Tijigja...

... ça, j'adore ! Et ce n'est pas seulement parce que j'aime Tidjikja, ou Tijigja comme on dit chez-moi.

Autre chose de plus fort, à la fois artistique et abstrait, m'y attache. Je ne le perçois pas très clairement, et je n'ai pas envie d'en savoir plus.

Seul Idoumou Mohamed Lemine Abass en a le secret. Mais je le mets en garde de le révéler. D'ailleurs, comme toute belle plume, il n'en est pas capable.

Le secret des mots, il ne le viole pas, préférant dialoguer admirablement avec leur mystère, s'en abreuver et en alimenter le lecteur. Paris réussi, s'agissant de "Tidjikja".

El Boukhary Mohamed Mouemel

"Tidjikja

Au commencement, sur le chemin des bâtisseurs d'éternité il n’y avait que la pierre rebelle transie de solitude et une batha désolée de couler depuis des millénaires sans nourrir de civilisation.
Au commencement, sur le chemin de l’errance irréversible, il y avait l’amertume de l’arrachement, la détermination à prendre le large et seulement les étoiles pour repères. Il y avait aussi la peur de l’inconnu et l’incertitude de la destination. Et il y avait, enfouie dans la mémoire olfactive d’un vieillard aux yeux éteints, les effluves du destin enfermées dans une poignée de sable mouillé.
Un soir, le sable a parlé, libérant les précieuses fragrances mythiques et Tidjikja est née, sous un ciel d'étoiles mirobolant et sous les cris joyeux des femmes et des enfants errants.
Depuis ce jour, la perle des oasis se mire chaque nuit dans les yeux de la voûte étoilée, répondant au sourire de la lune par ses dunes et par les mystères de son exorde. Blottie dans le giron de Taref Ederg et des grottes de Baghdada, elle étale à perte de vue les splendeurs de ses parures de fée, alors que les jeunes oasiennes nubiles disent les premières paroles du chant. Leurs voix fluettes d’enfants jurent que la mémoire est insoluble comme les mots de la chanson première et comme la grandeur de Tidjikja gravée dans le sable et dans la pierre. 
On ne peut pas fausser le sable ; on ne peut pas tuer la pierre et au milieu un peuple fier.

 Idoumou Mohamed Abass