La grande salle de l’ancien Palais des congrès a abrité, samedi 10 avril, une cérémonie d’hommage à l’icône nationale mauritanienne et l’idole de tous les sahariens, le regretté Sidati Ould Abba. La cérémonie, qui a été présidée par le Ministre de la culture, de l’artisanat et des relations avec le Parlement, M. Lembraott Ould Bennahi et à laquelle ont assisté ; le Ministre des affaires étrangères et de la coopération et le gratin de la scène intellectuelle et artistique de Nouakchott, a été marquée par la présentation d’un ouvrage-hommage écrit par son auteur Dr Mohamed Ould Bouleiba et publié aux éditions Joussours/Ponts sous le titre « "Sidati Ould Abba, l’artiste et l’Homme ".
Dans cet ouvrage de 122 pages, format moyen, édité avec l’appui du Ministère de la culture, de l’artisanat et des relations avec le Parlement, le chercheur passe en revue les grands moments de la vie du défunt et décrit les principales étapes de son parcours artistique, de l’arrivée de sa famille, Ehl Ndjartou, en Mauritanie, à sa mort en 2019. Chaque événement et chaque information mentionnés par l’auteur sont illustrés par des séquences musicales, rassemblées dans une clé USB qui accompagne l’ouvrage.
Sidati Ould Abba appartient à l'une des plus anciennes familles des Igaoun qui ont pratiqué la poésie et le chant au Sahara ; à savoir la famille de Sedoum Ould Ndjartou, né Hassoun, dont la lignée est mentionnée dans les écrits de Moktar Ould Hamidoun et qui s’est installée au sud de l’actuelle Mauritanie, à la fin du XIe siècle de l'Hégire (fin du XVIIe siècle ap. J.C), venant du sud de l'Algérie et du Maroc, en passant par Sijilmassa.
Le grand-père de Sidati est né en 1222 h. / 1710 ap. J.C et s'appelle Sedoum Ould Amar Ould Taleb Ould Hassoun, surnommé Sedoum Ould Ndjartou, du nom de sa mère, ou de sa nourrice, selon une autre version. Elevé dans l'état d'Oulad Mbareck, avant de passer dans d’autres émirats (Oulad Leghoueizi, Idaouïch, Oulad Nasser et les Brakna), il a composé des poèmes héroïques, vantant les valeurs et les prouesses de ces Emirats et vécu une des plus remarquables périodes de sa vie, entre les familles émirales des Idaouïch, dont il a chanté les faits d’armes et les victoires.
Sedoum Ould Ndjartou, a joué un rôle déterminant dans la constitution de la société mauritanienne, grâce à l’art de la musique et de la poésie, dont son petit-fils Sidati s’aidera après lui pour la formation et l’éducation des mauritaniens et l'unification de leurs émotions et leurs sentiments, s’inspirant, entre autres, de l’un des génies poétiques et des saints de son temps, Mohamed Ould Adouba, dont la famille est une école de mysticisme, de poésie et de littérature. Tout au long de sa vie, Sidati a subi l’influence de cette famille.
Sidati a maîtrisé la poésie Hassaniya, dit Ould Bouleiba, grâce à son père et à son oncle Sedoum, dont la poésie est incomparable. Son père Elfa Ould Abba lui a appris l'art de la Tidinit d’Ehl Abba et Abdallahi Ould Homod Vall lui a enseigné celle d’Ehel Homod Vall. Le défunt était un poète distingué, disant la poésie sans effort. Ses poèmes étaient moralisateurs et incitaient à la vertu. Lorsqu’il sentait que la société déviait un peu, il composait des poèmes dont l’objectif était de redresser cette déviance.
Dès les années cinquante du siècle passé, la renommée de Sidati a débordé sa région, le Tagant, dont il décrit avec virtuosité les paysages et la vie heureuse qu’il y passait, notamment dans son chef-d’œuvre cité dans cet ouvrage. Il devient ainsi le Maître du chant au Sahara et l'Artiste de toute la Mauritanie. Ces titres lui étaient donnés partout, y compris dans tout le Sahara. Les poèmes qui appelaient Sidati par ces noms (« Le poète de la Mauritanie », par exemple) en sont la preuve. On l’appelait aussi « Le véritable imam de l'art ». Il était généreux, prodiguait à volonté son art et ses biens et s’engageait pour les causes de sa société et de sa nation. Nombre de poètes l’ont exprimé dans les textes qu’ils ont composés sur lui.
Sidati a composé le premier hymne national en 1960, faisant œuvre de virtuose dans cette composition. Il a contribué, comme d'autres artistes patriotes, à construire au fil du temps nos valeurs civilisationnelles ; nos valeurs religieuses, cognitives et comportementales, telles que la dignité, la magnanimité et la vaillance. C'était un grand artiste qui a marqué une période de notre histoire moderne. Il a été le premier artiste saharien à jouer de la guitare. Il a réussi à adapter cet instrument à notre système musical, en l'ajustant aux attentes des peuples du Sahara, sans heurter les éléments spécifiques de leur civilisation multiséculaire. Des exemples d’adaptation de la guitare aux modes Lebyadh, El-Liyin et Beygui A’Adhal sont cités dans le présent ouvrage. Sans la maitrise par l'artiste de son art, ce processus d'adaptation n'aurait pas eu lieu et tous les éléments révélateurs de notre spécificité culturelle auraient disparu.
Dans son ouvrage, Mohamed Ould Bouleiba montre la convergence entre notre art originel et notre religion tolérante. Il affirme que d’une part cet art est une consolidation de la foi et de l’autre il est une purification de l'âme par les louanges du Prophète(PSL) et par les préceptes des soufis. Il apparaît aussi, poursuit-il, que cet art est un lieu où les émotions et les sentiments de toutes les composantes de notre peuple confluent. Et Sidati rassemblait toutes ces composantes autour de sa personne. Aussi, a-t-il su gagner l'admiration de tous, comme en témoignent les pièces de poésie dialectale et savante que citées par l’auteur, et qui sont dites sur lui à l’éclosion de son talent, durant sa vie et après sa mort.
Avant la riche et émouvante présentation par l’auteur de son ouvrage, M. Ahmed Ould Sidati Ould Abba a prononcé, au nom de la famille Ehl Abba, une brève allocution dans laquelle il a remercié l’auteur et salué l’érudition et le l’honnêteté intellectuelle dont il a fait preuve dans l’élaboration de ce livre d’une grande importance.
De son côté, M. Cheikh Ould Sidi Abdalla, chargé de mission au Ministère de la culture, de l’artisanat et des relations avec le Parlement a, dans un discours prononcé au nom de son Ministre, salué à son tour le travail de l’auteur et affirmé que l’appui de son département à l’édition de cet ouvrage s’inscrit dans le cadre de l’action du Ministère en faveur de la promotion et de la valorisation de notre riche patrimoine culturel et la célébration des grandes figures de notre culture et de notre art.
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* professeur à l’Université de Nouakchott et président de l’Association des écrivains mauritaniens d’expression française .
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