Souvenirs de l'escale des "M"

Souvenirs d’une escale

C’était il y a deux ans, jour pour jour. Grâce à face book, quelques uns de mes souvenirs refont surface aujourd’hui : Pas moins de six ‘M’ qui jaillissent abondamment, se bousculant pour forcer le passage. Sous la pression de leur mouvement, le couvercle de ma mémoire cède malgré sa capacité de résistance qui semble se renforcer de jour en jour. Le fait qu’il lâche me rassure : peut-être que mon amnésie est réversible.Mais ça c'est une autre paire de manches. Je reviens plutôt à ce flot de "M" que deverse ma mémoire.

«  Le ’M’, monde. Ça grouille de monde et dans tous les sens : monde de toutes les couleurs, monde de toutes les religions, monde de toutes les langues… monde pour tous les goûts… monde où curieux et badauds trouvent matière à regarder, à écouter… Des mondes à contempler…

 Le ‘M’, merde. Mais à trop regarder ces mondes dans l’aéroport d’Istanbul, à trop se laisser aller dans ses contemplations incontrôlées, dans ses rêveries, on oublie parfois de prendre soin de ses affaires personnelles. Et quand on se rend compte que l’on a perdu son porte monnaie juste au moment où il fallait payer la note du resto, le ‘M’ n’est plus ni moins que celui de merde. 

Le ‘M’, mosquée. Après une merde rien de mieux pour se consoler en se réfugiant dans la foi, que d’aller juste à côté, dans l’autre aile, pour prier dans la mosquée. Les passagers en transit y sont tellement nombreux, accueillants, vertueux, ouverts... Le risque est de trop prolonger les conversations alors que les guichets d’enregistrement pour votre vol ont commencé à accueillir les voyageurs. Et là j’ai failli croiser pour la deuxième fois cet imbécile ‘M’ de merde. Heureusement qu’un jeune nigérien m’a alerté, sinon j’étais bon pour rater mon vol. 

Le ‘M’, mauritanienne. Elles ne sont pas du tout, nombreuses mes compatriotes : seulement deux rencontrées au guichet d’embarquement. Elles ont cependant suffisamment du jus pour indisposer quelqu’un comme moi, quelqu'un qui n’aime pas prendre sur lui des colis dont il ignore ce qu’i y a à l’intérieur. Le problème: ces deux commerçantes ont un excès de bagage… et moi j’ai un manque. Elles tiennent absolument à que je complète avec le leur. Et c’est logique, c’est même l’usage chez nous Zautres. Voilà pourquoi elles ne vont jamais réaliser que pour une question de sécurité, je ne peux pas le faire, comme j’ignore ce que leurs colis contiennent.

Le 'M', moquerie... Refuser de prendre des colis dont vous vous méfiez, suscite parfois des réactions méchantes à votre encontre. Voilà qui explique pourquoi de facto, aux yeux de mes deux compatriotes commerçantes, je deviens ‘gentiment’ radin, un vilain lâche.

…ou 'M', méchanceté. Expertes dans l'art de tourner l'interlocuteur en dérision, mes compatriotes commerçantes me font comprendre que je ne suis pas à l'abri de leur risée malveillante. Je le perçois dans leurs regards et leurs sourires moqueurs, dans leurs railleries quand elles me traitent ironiquement de ‘’galant’’, de ‘’généreux’’, de ‘’fils de grande tante" (garçon de bonne famille). Décidément, cet imbécile ‘M’ de merde ne me lâche pas, durant cette escale à l’aéroport d’Istanbul ! Pire : il finit même par se transformer en 'M' synonyme de méchanceté.

El Boukhary Mohamed Mouemel

Istanbul, 29 janvier 2015 »

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