Pour sa première conférence de presse depuis la crise de covid 19, la Premier ministre, Monsieur Ismail Bedda Cheikh Sidiya, n’a pas échappé à la tradition en termes d’échos, suscitant les clivages traditionnels dans le paysage politique national. Comme à l’accoutumée, deux tendances antagonistes sont apparues ou réapparues: les opposants et les soutiens.
Et rares sont les commentaires qui échappent à l’un ou l’autre des deux camps. Le mien ne fait pas exception. Et je n’en fais pas mystère : j’appartiens au second groupe.
En lisant les propos de Mr Ould Cheikh Sidiya, je me suis intéressé à quelques éléments de langage, à leurs fréquences et parfois au poids des mots. En le réécoutant, j’ai, en effet, cru déceler dans son discours quelques lignes directrices qui portent sur quatre aspects importants : 1) la responsabilité collective de l’équipe gouvernementale; 2) sa loyauté et celle de son meneur; 3) la bonne gouvernance; et 4) les paradoxes de rupture et de continuité dans l’action des régimes politiques.
1. Une responsabilité collective
C’est au nom d’une équipe, d’un groupe solidaire et homogène, que Ould Cheikh Sidaya s’est exprimé tout au long de l’interview. Deux chiffrent en rendent compte. Il a parlé plus de 100 fois à la première personne du pluriel. L’usage de « nous » était systématique chez lui dés qu’il s’agit de révéler, de présenter ou d’expliquer toute action politique menée ou envisagée par son gouvernement, quel qu’en soit le genre ou le domaine. Une responsabilité collective qui se décline également à travers la fréquence du mot « gouvernement » dans ses propos. Il l’a prononcé 21 fois.
2. Loyauté envers le Président de la république
Faire référence au Président Ghazouany est la constante absolue dans le discours du Premier ministre, du début jusqu’à la fin de sa rencontre avec la presse. Alors que le programme du Président, ses orientations et directives sont largement mis en avant, le terme « Président de la république » est revenu 39 fois dans les propos de M. Ismail Bedda Cheikh Sidiya , réaffirmant sans cesse sa loyauté totale au président Mohamed Ould cheikh Ould Ghazouani, dont il n’a prononcé le nom propre qu’une seule fois. Comme quoi, entre les deux hommes, les relations professionnelles laissent peu de place aux liens personnels.
3. Bonne gouvernance : information, transparence et contrôle.
Le devoir d’informer le peuple et les citoyens revient fréquemment comme souci dans les explications qu’a fournies le Premier ministre. S’en acquitter convenablement fait partie d’une approche globale de gestion de la chose publique sur laquelle il met l’accent. Le mot « informer » et ses synonymes ou équivalents ont pris une bonne place dans le discours : Ils sont sortis une douzaine de fois de sa bouche.
Dans le même ordre d’éléments de langage, deux autres mots ont occupés un espace important. « Transparence » et « contrôle » furent prononcés une vingtaine de fois par lui. Le tout pour dire combien le gouvernement veille au grain en matière de bonne gouvernance.
4. Rupture et continuité, un paradoxe à gérer.
Un passage du discours du premier ministre a retenu l’attention. Il révèle une rupture très nette avec ce qui existait. « Le système de santé que nous avons trouvé devant nous était complètement défaillant », a-t-il dit. Il l’a répété plusieurs fois en variant de formules, notamment en arabe.
Cette rupture concerne-t-elle uniquement les moyens de santé propres à la riposte à la pandémie de covid 19 ?
Si oui, il faut reconnaitre que nous avons un bon alibi: la Mauritanie n’est pas le seul pays au monde mal préparé à cette crise sanitaire mondiale. Bien au contraire! Tous les Etats furent pris au dépourvu.
Si par contre, le Premier ministre veut aller bien au-delà du caractère surprenant et sans précédent de coronavirus pour exprimer un désir de changement profond par rapport aux politiques de l’ancien régime, cela est possible également. Ce serait même assez probable, selon plusieurs bloggeurs et commentateurs.
Vrai ou faux importe peu, pour vue que cela soit bien mené.
Car, dans tous les cas, et bien que cela puisse paraître paradoxal, des formes ou degrès, à la fois de continuité et de changement, sont inévitables. Et comme dans toute entreprise, peu ou prou rénovatrice, un bon dosage est à rechercher en permanence entre le nouveau et l’ancien.
El Boukhary Mohamed Mouemel
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