Dans les coulisses, Hamza et Bilal discutent...

Mohamedhine Ould Babbah lors de la cérémonie

C’était hier en fin d'après-midi à l’ancienne Maison des Jeunes...

L’institution organisatrice, l’Observatoire Mauritanien de la Langue Arabe, voulait envoyer un message d'arabité idéologiquement fort, en rappelant les efforts louables déployés par un ancien grand ministre de l’Education nationale du temps de Moktar Ould Daddah. Il s’agissait d’honorer Mohamedhene Ould Babbah pour son bon apport pour que la langue arabe prenne la place qu’elle mérite dans tous les domaines du système mauritanien  : politique, administratif, éducatif...   

En marge de la cérémonie, alors qu’on était à l’extérieur de la salle, mon attention fut retenue un laps de temps par une discussion manifestement banale et n'ayant pas forcement de rapport avec le thème à l'ordre du jour.

Lors de la pause pour faire la prière du crépiscule ( Maghreb), deux jeunes discutaient en effet, non loin de moi. Ils échangeaient à propos d'autres sujets d'actualité dont parlent l'intelligentsia et les Mauritaniens dans leur écrasante majorité ces jours-ci. Je finirai par savoir rapidement et sans la moindre difficulté les noms des deux hommes : Hamza et Bilal. Quelques bribes de leurs causeries me parvenaient, suscitant un certain intérêt chez moi. Mieux : pour je ne sais quelle raison, elles m’amenèrent même à m’approcher davantage d'eux au point d'entendre clairement ce que disaient les deux jeunes hommes.

 Bilal, penché sur le clavier d’une tablette électronique qu'il tenait entre les mains : -"  je suis entrain de coucher sur papier des sensations que m'inspire parfois la politique du Président Aziz.  Bien que sa vision me plaise globalement, j’hésite à publier ce que j’ai écrit. Car j’aurai du mal à supporter les réactions de ses adversaires de l’opposition radicale. Ces farouches extrémistes m’en voudront à mort. Leur haine et leur violence verbale me font peur, me condamnent pour le moment au silence".

Hamza : - "Tu t’en fous. Tu leur répondras, le cas échéant, de la même façon, avec autant de vigueur et de méchanceté. Moi, c’est comme ça que je discute généralement avec les politiciens de chez-nous. Sans quoi ces hautains, qui se croient des supermans, ne te respecteront pas. Avec ce genre d'abrutis, qui se prennent pour des "intellos" au dessus de tout le monde, seule l’arrogance paye".

Bilal : - "Ce n’est pas mon genre, ça. Moi, je m'attache toujours à faire la différence entre : se faire respecter et vouloir terroriser son interlocuteur intellectuellement".

Hamza : -  "Pourtant au sein de ton clan politique, on tient également des discours aussi violents à l’égard des adversaires".

Bilal : -  "Je le regrette ! Moi, ça ce n’est pas mon genre, comme je viens de te le dire. D’ailleurs, c’est justement pour cette raison que je n’ai pas de clan politique proprement dit, dans la mesure où je n’appartiens plus à aucune formation politique. Depuis que j’ai vécu douloureusement par le passé beaucoup de querelles et de tiraillements destructeurs entre des soi disant militants et leaders, d’abord au sein du RFD d’Ahmed Ould Daddah, puis dans Tawassoul des Frères musulmans et enfin dans l’IRA de Biram, les organisations politiques me dégoûtent".

Hamza : - "Mais comment est - ce que tu te rends compte qu’en te mettant du côté du régime, t'as choisi le camp le moins propice pour bénéficier de la liberté d’expression ?"

Bilal : - "Non ! Bien au contraire ! Comment ? Explique-moi. Je ne vois pas du tout ce que tu veux dire".

Hamza éclata de rire avant de répondre : " - Aujourd’hui, dans des pays comme le nôtre, où la légalité de l’opposition est relativement récente, appartenir à cette dernière est en quelque sorte un effet de mode. Il est donc beaucoup plus facile de parler au nom de celle-ci que de parler au nom d’un régime en place. C’est ainsi que certains comprennent la finalité de la démocratie : pour eux, la liberté d’expression est une faveur dont doit bénéficier exclusivement ceux qui luttent contre le pouvoir. Ils peuvent dire tout ce qu’ils veulent, quand et comment ils veulent.

 Par contre, vous autres du camp du régime, taisez-vous ! Faute de quoi vous serez taxés de toutes les insultes et injures : çafagas (applaudisseurs), vendus, opportunistes, corrompus, traitres …". 

Bilal, voyant les gens revenir dans la conférence, mit un terme à la discussion : "On va en salle, la cérémonie reprend".

Hamza le suivit sans mot dire, apparemment fatigué de parler ou préférant le silence pour coclure lui aussi la discussion de son côté.

Pour ma part, je les suivis dans la salle tout en pensant aux deniers propos de Hamza : "(...) pour eux, la liberté d’expression est une faveur dont doit bénéficier exclusivement ceux qui luttent contre le pouvoir. Ils peuvent dire tout ce qu’ils veulent, quand et comment ils veulent.

 Par contre, vous autres du camp du régime, taisez-vous ! Faute de quoi vous serez taxés de toutes les insultes et injures : çafagas (applaudisseurs), vendus, opportunistes, corrompus, traitres …".

El Boukhary Mohamed Mouemel

 

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