Une armée malienne « reconstituée », une voie risquée que la Mauritanie doit continuer à éviter.

L’opération est en principe salutaire : les FAMA (Forces armées maliennes) sont en tain de se déployer  dans la région de Kidal et dans les zones du nord et du centre du pays jusqu’ici contrôlées par les groupes armés issus des rébellions touarègues. En tout cas, elle suscite beaucoup d’espoir. Seulement, à y voir de près, les perspectives sont moins reluisante qu’il n’y parait.

En réalité, ce ne sont pas les FAMA qui se redéploient dans les zones considérées. Il s’agit plutôt de leurs ennemis d’hier que l’on « recycle », en quelque sorte, en leur collant le titre et la forme des forces régulières de l’Etat : « 80% des éléments des troupes (armée malienne reconstituée) seront des combattants des groupes armés du nord », selon Mariam Konaré de Bamako.com.

La même source ajoute :

 «A Kidal et dans les zones contrôlées par des groupuscules armés, le commandement militaire de l’armée sera exercé par des membres de ces mêmes groupes. Aussi, les ex combattants issus du processus de désarmement et de démobilisation choisissent leurs localités pour servir. La hiérarchie militaire du Mali ne pourra pas muter les combattants qui seront placés sous l’autorité directe des différents groupes armés (…) Toutes les dépenses et les matériels doivent être supportés par l’état du Mali.»

Il en ressort une nette domination des hommes issus de la rebellion qui sont, sans commune mesure, les premiers bénéficiaires de l’opération.  Ils détiennent quatre cinquièmes des effectifs, ont la mainmise sur les principaux leviers du commandement et bénéficient du financement de l’Etat : les mutations des personnels et le choix des lieux d’implantation des unités s’opèrent suivant leur désir, le coût financier et le soutien logistique étant à la charge de l’Etat malien.

Cependant, l’expérience a montré que la loyauté des ex rebelles intégrés dans les forces armées régulières pose souvent problème. L’histoire récente du Mali nous le rappelle.

De même, il est difficile d’obtenir une cohésion au sein de ces nouveaux bataillons et contingents. Très hétérogène, ce mélange de forces, que présente l’armée malienne « reconstituée », n’est pas à l’abri d’exploser à tout moment, miné de l’intérieur par les trop grandes différences, par les dissensions et rivalités qui caractérisent cet amalgame incohérent. Comme il ne fait pas l’unanimité des acteurs politiques, ni au sein de la société en général.

Or, comme dit l’adage « l’union fait la force ». Ce qui fait de la cohésion une valeur cardinale dans les forces armées. Il s’agit, en effet, pour les hommes sous le drapeau d’une vision commune qui se décline à travers une doctrine militaire unique, des programmes de formation communs, une homogénéité des règles de commandement et de fonctionnement…

Des critères que la Mauritanie a su mettre en œuvre. Ses forces de défense et de sécurité sont constituées de professionnels. Elles ne comprennent ni milices, ni ex rebelles. Le pays doit cependant persévérer dans cette voie et consolider les acquis en la matière.

 Les expériences des Etats qui sont passés outre ne sont pas du tout encourageantes.

Qu’il s’agisse du Mali, du Burkina Faso, ou du Niger - pour ne citer que les trois pays qui constituent le fuseau central dans le CONOPS[i] de la FC-GS5[ii], la mise au point d’un système de milices armées servant comme force supplétive et/ou l’intégration au sein de leurs armées d’anciens rebelles, ne donnent jusqu’à présent pas les résultats escomptés en matière de lutte contre les groupes armés terroristes et contre la criminalité organisée.

Bien au contraire, une telle approche s’avère plutôt préjudiciable. Outre l’instrumentalisation souvent outrancière et mal saine qu’en font de nombreux leaders et relais d’opinion, les exactions contre les populations civiles, les conflits intercommunautaires armés et le développement d’une culture et d’un esprit de vindicte raciale ou populaire… en sont les conséquences dramatiques les plus visibles.

Des risques que notre pays a su largement éviter. Il doit préserver et doubler d’efforts dans cette voie, en renforçant le caractère, à la fois, républicain et professionnel des forces armées et de sécurité. L’efficacité de notre outil de défense est à ce prix.

Il ne suffit pas seulement de les doter de ressources humaines et matérielles adéquates, les forces armées et de sécurité doivent également faire l’objet d’un consensus national qui les mette hors de portée des discours de politique politicienne. Pouvoir comme opposition, société civile comme médias, doivent s’y accorder. Leur sécurité et celle de la nation l'exigent. Y répondre favorablement est un service  militaire vraiment minimum de leur part.

Colonel (e/r) El Boukhary Mohamed Mouemel

Président du COTES[iii].   

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[i] Concept opérationnel.

[ii] Force commune du G5 Sahel.

[iii] Centre Oum Tounsi pour les Etudes stratégiques.

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