Entre notre pays et le Maroc il y a comme un paravent de brume qui empêche nos voisins de savoir nous écouter. Une incompréhension qui rappelle étrangement la vieille parabole de l’aveugle et de la souris : un aveugle, l’éclair d’un unique et court instant de vision, aperçoit une souris et, à partir de ce moment, situe tout par rapport à l’apparition brusque de ce minuscule animal.
Le Maroc qui a longtemps revendiqué notre pays n’arrive pas à se libérer de ce sentiment de quasi-possession. D’où sa tendance à nous considérer sinon comme une province perdue, du moins comme un petit frère qui doit hocher la tête devant son ainé.
Les relations avec le Maroc sont souvent perturbées d’abord par ce qu’on appelle « l’Affaire du Sahara ».La Mauritanie a, sur cette question, une attitude des plus anciennes et des plus constructives : elle soutient une résolution pacifique du conflit, elle appuie l’action des Nations Unies en ce sens, elle se tient à égale distance des deux parties. Les Marocains eux se hérissent à chaque fois que la Mauritanie tend une main vers la partie sahraouie. Ils voudraient que notre pays rompe avec sa politique de neutralité, en leur faveur, ce qui bien sûr serait pour nous une offense à l’histoire, à la géographie, à notre culture et à nos intérêts nationaux les plus évidents
L’ire marocaine, d’ailleurs, se fait voir chaque fois que la Mauritanie affiche une position différente de celle avancée par le royaume chérifien. Dans leur esprit, toute entreprise mauritanienne non conforme à leur vision devient un acte hostile, une grave sédition. Car dans leur subconscient nous somme eux mais ils ne sont pas nous D’où la nécessité pour les diplomates marocains de visiter un psychologue avant toute tentative de comprendre les positions mauritaniennes et d’accepter enfin que les Mauritaniens ne sont les « petits frères » de personne
Aveugle en tout ce qui nous concerne , le Maroc ne s’est point rendu compte que la Mauritanie n’est plus ce qu’elle était .Nous sommes un pays qui compte désormais sur l’échiquier africain et arabe, et dans le monde ; nous avons d’ailleurs présidé aux destinées de l’Union Africaine et de la Ligue Arabe, nous entretenons des relations profondes avec l’ensemble des nations, nous avons su installer des infrastructures solides dans notre pays, nous avons pu contrer le terrorisme et le vaincre, nous ne sommes plus le petit poucet des années passées.
Le Maroc est en fait obsédé par l’idée d’une Mauritanie indépendante et forte, il n’arrive pas à l’accepter, lui dont les livres de classe sont encore imprégnés par la vieille thèse Allalfassienne du « grand Maroc » s’étendant jusqu’au fleuve Sénégal.
Mais ce « grand Maroc » n‘arrive pourtant pas dans sa politique et dans sa communication à s’afficher vraiment « grand ». On n’oublie pas le fameux mot de l’ancien roi du Maroc durant la crise mauritano-sénégalaise « un pays voisin contre un pays frère », on se rappelle des journalistes et des comiques marocains qui s’en prennent de la manière la plus ignoble à la Mauritanie, et on a vu hier seulement des pseudo-commentateurs marocains avancer à la télévision des billevesées genre « nos avions font le plein sur Nouakchott, nos légumes vont en Mauritanie, ils n’arrivent pas à donner un plafond à leur aéroport.
« Du coup ce « grand frère » s’affiche ces derniers jours vraiment petit.
Pourtant il est facile de constater que la coopération mauritano-marocaine profite largement à ces derniers. Les produits marocains traversent la Mauritanie pour aller en Afrique, une des grandes compagnies de télécommunication est possédée en bonne partie par le Maroc, les mauritaniens voyagent beaucoup au Maroc …
La dernière Commission Mixte de coopération Mauritano-Algérienne semble avoir ravivé la colère des Marocains. « Ah, vous parlez à nos ennemis, vous visitez nos ennemis vous traitez avec l’Algérie ! ». On n’entend d’ici les cris d’orfraie des marocains indignés par notre prétention à avoir une diplomatie indépendante. Ils sont seulement fous, les Marocains, et ils sont sourds parce que nous leur répétons à chaque fois « nous sommes un pays indépendant, qui tient compte de ses seuls intérêts, l’Algérie est un pays frère et voisin à a fois, vos ennemis ne sont pas les nôtres » ; mais ils n’entendent rien les marocains ils ne voient rien .On revient à l’obsession de l’aveugle : situer tout a partir d’une souris disparue.
Brahim Mohamed Salem
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