La réduction progressive du rectangle de dispersion des tirs de l’artillerie ennemie trahissait clairement l’importance tactique de la position du peloton qui se trouvait de plus en plus sous la forte pression de la convergence des tirs plongeants et tendus de toutes les armes de l’ennemi au contact.
La journée était ardente et le soleil au Zenith. Zram dégraffa la jugulaire de son casque et le repoussa vers l’arrière pour aérer sa tête. La sueur ruisselait à flots sur ses tempes et son front.
Malgré la pression exceptionnelle de la situation, Zram ne perdait pas de vue une seconde le Lt Taher, son Chef de peloton qui se trouvait à une cinquantaine de mètres devant lui avec la patrouille choc , légèrement décalée vers la gauche.
Les oreilles bourdonnantes à cause des déflagrations des roquettes, des explosions d'obus et des sifflements des balles, les yeux rougis par la fumée et la poussière du champ de bataille, les hommes du peloton tenaient ferme. Le peloton avait déjà enregistré un mort et deux bléssés. L’artillerie amie malgré les demandes continues du Commandant d’unité n’arrive pas à entrer en action, et l’escadron en flanc-garde du dispositif a reculé sous la formidable poussée de l’ennemi, accentuant dangereusement la vulnérabilité du peloton de Taher qui s’accrochait tant bien que mal à un terrain trés défavorable. Les escarpements étaient si bas qu’ils permettaient à peine une installation à défilement de tourelle des véhicules. La patrouille de Zram légèrement en retrait s’appliquait à couvrir par ses feux les mouvements de la patrouille choc sur le flanc droit du dispositif ennemi.
Tenant la poignée de la lourde mitrailleuse par ses deux manchons, Zram tirait méthodiquement par petites rafales et par intermittence sur les positions avancées ennemies.
- Attention, , hurla Zram.
Posté à une petite distance de son véhicule en enfilade et flanqué de son opérateur radio, Taher se leva s’élança pour changer d’emplacement, mais fut cueilli par une rafale de mitrailleuse. Il fit une pirouette et s’écroula sous les yeux incrédules de Zram alors que son véhicule de commandement volait littéralement en éclats.
- Mon Lieutenant, hurla Zram!
- Caporal Brahim, prend en compte la mit 50 et couvre moi.
Zram tira la Mag 80 de son support, prit une caissette de munitions, se ramassa et s’élança dans un sprint en direction de Taher. Malgré les miaulements des balles et les déflagrations à proximité, Zram continua son sprint. Une rafale souleva un rideau de poussière à moins d’un mètre de lui. Instinctivement, il lança la caissette de munitions devant lui et plongea en se plaquant au sol. Il atterrit sur les avant-bras, tenant la Mag 80 à deux mains par le garde-main et la crosse. Une rafale déchira le sol à l’endroit où il se trouvait une fraction de seconde plus tôt, au même moment une gigantesque déflagration secoua le sol. Lorsqu’il se retourna, il n y avait plus qu’un gros cratère à la place du véhicule Mit 50. Zram se plaqua davantage en maintenant fermement son casque d’une main sur la tête, pour éviter les dégats de la pluie métallique provoquée par les éclats du véhicule atteint de plein fouet par une roquette de gros calibre. Zram sentit le souffle de l’explosion passer au-dessus de lui. Il se leva de nouveau et fit en quelques secondes le bond de quelques mètres qui le separait de Taher.
- Mon Lieutenant, mon Lieutenant, répétait Zram hébété!
Zram se mit à ramper vers le petit escarpement rocheux à quelque mètres tirant Taher avec lui.
Mohamed Lemine Taleb Jeddou
category: