unités opérationnelles, aériennes comme terrestres, engagées dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transfrontalière.

A la lumière de ses entretiens avec les chefs et acteurs militaires, et de ce qu’il a pu observer de près sur le terrain, l’envoyé spécial de Jeune Afrique a fait son compte rendu. Son reportage vient d’être publié la semaine passée. Son témoignage est rassurant quant à l’efficacité de l’outil de défense nationale.

Sauf qu’en matière de lutte contre le terrorisme, et en matière de politique sécuritaire de façon générale, tout système de défense reste vulnérable, quelles que soient par ailleurs sa solidité et sa perfection. Les autorités mauritaniennes ne doivent pas perdre de vue cet impératif : il ne faut jamais baisser la garde  ! Comme nous y insistons toujours, les derniers attentats en Occident, en Espagne, en France, et ailleurs, nous enseignent qu'il faut toujours être prêt à l'inattendu et au pire.

Cette vigilence omni présente, à laquelle nous appelons tout le monde, gouvernants comme gouvernés, ne veut pas dire que nos autorités ne doivent pas communiquer comme il se doit au sujet des capacités militaires du pays. Bien au contraire! Elles doivent continuer sur la même lancée, comme elles font actuellement. Et pourquoi pas faire mieux encore!

En effet, comme élément fondateur de toute stratégie de défense préventive, l’utilité du concept de la dissuasion militaire et son efficacité tiennent en premier lieu à la communication. Elle est indispensable pour la crédibilité du concept comme moyen opérationnel.

Le cas présent nous parait un bel exemple à suivre et à perfectionner dans ce but. Surtout qu'il ne semble pas isolé, si l’on se réfère aux multiples actions d’ouverture entreprises ces dernières années par les forces de défense et de sécurité mauritaniennes en direction des médias et relais d’opinion en général.

 Cet exemple participe, en effet, d'une approche communicationelle désormais caractéristique de l’armée mauritanienne qui a bien réussi sa métamorphose, en passant en peu de temps d’une « grande muette » à une bonne communicante. Tel est en tout cas le sentiment que nous inspirent aujourd’hui ses bons rapports avec la presse et le grand intérêt qu’elle accorde à la communication en tant que composante essentielle d'une vision stratégique globale centrée sur la sécurité du pays et sa stabilité.

Le témoignage suivant le confirme. Son auteur est à son 3ème ou 4ème reportage sur la Mauritanie et son système de défense. Et il n’est pas le seul. D’autres journalistes étrangers se bousculent devant les bureaux des autorités en charge de la défense et la sécurité.

Bien que la ligne de conduite générale est de leur ouvrir les portes, leurs chances d’accéder au but sont variables.

Parmi les fortunés les plus récents, qui ont dû croiser Alain Faujas à l'occasion des voyages à bord des moyens militaires aériens évoqués précédement, ou à l'occasiuon de leur préparation, citons des envoyés de la chaine française « France 24». Mais à la différence du journaliste de JA, qui a travaillé essentiellement sur la politique et les moyens de défense, cette équipe s'interressait au retour des touristes occidentaux en Mauritanie. Et elle a réalisé un excellent reportage en français et en arabe sur ce thème.

Cependant, l’efficacité et la pertinence de l’approche sécuritaire mauritanienne, ses moyens, leur organistion, leur déploiement... se sont invités largement dans son travail. Ils y ont occupé une place centrale au point de constituer la toile de fond qui embellit et illumine quasiment toutes les séquences du reportage. Dans le prolongement de ce satisfecit, je m'attends personnellement à que l'angle d'attaque (ligne éditoriale) suivie par la troisème équipe qui, elle, est dépêchée par VPRO TV, une chaine de télévision néerlandaise, s'insrive dans le sillage des deux autres équipes précédément décrites.

colonel (e/r) El Boukhary Mohamed Mouemel

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« Haut les mains! Police aérienne!

ALAIN FAUJAS, envoyé spécial À JA-

Pour sécuriser le territoire et les 5000 km de frontières, l’état-major a méthodiquement développé une armée de l’air aux moyens réduits mais effaces. Reportage.

À 400 mètres d’altitude, le Cesna épie le désert grâce à l’œil de lynx électronique installé sous son ventre qu’un lieutenant braque sur le moindre signe suspect au sol. À l’aide d’un écran situé derrière le pilote et d’un joystick, il inspecte un arbre, un véhicule, une tente, dont il distingue, avec son zoom super-puissant, les moindres détails, lesquels sont transmis en temps réel au PC de Nouakchott. De là, les opérateurs lui demandent de grossir l’image d’un 4x4 à l’arrêt pour vérifer qu’il s’agit d’orpailleurs et non de trafiquants. Négatif. Ses cinq heures d’autonomie donnent au monomoteur la possibilité de poursuivre son balayage systématique des ergs et des regs à la recherche de menaces potentielles.

Pour sécuriser un territoire grand comme une fois et demie la France avec 5000 km de frontières, l’état-major mauritanien a développé une armée de l’air réduite (700 militaires dont 60 pilotes formés à l’École militaire de l’air d’Atar, puis aux États-Unis et en France) et rustique (transport et reconnaissance: 1 DC-3 et 2 Cessna ; chasse : 5 Tucano et Super Tucano ; 3 hélicoptères, dont 2 armés). « Chez nous, les F-16 ne sont pas adaptés et ils coûtent très cher, à l’achat comme à l’entretien », explique le général Hanenna Ould Sidi, chef d’état-major adjoint des armées. Il ne s’agit pas de neutraliser des jihadistes venus d’Algérie ou du Mali. « Ils ne s’y risquent plus depuis dix ans parce que, dans le désert, leurs 4x4 font des cibles très vulnérables », ajoute le général. En revanche, il n’est pas question de laisser s’installer une zone de non-droit dans le nord-est du pays, le Tiris Zemmour, où seulement 200 km de désert mauritanien séparent le Mali de la zone sahraouie. Les trafiquants tentent de traverser cet espace de sable et de rocailles à 150 km/h à bord de bolides bourrés de drogue, mais se heurtent au dispositif d’appui tactique qui les attend: l’armée les intercepte par air et par terre.

Une tonne et demie de drogue

Le 22 septembre dernier, une source malienne informe l’état-major qu’un Toyota avec quatre trafiquants à bord s’apprête à franchir la frontière mauritanienne. « Nous décollons d’Atar avec notre Super Tucano, raconte le commandant Ahmed Taleb, pilote de chasse et directeur de l’École militaire de l’air. Une heure plus tard, nous repérons l’objectif sous un arbre. Tir de sommation. Nous prévenons la brigade spéciale, déjà en embuscade dans le secteur, que le véhicule fuit. Nous cerclons au-dessus de lui en communiquant en temps réel à la brigade les images et la localisation du4x4.» La brigade se met en position pour l’intercepter. « L’avion l’a rabattu vers nous, confirme le commandant X, carrure et flegme de baroudeur. Face à nos quatre Toyota, chacun servi par quatre hommes et équipé de deux mitrailleuses, il n’avait aucune chance et ses occupants se sont rendus sans résister. Ils transportaient une tonne et demie de drogue. Nous n’avons pas tiré un seul coup de feu. » Le 24 janvier, autre scénario. « Nous localisons deux Toyota, reprend le commandant Taleb. Ils cherchent à fuir. Tir de sommation. Les occupants d’un des véhicules l’abandonnent. Le deuxième parvient à s’échapper. Nouveau passage et nouveau tir pour immobiliser le Toyota, car la brigade n’est pas encore à proximité. Malheureusement, un des passagers du 4x4 est mortellement blessé. Nous avons l’ordre de mitrailler les pneus ou le moteur et de ne pas tuer, mais c’est difficile d’être précis depuis un avion. Ils commencent à comprendre: désormais, quand ils nous voient, ils s’allongent au sol et attendent la brigade pendant que nous tournons au-dessus d’eux. »

Pour le général Mohamed Lehreitani, chef d’état-major de l’armée de l’air, il faut épargner les vies humaines. «J’ai rencontré à la prison de Zouerate certains de ces délinquants, rapporte-t-il. Ce sont souvent de très jeunes Maliens,Touaregs ou Arabes qui me disent avoir choisi ce trafic pour 50 euros car ils n’ont rien à manger. Ce ne sont pas des criminels. »

La coordination entre les armées est devenue la règle. « Nous avons aussi réalisé un exercice conjoint aviation-marine car les terroristes pourraient être tentés de passer par la mer, souligne le général Ould Sidi. Nous connaissons leurs chefs mais pas leurs troupes, et, dans la zone densément peuplée du fleuve Sénégal, il est difficile de les repérer. »

L’armée mauritanienne semble en tout cas fin prête pour participer à des opérations conjointes avec les autres armées du G5 Sahel voulu par le président Ould Abdelaziz… à condition que leurs riches alliés leur en donnent les moyens. Ses bataillons s’aguerrissent en Centrafrique sous le pavillon de l’ONU et leur zone d’action y est citée en exemple par le commandement des Nations unies. Une bonne entente règne avec les autres états-majors du G5. L’École interarmes d’Atar accueille des militaires maliens, nigériens, burkinabè et tchadiens. L’École de guerre du G5 ouvrira ses portes à Nouakchott en septembre 2018, avec l’appui d’officiers français qui en formeront les professeurs au démarrage.

Mais la lutte contre le terrorisme implanté dans les pays désertiques sera longue. L’armée mauritanienne connaît bien ces zones, car on y parle la même langue que dans certaines régions du pays. « Au début, les terroristes n’étaient pas à l’aise parmi la population, analyse le général Ould Sidi. Ils ont creusé des puits pour elle. Ils l’ont soignée, nourrie et protégée. Aujourd’hui, elle est avec eux et cela prendra du temps de l’en détacher. Il faudra une action politique, économique, sociale et religieuse de longue haleine. La guerre n’est pas la solution: elle n’est jamais bonne. » A.J

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