En ce mercredi, comme tous les mercredis réservés aux corvées du maitre, nous étions partis cultiver son champs à Doune, vaste plaine se situant entre Djeol et Kaedi. C'était mon baptême de feu, moi qui n'avais encore jamais pris entre les mains un manche de daba.
Comme je ne faisait pas la différence entre les mauvaises herbes et les pousses de mil, vous pouvez imaginer les dégâts ! Quand l'ancien qui nous encadrait s'en rendit compte, la fête était belle pour moi. Mélangeant morves, larmes et sueur, je laissais échapper ma douleur tout en décochant des flèches incendiaires d'insultes que seuls savent composer les "Tagallemmu". Heureusement que d'autres anciens étaient là pour le calmer et ils le conseillaient de me laisser tranquille. Ce qu'il fit finalement, résigné.
Ce jour là, j'avais l"impression qu'on avait tiré le soleil à hauteur de ma tête et que la journée avait été étirée le plus longuement possible. Finalement, aux alentours de 14 heures, je tombais malade, vomissant les résidus d'aliments qui me restaient dans l'estomac. L'eau que nous avions amenée dans une outre était terminée et les plus jeunes commençaient sérieusement à souffrir sans vouloir le faire paraître, craignant les moqueries. Comprenant cela, le superviseur arrêta les travaux et nous reprimes le chemin du retour.
Le lendemain, jeudi, nous partîmes chercher du bois mort dans la dense forêt de "Yowi loode" que je foulais pour la première fois avec beaucoup d'appréhension. Tout au long de notre séjour dans cette forêt, je ne me suis jamais éloigné d'un grand, scrutant chaque coin, chaque buisson; car comme on nous l'avait toujours laissé entendre : "dans cette foret, il y avait toujours un animal féroce, lion ou panthère, mais surtout, plus redoutable, ceux qu'on appelait les "Nimaades", voleurs d'enfants qu'ils cachaient dans leurs besaces".
Au moindre bruit, moindre ombre suspecte, je me mettais derrière le grand frère. Heureusement que tout s'était bien passé et quand nous entendîmes au loin le cri du muezzin pour la prière du "Salli fana" ( première prière en soninke), on nous fit porter nos fagots et nous rentrames au village.
En revenant au foyer le lendemain, une femme vint se plaindre du manque de respect d'un enfant connu pour son tempérament de révolté. Quand elle eût fini son récit, le maître appela l'intéressé et crie aux aînés: "Xada bamba.. !."
Je ne savais ce que ça voulait dire, mais je vis deux gaillards s'emparer du jeune homme, l'un le prenant par les pieds et l'autre par les bras. Le maître s'approcha, un mince bâton qu' on appelait "Kellin guma lemme", en pular "Cawel kelli", flexible et presque incassable, à la main, se mit a chicoter l'arrière train du bonhomme qui ne tarda pas à mouiller son cache-sexe (xeeto ou Ngembe).
Depuis lors, quand j'entends "Xada bamba", j'ai envie d'aller aux toilettes
Source : page face book de Bakary Waiga