Le capitaine Tissot et le capitaine Dubost ont commandé le cercle du Tagant, chacun à une période donnée. C’était en 1907 s’agissant du premier et six années plus tard en ce qui concerne le second.
La pénétration coloniale française était normalement dans ses dernières phases de déploiement depuis la conquête de l’Adrar par le colonel Goureaud en 1909. Mais le territoire de la Mauritanie demeurait loin d’être pacifié.
Dans ces conditions où planait l’insécurité, les rapports et correspondances administratifs émanant des deux capitaines, accordaient la part belle aux difficultés et menaces liées à la résistance et l’animosité que leur opposaient les habitants. Leurs aveux d’échec sont saisissants face à ce défi. Ce qui est compréhensible. Par contre leur façon de le dire l’est beaucoup moins.
Un très mauvais français !
La carence en matière d’écriture est une caractéristique commune que partagent les deux hommes. Elle est frappante partout dans leurs rapports respectifs : tant en ce qui concerne le style, la construction de phrases, l’orthographe, la ponctuation…
Le lecteur devrait même douter et s’étonner : Comment est-ce possible que des officiers français écrivent aussi mal ! L’authenticité des documents en pâtira forcement. Surtout aux yeux des lecteurs habitués aux rédacteurs ou écrivains militaires qui, de façon générale, manient très bien la langue de Boileau. Ce grand poète qui définit les préalables à l’écriture, de façon aussi simple que nette :
« Ce que l'on conçoit bien, s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément. »
Contrairement à ce que préconise Nicolas Boileau, ces préalables et l’aisance dans l’écriture, qui en découle, ne constituent pas le point fort des deux anciens Commandant du Cercle du Tagant ; bien au contraire! Mais cela ne semble pas trop les inquiéter.
Rien à faire contre un ennemi irréductible, protégé par les djinns !
Le souci des deux capitaines est beaucoup plus grave que les questions de forme, rédactionnelles, linguistques ou grammaticales. Il est ailleurs : comment neutraliser deux résistants irréductibles, Sid’Ahmed Ould Salek et son père, Salek Ould Arfa, en les amenant à accepter la main tendue par la France ?
La question est si profonde et complexe qu’il n’y a pas de réponse, d’après les aveux d’impuissance des deux officiers français. La détermination de leurs ennemis les abat moralement.
Le fils, Sid’Ahmed, a annoncé son refus total et catégorique de toute collaboration ou contact avec les Français. Il l’a crié courageusement, haut et fort, à la figure du capitaine Tissot. Dire plus tard qu’il a « combattu efficacement avec le capitaine Frère Jean » [i], l’affirmation nous semble suspecte.
Son père, lui est introuvable. C’est un homme très pieux, un grand "pilleur" des Français qui est protégé par une armée de djinns. Le Capitaine Dubost en est convaincu.
Superstitieux, l’officier français ? Certainement.
En tous cas, capturer un homme, aussi mystérieux et invisible, le Commandant du cercle du Tagant s'avoue clairement incapable de le faire. Et le fait d’y penser le tourmente sérieusement.
El Boukhary Mohamed Mouemel
[i] Rapport du capitaine Dubost (en image).
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